La bataille des langues freine le développement de l’Algérie

Dans sa rubrique “Insouciant des mots” , Le journal international “The Economist” du 17 Août 2017 revient sur l’amalgame des langues en Algérie en signant un long article sur ce phénomène en Algérie:

“L’arabe, le berbère, le français et un hybride des trois rivalisent pour dominer”

“Pour la plupart des pays, la langue est aussi simple que ABC. Mais pas en Algérie. Ses crèches d’enfants sont un bourbier linguistique. La langue officielle de la république est l’arabe standard, mais peu d’enfants grandissent en la parlant, alors ils se sentent souvent perdus lors de leur premier jour d’école. Le berbère, la langue de probablement un quart des Algériens, a été officiellement reconnue l’année dernière, mais personne ne peut s’entendre sur lequel de ses six dialectes à enseigner. L’élite francophone d’Algérie préfère le jargon de ses anciens maîtres. La ministre de l’éducation, Nouria Benghebrit, préconise l’introduction d’une quatrième langue: la Darija, qui fusionne les trois autres pour devenir la langue maternelle de la plupart des Algériens. Un nombre croissant d’anglophiles veulent faire table rase avec l’anglais.”

“Le choix est au cœur de la signification de l’identité Algérienne. Les Français ont interdit l’arabe à l’école primaire lorsque le pays était sous leur joug, la considérant comme langue de seconde zone. Après l’indépendance en 1962, les nationalistes ont poussé l’arabisation pour faire oublier 132 ans d’endoctrinement français. Des milliers d’enseignants et de bureaucrates d’Egypte et de Syrie ont ainsi comblé les postes vacants laissés par leurs prédécesseurs français en fuite. Mais leur arrivée a également suscité une réaction,cette fois contre la domination l’arabe. Les plus récents mouvements linguistiques ont été initiés par des autochtones.

Les islamistes se sont précipités pour la défense de l’arabe classique. Certains ont accusé absurdement Mme Benghebrit de conspirer avec le Mossad pour trahir la langue de Dieu. Elle leur a ajouté de l’eau au moulin en ordonnant une enquête sur une enseignante de l’école primaire qui s’est filmée en disant à sa classe que l’arabe est parlé au paradis et jurant de n’enseigner rien d’autre.. “L’arabisation était une erreur parce qu’elle était motivée par cette idée de vengeance contre le colonialisme français”, a dit l’un de ses conseillers. “Nous ne devons pas confondre le colonialisme sauvage et barbare de la France avec la langue française, qui est un véhicule universel de science et de culture”.

Les disputes se poursuivent dans les universités et en dehors. Les étudiants du tronc commun étudient le droit, la politique et la religion en arabe, mais presque tout le reste est en français. Les procédures judiciaires, les bulletins d’information et les prêches du vendredi sont en arabe. Les comédies sont de plus en plus, fait maison et en Darija. Mais les sessions du cabinet sont principalement en français, tout comme les réunions d’affaires et les salons littéraires. Les ministres, y compris Mme Benghebrit, semblent incapables de compléter une phrase en arabe approprié. “Nous avons désespérément besoin d’une paix linguistique”, explique Amara Benyounès, qui dirige le Mouvement populaire algérien, un parti berbère. Les islamistes et les laïcistes ont déposé leurs armes après une guerre civile qui a fait au moins 100 000 morts. Mais 12 ans après la réconciliation nationale, ils ne se parlent toujours pas la même langue.

L’enjeu est important s’agissant de quelle direction vers le nord, l’est ou vers l’intérieur que l’Algérie va pivoter. Les pédagogues affirment que les Algériens sont devenus de véritables réceptacles à toutes les langues, mais ne maîtrisent aucune, et s’inquiètent du fait que le mélange devient un retard de croissance. «Les jeunes sont victimes de politiques linguistiques qui ont miné notre capacité à nous exprimer», déclare Selma Hellal, une éditrice de livres français principalement à Alger. Certains se demandent si la frustration de la langage est à l’origine de la violence croissante contre les conférenciers dans les universités. Probablement.”

Reprit approximativement par Jabli!