Chronique du jeudi: “JE NE M’Y RECONNAIS PAS !” (Revisitée)

Djillali Cherrid
1951 – 2018

 

Chronique du jeudi (Revisitée) : «JE NE M’Y RECONNAIS PAS ! » Par Djillali C.

Le 5 juillet doit inspirer tout Algérien qui se respecte. Par respect à la révolution, aux Chouhadas. Justement, à propos de Chouhadas, j’ai envie aujourd’hui d’aborder un sujet qui risque de provoquer une levée de boucliers de la part de la frange d’opportunistes qui – sans hésiter -s’est accaparée sans scrupule aucun, tous les symboles de cette Noble Révolution et la Mémoire des Hommes qui l’ont faite ! Au fait, j’ai longtemps hésité – de peur, je l’avoue – car les interprétations les plus odieuses sont permises pour préserver les mal acquis !
Alors, qu’on soit clair, et je le dis sans pudeur : « JE SUIS FILS DE CHAHID » Mon père et son frère célibataire sont tombés au champ d’Honneur ! Mon père a fait de la prison chez Bigeard (Saida) a pu s’évader avec un groupe de Moudjahidines, ce qui ne l’empêcha pas de tomber sous les balles de l’ennemi en juin 1957 !

Ce préambule était nécessaire pour qu’on ne me traite pas de fils de Harki, pour ce qui suit :

Ceci étant dit, je me suis toujours démarqué de l’utilisation des enfants de Chouhadas à des fins pas trop catholiques et surtout électoralistes ! Nos pères sont morts au combat pour l’indépendance parce qu’ils n’ont pas accepté le joug de l’ennemi. Gloire à eux ! Alors, utiliser leur mémoire à travers leurs enfants, est à mon sens ridicule pour désigner une « famille révolutionnaire ».  J’aurais tant aimé que ces Enfants soient pris en charge au lendemain de l’indépendance, alors qu’ils étaient de jeunes chérubins démunis de tout, et n’ayant qu’une Mère bravoure pour les couver et les nourrir de pain et d’eau fraîche, si ce n’est de la compassion de voisins et de quelques rares proches ! (Je ne parlerais pas de ceux qui n’avaient même pas de mère ! Et j’en connais !).

Le coiffeur m’était payé régulièrement par mon Instituteur de l’époque (Il se reconnaîtra parce que toujours vivant à Sidi-Bel-abbès et dont je tais le nom par respect pour lui) alors que je n’avais que 14 ans. À chaque fois qu’il remarquait que ma chevelure devenait abondante, il m’expédiait illico chez le coiffeur ! Je ne l’ai jamais oublié !

Nos Mamans ont souvent vécu la pire des situations au lendemain de l’indépendance : exercer des fonctions de «femmes de ménage » pour les plus chanceuses, par pudeur, je me tais sur les autres horreurs qu’on a pu leur faire, souvent de la part de pseudo-frères de combats de leurs maris !   Rien n’a été fait !

Aujourd’hui, alors que le dernier des Fils de Chahid a….. 48 ans (!) on vient me « consoler » avec « des droits de fils de Chouhada ».

Entre-temps – bon an mal an – j’ai pu grandir, apprendre, et me prendre en charge, grâce à Dieu et à Ma Mère, supportant tous les jours, durant plusieurs années, le regard amer de celui qui a trahi mon père, jusqu’à ce que la mort l’emporte en Enfer !!! Eh oui !
Ils auraient pu me prendre en charge à l’indépendance en me donnant ces « droits » qui apparaissent subitement, alors que je suis adulte et en mesure de me prendre en charge !
Des « droits » qui, mal réfléchis sèment la zizanie et la discordance au sein du Peuple, et parfois donnant une image terne des Enfants de Chouhadas que nous sommes !

Un seul exemple : Dans le milieu professionnel, une ordonnance a été promulguée (dans les années 90) pour octroyer deux catégories sur le salaire des enfants de Chouhadas salariés. Que dire de cette décision :

– D’abord elle est anticonstitutionnelle : En effet, la Constitution algérienne stipule bien que toute discrimination basée sur le sexe, la religion, l’appartenance, est interdite. Ne s’agit-il pas dans cette ordonnance d’une discrimination entre les travailleurs, basée sur l’appartenance ?
– Si l’État voulait nous octroyer un « droit », il aurait pu le faire sur le Trésor Public (sous forme de pension) et non sur les Entreprises en créant une discrimination entre les travailleurs occupant un même poste de travail !

Je me contenterais de ce seul exemple – il y en a tellement – pour dire que cette démarche allant dans le sens de la manipulation des Enfants de Chouhadas Adultes, ne nous sert pas en tant que tel et je m’en démarque !

La preuve : Cette politique a commencé depuis longtemps par faire des émules : Ainsi, nous assistons d’abord à la naissance de l’Association des Enfants de Moudjahidines qui revendiquent les mêmes droits que les Enfants de Chouhadas ! Encore de la zizanie entre différentes couches du Peuple qui n’en est qu’Un!
On a même vu deux associations d’enfants de Chouhadas qui se battaient bec et ongles pour la « représentativité » non pas démocratique (nombre d’adhérents) mais politique (reconnaissance de l’organe dirigeant par le Pouvoir).

On a également assisté à « la création » d’un Benbaïbèche juste pour une circonstance, pour le faire complètement disparaître dès que la besogne fut achevée ! Et la Symphonie continue : À chaque échéance électorale, on bat le rappel : À coup de Millions de subventions qui vont dans les poches de quelques opportunistes, car les Enfants de Chouhadas qui respectent la Mémoire de leurs pères, continuent à œuvrer dans l’ombre, pour l’intérêt de Leur Pays. Sans rien demander.

Notre Pays ne pourra jamais se développer tant que la culture de la rente continue d’avoir de beaux jours devant elle. Cette rente est partout : au niveau des associations, des partis politiques, des syndicats…..Basta.

Que le travail soit valorisé ; que les compétences priment ; que soit mis fin à la rente !!!!

P.S. Mon fils m’a demandé ironiquement : « Et nous, on a aucun droit en tant que petits-fils de Chahid ? »  Au fait pourquoi pas, tant que nous y sommes ?
P.S.1 : Je crois que l’Algérie est le seul Pays qui a un Ministère des Anciens Moudjahidines. L’ex-URSS avec 20 000 000 de victimes durant les Guerres Mondiales, n’en n’a pas. La France qui a connu une résistance durant l’occupation, non plus.

Djillali Cherrid
Chronique publiée in BAI 08 juillet 2010
reproduite post mortem Jeudi 25/10/2018