Je l’ai connue durant mon passage à l’Université d’Oran. Elle était à la même Fac que moi, juste une promo avant. Elle faisait partie des Mamouni, Laredj, Bahloul, ainsi que Guerid et Lakdjaa. Ces deux derniers entreront d’ailleurs en conflit avec Elle pendant une quinzaine d’années au niveau du CRASC. C’était aussi l’époque des Marouf (premier docteur d’État en Sociologie qu’a connu le Pays) de Feu Fardeheb, de Médiene et Djaghloul. Elle était une étudiante studieuse en phase avec les données politiques de l’époque qui mettaient la majorité dans le giron des «progressistes» luttant contre l’impérialisme et le capitalisme exploiteur. Elle attirait beaucoup les étudiants parce qu’elle était aussi ravissante sous son air d’aristocrate Tlemcenienne. Nos lectures étaient Bourdieu, Garcia…. Et nos modèles le Che, Castro et … Boumédiène. Elle était très active dans le CUV (Comité Universitaire de Volontariat) qui mobilisait les étudiants dans la campagne d’explication de la Révolution Agraire, aux Paysans. Elle, c’est REMAOUN Noria, devenue BENGHABRIT, Ministre de l’éducation. Je l’ai perdue de vue dès la fin des études. J’ai rejoint le secteur de l’industrie, elle a choisi de rester à l’Université. Mais, j’ai toujours continué à entendre parler d’elle, notamment au niveau du CRASC où elle a débuté comme chercheuse avant de prendre la destinée de ce prestigieux centre, qui ne fait pourtant pas l’unanimité. Mais, il est clair que lorsqu’on s’occupe de recherches sur la sociologie et la société, cela crée toujours polémique, du fait de la prolifération des sujets tabous.
C’est au niveau du CRASC qu’elle a entamé son expérience de management. D’ailleurs cela lui a valu énormément de déconvenues avec ses ex-collègues devenus subordonnés. Le conflit qui perdurait jusqu’à sa nomination, a même atterri sur les bureaux des Magistrats.
Elle vient d’être choisie comme Ministre dans l’équipe de Sellal. Connaissant le clientélisme qui anime ces désignations, on ne comprend pas comment ce choix a pu être opéré dans la mesure où elle ne fait partie d’aucun parti politique, ni participé à une quelconque campagne électorale. Il est vrai qu’elle et son mari sont d’origine Tlemcenienne, mais cela justifie-t-il tout ? Ou bien le choix a été fait exclusivement sur sa compétence, son profil de pédagogue et les nombreuses recherches qu’elle a effectuées ou dirigées sur le plan de la pédagogie, de la formation et de l’éducation. Cela serait inédit, vous en conviendrez, connaissant les pratiques du système privilégiant les allégeances, le népotisme et le clientélisme. Certaines mauvaises langues ont exploité une obscure descendance juive pour la descendre. Combien même cette information serait vérifiée, le nombre impressionnant de familles juives islamisées au même titre que les berbères lors de l’avènement de l’Islam, vivent leur religion et leur «Algérianité» de la manière la plus normale.
En 1977, elle obtient son diplôme d’études approfondies (DEA) en Sociologie de l’éducation à l’Université d’Oran. Ensuite, en 1982, un doctorat – toujours dans le même domaine d’études – délivré par l’Université Paris V. Elle est spécialiste des sujets relatifs à l’éducation, la jeunesse, les femmes dans la société et la famille.
De 2003 à 2006, elle fut la présidente du comité arabe de l’Unesco pour l’enseignement supérieur . Elle a réalisé et dirigé d’importantes recherches ayant généré des publications, notamment sur :
– L’école algérienne: transformations et effets sociaux, en 1998
– Politique scolaire et réalités en Algérie, 1992
– Violences à l’école: État des savoirs, 1998
– Rapports à l’institution scolaire chez les lycéens de terminale 1998
Depuis longtemps, au niveau de l’éducation, les Ministres se suivent et se ressemblent. Pourtant une fois n’est pas coutume, cette fois-ci, il semblerait qu’il y ait coupure.
D’abord parce que la nomination tient compte essentiellement du profil. Ensuite, la Ministre a eu à réaliser énormément d’études sur l’école Algérienne et surtout a fait partie de la Commission Benzaghou sur la réforme. On peut donc affirmer qu’elle maîtrise parfaitement les dysfonctionnements et les réels problèmes qui ont « sinistré » l’école Algérienne. Pourra-t-elle passer de la force de proposition qu’elle était à la force de décision qu’elle est devenue et procéder au redressement de ce secteur oh ! Combien vital !
Cela dépendra assurément de deux prérequis essentiels : Le degré de son implication et sa capacité de résistance aux pratiques des rentiers du système. De son résultat, on saura alors, s’il est possible de réformer le système de l’intérieur ou alors, c’est toujours lui qui avale tout ce qui l’approche! Sinon, il faut qu’on s’explique sur l’acceptation d’un département qui se trouve dans une situation explosive avec l’approche des examens (BAC) dans des conditions impossibles, décision que l’on pourrait assimiler à un hara-kiri.
Pour le moment, Noria semble avoir déjà pris le taureau par les cornes. Oubliant, la période de grâce, celle qui consiste à faire un état des lieux, elle agit comme celle qui a déjà établi le diagnostic et passe à la phase thérapie. Elle organise une conférence nationale sur l’éducation où elle a exigé d’ «arriver à identifier les théories et solutions les plus rationnelles et non pas appliquer une réforme avec un listing d’actions». Et redonner « La valeur symbolique du BAC qui doit être réhabilitée. » Mais les pressions des difficultés quotidiennes, héritage d’un certain BENBOUZID, font craindre de réduire le comportement de la nouvelle Ministre à gérer la «ataba » en parlant des seuils des cours pour les révisions du BAC, et les grèves récurrentes des enseignants. Est-ce pour éviter cela qu’elle a entamé « sa » conférence par une demande d’un sursis de la part des différents syndicats ?
Au fait, dis-moi Noria, je ne t’ai pas entendu t’exprimer – du moins pas encore ! -sur deux graves dangers : le phénomène de l’école informelle. Je veux parler des cours particuliers qui demeurent la véritable plaie et la violence dans les écoles!
djillali@bel-abbes.info.