Journée de la femme : C’est fou ce que j’aime la mienne !

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C’est aujourd’hui la journée de la femme et je ne sais pas très bien pourquoi. Car c’est tous les jours que cet être est ce qui fait l’homme, dans sa raison de vivre et dans sa force.

On dit que c’est le « faible » dans le couple. Moi, je ne vois que rayonnement puissant sans lequel nous ne sommes rien, sinon un amas de chair avec une grosse voix et des gestes aussi patauds que notre croyance stupide en nos muscles.

J’ai eu l’incroyable chance de vivre une jeunesse oranaise inoubliable dans laquelle le petit garçon que j’étais avait appris le goût de la connaissance et celui de construire une liberté intellectuelle aussi vaste que l’esprit critique l’exige. Et donc nous ne pensions même pas à l’égalité des sexes, elle nous était naturelle autant que l’air que nous respirions.

Nous étions curieux de tout et nous éclations de rire lorsque nous nous confrontions aux résistances des coutumes d’un autre âge. Pour nous, c’était un monde nouveau qui allait de l’avant et l’ancien pouvait bien encore revendiquer une petite place, comme une dernière permission avant son départ définitif.

Ce monde d’avant, nous l’acceptions car il était la nostalgie de l’Algérie, à travers nos anciens, c’est pourquoi nous le chérissions d’autant qu’on n’y voyait aucun danger puisque nous pensions qu’il s’éteindrait progressivement, au rythme de notre instruction.

Nous nous sommes lourdement trompés mais avec l’excuse qu’on ne pouvait imaginer ce qui allait arriver à la femme tant c’est inconcevable pour un esprit formé dans l’Algérie de cette époque là.

Alors, en conséquence, je bénis tous les jours ce beau pays de mon enfance en le retrouvant dans les yeux de ma femme, par le reflet naturel et resplendissant de sa liberté. Chaque jour qui passe, elle est pour moi ce rappel vivant de mon Algérie, cette terre que j’ai tant aimée.

Les années passent et rien, absolument rien, ne modifie le regard qui perçoit indéfiniment, en l’autre, le même visage qu’au premier jour, la même intonation et rire que ceux des premières rencontres. Chaque aube qui arrache la vie à la nuit s’illumine de cette sensation inexplicable de celui qui mesure sa chance.

J’ai parfois une crainte en pensant qu’elle ne soit pas partagée par tous car on me dit que dans certains pays lointains, en tout cas, pas dans le mien, il existe des coutumes moyenâgeuses qui font de cette merveilleuse compagne de l’homme, un être soumis. C’est un adjectif abominable car c’est une soumission à l’amour qui devrait régner, de celles qui délient les chaînes et rompent les barrières de l’impossible pour une vie de plénitude.

Il paraît même que dans ces pays, la loi valide la mise sous tutelle de la femme et que ses droits sont inférieurs à ceux de son double dont la chair de leur chair coule dans les veines de ses enfants. Cela est inexplicable pour moi, comme une notion abstraite, imperceptible par mes sens et mon esprit, probablement rejetée par l’image ancienne du pays natal qui est gravé en moi.

Comment l’esprit peut-il concevoir que cela existe alors qu’il a ressenti ses premiers émois dans un monde merveilleux où les femmes étaient divinement douces, libres et belles ? C’est absolument impossible.

Mais certains insistent et me disent que dans ces contrées lointaines, celles qui me sont interdites, l’homme peut heurter son épouse en se mariant, en même temps, avec une autre. Comment peut-il en être ainsi et plonger dans une douleur profonde celles qui nous apportent tant de sens dans la vie ?

On me dit que la femme hérite moins que l’homme. Mais si je le pouvais, ce n’est pas seulement la moitié qui est son dû mais, au contraire, tout l’or du monde ne suffirait pour contrebalancer le bonheur qu’elle m’a donné et me donne encore. C’est même d’une grande obscénité que le comparer à tout l’or du monde qui n’a, en ce domaine, aucune valeur puisque dans le royaume des sentiments, une telle relique n’a pas cours.

En ce 8 mars, il m’avait semblé, dans un premier temps, indélicat de lui prouver mon amour car je serais honteux de ne l’avoir crié au monde entier, les trois cent soixante quatre autres jours de l’année. Mais je n’ai pu résister à le proclamer de si haute voix, ne fut-ce qu’en cette unique journée.

Elle m’a donné deux beaux enfants qui sont à l’image de ce rêve commun qui fut le notre dans cet éblouissant pays gorgé de soleil qui nous a vu naître, celui de Camus, de Feraoun, de Kateb, de Dib et d’Assia Djebbar.

L’Algérie de mon enfance oranaise, je la vois chaque jour dans ses yeux et j’implore la providence de me voir m’éteindre avant son départ. L’inverse, je ne le supporterais pas un seul jour, pas une seule heure.

Et s’il vous venait à la rencontrer, vous reconnaîtriez ce que fut ce pays de mon enfance, celui dont je vous parle. Une lueur de gaîté et d’espoir, une capacité à comprendre et à rejeter ce qui veut abrutir et dominer transparaîtront immédiatement par tout son être.

Tout cela, vous le verrez du premier regard car il n’aurait pas été possible qu’il en soit autrement puisque ce pays, c’est le votre et que, j’en suis sur, vous ne pouviez le détruire. Cela est inconcevable puisque votre attachement à lui est, je le suppose, aussi immense que notre amour qui lui est accroché. Non, ce n’est pas possible que vous lui ayez fait du mal. On doit me raconter des histoires, des calomnies sur son état actuel et celui de la femme algérienne.

Ma femme est d’Alger, je suis d’Oran. J’ai le souvenir de mes deux braves et fiers lions de la Place d’armes que je ne reverrai plus et, elle, celui de l’image de la baie d’Alger qu’elle contemplait le matin, depuis sa fenêtre.

Une jeunesse, chacun dans des contrées différentes, mais c’est la force de nos souvenirs qui font ce lien commun avec ce pays qui est le notre. Dans ce pays, il n’était point de lieu plus beau qu’un autre, pas un accent moins plaisant qu’un autre et pas une seule tradition qui ne puisse être partagée sans plaisir. Les esprits étaient ouverts et les croyances, quelles qu’elles soient, religieuses ou laïques, pleines d’espoir, dont la seule intention commune était de faire avancer la société, dans le bien et le juste.

Le 8 mars, depuis 1991, même si ce ne fut pas toujours régulier, je m’exprime avec la même détermination dans la presse algérienne pour participer au combat des femmes pour la dignité et l’égalité des droits. Aujourd’hui, j’ai décidé de le faire pour l’une d’entre elles, sans pudeur aucune. Même si ce n’est qu’une posture intellectuelle car, moi vivant, personne n’aura l’audace de la traiter en demi-part, en sous-citoyenne. Et encore moins au nom de traditions moyenâgeuses.

L’amour envers son épouse n’est jamais une honte et ne peut que respecter celui de tous les autres et leur rendre hommage. Voila pourquoi je le rends public, en ce 8 mars, une date qui ne devrait, en principe, pas exister car c’est tous les jours une fête de l’avoir près de moi.

SID LAKHDAR Boumédiene
Enseignant

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