Chronique du jeudi (Revisitée) : « Ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui le traversons »

Djillali Cherrid
1951 – 2018

« Ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui le traversons »
Par Djillali Cherrid

« Un jeune âgé de 21 ans a été retrouvé pendu par un fil de fer dans sa chambre, à Belouladi, le samedi » , «Le dimanche, un jeune âgé de 27ans a été retrouvé pendu par un fil de fer dans un garage, à Sidi-Brahim…. »

Il ne se passe pas un jour où on ne lit pas dans la presse, un nombre impressionnant de suicides; et ce, dans toutes les localités et toutes les régions du Pays. Les deux sexes, avec semble-t-il une grande proportion pour le sexe dit faible. Comme s’il n’y avait pas assez de morts ! La route, le terrorisme, le banditisme, les crimes crapuleux ne suffisent-ils plus ?

« Un homme a été retrouvé pendu à un arbre à l’aide de son turban à El Bayadh » C’était le même jour que celui de Belouladi.
Le Turban est moins atroce que le fil de fer. Doit-on dire qu’il a eu plus de chance ? Qu’il a eu moins mal ? Qu’il est mort d’une mort plus douce ? Au fait, y-a-t-il de mort plus douce ? Pourquoi un fil de fer ? À ce point, ils en voulaient à eux-mêmes, les jeunes de Belouladi et Sidi-Brahim ? Se tuer ne semblait pas suffire.

Il fallait faire souffrir cette âme, il fallait la torturer avant de la tuer, parce qu’elle ne méritait pas de vivre ! Ils devaient se dire que leur pauvre âme était responsable de ce qu’ils enduraient et qu’il fallait la faire souffrir avant de la faire disparaître ! Leurs corps devaient pâtir avant de disparaître ! Comment expliquer cette «auto-torture » ? Cet extrême masochisme !

Le jeune Algérien est-il à ce point, désespéré, déprimé ? Quelles sont les raisons qui font qu’un jeune se donne volontairement la mort – de surcroît dans des conditions atroces – à un moment où toutes les raisons de vivre sont réunies ?

Qu’à un jeune algérien devant lui qui lui permette d’espérer ? Un boulot ? Non. Un cinéma ? Non. Un théâtre ? Non. Une bibliothèque ? Non. Une librairie ? Non. Un jardin, un parc, des terrains de sport où il n’y a pas des détritus et des canettes de bières vides ? Non.

Tout est interdit : Pas de Cinémas, pas de théâtre, pas de bars, pas de Restaurants… pas de Boulot, Pas….. d’Espoir.
Un jeune Bel-Abbésien a le choix entre un cyber miteux, une Pizzeria qui fait tout sauf de la Pizza et des gargottes où l’on sert un Kebab qui n’a de Kebab que le nom et des matches médiocres de l’USMBA. Et s’il s’amuse à déambuler ou prendre une glace avec sa petite amie, il est illico embarqué pour ….. attentat à la pudeur ! Et l’on s’étonne faussement de voir la prolifération des « lieux de débauche » clandestins.

Au risque de secouer les vieux démons, je dirais que le jour où à Sidi-Bel-Abbès, il y avait, entre un bar et un bar, un bar ; on ne rencontrait jamais un mec soûl sur notre chemin. Dans les cafés bars, les amis se retrouvaient pour prendre la boisson de leur choix. Il n’y avait pas de suicides. Quand on a tout interdit, les jeunes s’adonnent à la sniffe des « solutions » et des divers produits chimiques ! Faites un saut sur le périphérique (rocade) et vous serez stupéfait pas les comportements de ces pauvres adolescents !!

L’interdit n’a jamais été une solution ! Au contraire, l’Homo Sapiens se fait un plaisir de le braver !
Alors qu’on ne s’étonne pas :
– De voir dans nos collèges, des chérubins fumer dans les toilettes ;
– De voir dans nos lycées, des adolescents des deux sexes « sniffer » et prendre de la bière dans la cour, lors des récréations ;
De voir nos jeunes à l’université acheter les modules à coup de devises, voire avec la chair pour nos étudiantes ; et des cortèges de voitures conduites par des pères fêtards vers le tard, devant les cités universitaires de jeunes filles ;
De voir les drogues dures (marijuana, héroïne…) envahir notre société ;
De voir nos universitaires et notamment sociologues, somnoler au lieu de mener des études sur …. Le Suicide pour essayer d’apporter des solutions !

Au fait, à combien s’élève le montant alloué à la recherche scientifique dégagé par le programme quinquennal ? Tout se dont je me souviens, c’est que c’était un chiffre astronomique !

Il y a quelques années, j’ai été stupéfié par la réaction d’une mère Tlemcenienne qui venait de perdre son fils dans un accident de la route alors qu’il revenait de Beni-Saf en état d’ivresse. Elle criait au Wali : « Laissez-les boire chez eux. Ils mourront de l’alcool, seront punis par Dieu, mais pas sur la route, atrocement avec le risque de tuer d’autres personnes innocentes ! Jusqu’à ce que Dieu les ramène sur le Droit Chemin. Il n’y a que Lui qui Peut ! »

Ces gens qui veulent tout interdire pour les autres et le permettre pour leurs enfants et eux-mêmes en appliquant la politique de Curé (faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais) sont-ils conscients du désastre qu’ils sont en train de produire au sein de la Société ? (1)

Si l’enseignement est bon, pourquoi alors leur progéniture est scolarisée à l’étranger ? Si le tourisme se porte bien, pourquoi passent-ils leurs vacances à l’étranger ? Si l’investissement est encouragé, pourquoi le font-ils à l’étranger ? si, si et si…

Une question pour celui qui – pour faire un suicide plus « in » – veut gagner une corde de chanvre au lieu d’un fil de fer : « Le Suicide est-il ce Courage de pouvoir se donner la mort volontairement, ou cette Lâcheté de ne pas pouvoir affronter les difficultés de la vie ? »

(1) Sidna AISSA (que le salut soit sur Lui) alors qu’il était en plein prêche pour la bonne parole, se confronta à cette lancinante question « cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère, Notre Loi dit qu’il faut la lapider ? Qui dit la Loi de Ton Dieu ? » Après une longue méditation, Sidna Aissa (QSSL) répondit : « la Loi de Mon Dieu dit : Oui, il faut la lapider ! » Il se tait un court instant et ajoute : « ….Mais que celui qui n’a commis aucun péché, lance la première pierre ! »

Suivez mon regard !

Par Djillali C.
Chronique publiée le Mardi 13 juillet 2010,
Reproduite post-mortem le 06/09/2018.