DÉLIQUESCENCE : OÙ VA NOTRE PATRIMOINE?

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer? »
(Poème intitulé « Milly ou la terre natale », Harmonies poétiques. Alphonse de Lamartine-Mâcon,1797- Paris,1869).
« Ignorant d’où je viens, incertain où je vais. »
(Poème intitulé « L’Homme ». Méditations poétiques du même auteur).
والذي نفسُهُ بغير جمال لاَ يرى في الوُجـُودِ شيئا جميلاَ ( إلـيا أبو مـاضي . فلسفة الإنسان في الحياة)
La querelle des anciens et des modernes, a opposé au XVII ème siècle, deux écoles littéraires que rien ne séparait fondamentalement sur le plan culturel. Les uns prônaient un modèle s’inspirant de l’antiquité grecque et les autres, les modernes, estimaient que la création du moment pouvait rivaliser avec les auteurs de l’antiquité. On y décèle, en quelque sorte La Fontaine s’opposant à Corneille.
Chez nous, on est bien loin de ce débat passionnant et fructueux pour l’évolution des mœurs et des mentalités. Alors que la gestion bancaire ne répond guère aux standards d’une société moderne, nos responsables s’ingénient, impudiquement à bouleverser et d’escamoter l’esthétique de leurs édifices, pour leur substituer des horreurs qu’ils sont seuls à apprécier ou à s’en vanter. Où allaient-t-ils ces décideurs pour rechercher ce goût extravagant et dévalorisant qui justifie encore moins une dépense matérielle outrancière, sans rapport avec une gestion encore moyenâgeuse et d’une efficacité tant discutable que douteuse. Il y a bien d’autres priorités à privilégier au lieu de toucher à la sobriété des lieux qui ne demandaient qu’à le rester. Sommes- nous prêts à donner une seconde vie à un patrimoine dont nous ne mesurons même pas la charge émotionnelle qu’il représente ? Ou sommes-nous en voie de nous abriter dernière le souvenir d’une arrière – pensée néocolonialiste ? Pouvons-nous reconstituer un imaginaire à la mesure de notre identité multiple ?
Cette propension à vouloir dépenser pour dépenser, à l’exemple du siège de la BADR de Sidi-Bel-Abbès est inquiétante et dénote un décalage culturel qui ne laisse présager rien de bon dans l’amélioration de la gestion bancaire et des relations plus accueillantes avec la clientèle. Même sur le plan sécuritaire, ce changement se devait d’être accompagné par un dispositif électronique assurant une sécurité des lieux, à toute épreuve, sachant que les retraités sont dorénavant dispersés entre les banques pour soulager la Poste. C’est un bricolage qui n’est aucunement cohérent avec une modernité plus exigeante sur le plan fonctionnel. Sommes- nous prêts à reconstruire ces comptoirs qui faisaient la magnificence et la noblesse des lieux, les remplacer par des structures faites de bric et de broc, inspirées certainement par un marketing envahissant, ne répondant qu’à des intérêts mercantiles ? Ce qui vaut pour la BADR de Sidi-Bel-Abbès s’applique également à la Grande Poste qu’on envisage de remodeler de fond en comble sans qu’il y ait nécessité impérieuse. Y-a-t-il péril en la demeure ? Menace-t-elle ruine ? Aucune justification n’explique la célérité dans l’entame des travaux, au moment où les clients ne reçoivent même plus leur tenue de compte comme c’était l’usage jusqu’à une époque à laquelle a suscité la déliquescence.
Dans les deux cas c’est, l’ignorance et l’inculture aidant, le patrimoine qu’on mutile. Ajoutons que tout cela est la malheureuse conséquence du jumelage de l’incompétence et de la frénésie de consommation de crédits, vaille que vaille ! Des crédits qu’on ne sait pas à quelles rubriques rentables affecter ne peuvent émaner que d’un crétinisme puéril et ravageur. Personne ne peut se dédouaner devant cette gabegie manifeste qui gagne le secteur public. La société civile désignée ou autoproclamée n’est pas moins docile pour laisser passer ces aberrations qu’elle supporte avec résignation, au moment où le pays se doit de comprimer les dépenses futiles et rationnaliser ses budgets d’équipements . La conservation du Patrimoine doit obéir à une stratégie cohérente, réfléchie et planifiée. Laisser chaque institution publique ou privée agir à sa guise, c’est nous mener vers la décrépitude de nos valeurs ancestrales.
Partout ailleurs, le système financier s’oriente vers le “Net-Banking”, la clientèle ne se déplaçant même plus à leur agence bancaire. C’est ce moment que nos banques choisissent, pour restructurer à l’ancienne, l’accueil de la clientèle, en regardant dans un rétroviseur déformant. Faut-t-il un sursaut pour revenir à de meilleurs sentiments ? Ce mois du Patrimoine fêté à l’échelle mondiale nous incitera peut-être à suivre les recommandations des sages de l’UNESCO qui fait de la préservation un thème majeur de son action. La Mosquée Aboubakr qui semble obéir aux mêmes égarements dans la reconstruction de son édifice fera l’objet d’un article spécifique.

Abdelhamid ABDEDDAIM

3 thoughts on “DÉLIQUESCENCE : OÙ VA NOTRE PATRIMOINE?

  1. Jeg pense qu’il temps de s’interésser de prés aux moules de reproduction de la société et par conséquence la reproduction et le condionnement des mentalités, des reflexes et des sens de l’éntendement, les modes de pensées et de la vision du monde.
    De point de vue sémantico-conceptionnel,la culure peut se definir comme tout ce que projette la socété comme mode d’etre dans son rapport a autrui et la nature.Donc, il va de soi que les institutions del’état émanent d’une culture inculquée sur une periode déterminée.Les corrompus et les usurpateurs comme iniateurs, ont crée la structure culurelle,qui a son tour a crée des hommes conformes a cette meme structure qui, une fois établie prime l’homme qu’elle conditionne de part en part.Seus les les distanciateurs avisés et les ésprits émergents comme l’auteur du billet , Kamal Daoud etc….. arrivent a se séparer intellectuellement et mentalement de la matrice culturelle .

    Donc si des citoyens font d’interminables queues pour retirer leurs maigres retraites, ou un immeuble hausmannien qui tombe en ruine ou l’agressivité d’un agent de l’état civil ou la corruption endémique banalisee, tous cela sont les produits que la culture existante a formaté mais également de son absence et sa nuisibilte dans l’interstice des sortes de mutations qui font évoluer la société a travers les conjonctures et les ages (temps et éspace).

    La société Algerienne reste celle des chimeres, des failles et dissentions lées au vice de la contruction culturelle mais aussi des orientations de départ post coloniales, a nos jours jamais corrigées.

    Sincérement, je souhaiterai davantage d’implication de mr Abddaim dans le joural.merci

    1. Salam Mr El Guelliti….!!! Effectivement , ce sont les” orientations de départ post coloniales, à nos jours jamais corrigées” qui ont causé les failles et les dissensions dans la société algérienne dont la construction culturelle était claire et nette avant que les pingouins d’outre mer, ne viennent y mettre leurs ivraies et fabriquer leurs manchots qu’ils nourrissent au fromage puant….!!!!

      Quand vous dites “..arrivent à se séparer intellectuellement et mentalement de la matrice culturelle .” , de quelle matrice parlez-vous, de celle des corrompus et des usurpateurs ou….????

      Cordialement…!!!

      Comme je l’ai déjà dit, notre pays possède un patrimoine d’une richesse exceptionnelle qu’il est nécessaire de sauvegarder et de réhabiliter..!!! Il faut le préserver contre les affronts du temps et l’humiliation des Minus créatus….!!!
      Ce patrimoine extraordinaire représente dans sa globalité une « mémoire » millénaire, bâtie à partir des apports civilisationnels divers, qui ont façonné le gnome de la nation algérienne…!!! Jusque là nous sommes d’accord..!!!

      Par ailleurs, Mr Abdeddaim, le néocolonialisme est loin d’être une simple arrière pensée, car il existe bel et bien comme vous et moi et tout ce qui se passe autour de nous l’atteste….!!! C’est une vérité absolue, donc, on ne divague pas lorsqu’on parle des ex-néo-colons…..!!! C’est pourquoi, il y a une grande nuance à faire entre vouloir réhabiliter tout le patrimoine algérien pour diverses raisons, et ressusciter l’âme coloniale à partir d’un héritage quelconque; jusqu’au point de le chérir….!! Bien au contraire, le patrimoine colonial doit susciter chez le citoyen la volonté de lutter contre le retour des pratiques sociales et politiques qui en sont à l’origine….!!!
      Ainsi, on peut donc différencier la réhabilitation mise en œuvre pour ne pas oublier le passé et le préserver pour les générations futures, et la patrimonialisation coloniale dont la portée est beaucoup plus politique et prend un sens moral et une dimension culturo-identitaire, soutenue en cela par le processus de mondialisation et le principe d’universalité…de mon œil…!!!

      Je répète, je suis pour la protection de TOUT le patrimoine algérien, mais, ne profitez pas de ce créneau, juteux pour certains, pour en arriver à danser sur le pont d’Avignon comme les petites marionnettes…!!!

      Vous avez évoqué la citation « Ignorant d’où je viens, incertain où je vais. », eh bien, c’est une philousophie qui nous sied guère car en tant que croyants (toutes religions monothéistes confondues), nous savons d’où nous venons, pourquoi et où nous allons…..!!!! Tant pis pour les non-croyants, ils vivront dans la tourmente toute leur vie….!!! Quant à Ilya Abou Madi…….???

      Si vous permettez, j’ai deux questions Mr Abdeddaim dans quel sens voyez vous l’évolution des mœurs et des mentalités algériennes et quel débat passionnant pourrait être fructueux pour notre société….???? Je vous remercie…même si vous ne répondez pas…!!!!

      Tout compte fait, nous sommes d’accord et pas d’accord, c’est là, où commence le débat passionnant entre Abdeddaim et le cygne, c’est mieux que La Fontaine et Corneille , non, vous ne trouvez pas…(sourire).!!!???

      Mes amitiés à Cygnus et à Mam. Je l’invite à venir barboter dans le lac des cygnes, sauf s’il ne veut pas se mouiller, je comprendrais…..(rires)…!!

  2. Eh bien Mr ABDEDDAIM, je dois dire que je partage plusieurs points de vue cités dans votre belle intervention, dont:

    -“Les responsables s’ingénient, impudiquement à bouleverser et d’escamoter l’esthétique de leurs édifices…….”
    -“une dépense matérielle outrancière, sans rapport avec une gestion encore moyenâgeuse et d’une efficacité tant discutable que douteuse….”.
    -“dépenser pour dépenser”
    -” un marketing envahissant, ne répondant qu’à des intérêts mercantiles ?”
    – “l’ignorance et l’inculture aidant, le patrimoine qu’on mutile………. la malheureuse conséquence du jumelage de l’incompétence et de la frénésie de consommation de crédits, vaille que vaille ! Des crédits qu’on ne sait pas à quelles rubriques rentables affecter ne peuvent émaner que d’un crétinisme puéril et ravageur. Personne ne peut se dédouaner devant cette gabegie manifeste qui gagne le secteur public…”
    -“La société civile désignée ou autoproclamée n’est pas moins docile pour laisser passer ces aberrations qu’elle supporte avec résignation, au moment où le pays se doit de comprimer les dépenses futiles et rationaliser ses budgets d’équipements…”.
    -“La conservation du Patrimoine doit obéir à une stratégie cohérente, réfléchie et planifiée. ” Bien dit …!!!

    Cependant, dans un autre commentaire, Inchallah, je vous dirais sur quels points nous divergeons…!

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