Le Crocodile et le voleur

Je voudrais à travers, cette histoire, que j’ai lu, il y a très longtemps, faire apparaitre, comment que les situations confuses peuvent  trouver l’explication de leur intrigues,.

Un voyageur anglais raconte en effet qu’il tua, en Egypte, sur les bords du Nil, un crocodile de grande taille, dans l’estomac duquel il trouva :
– Une boucle de ceinture, une boucle de pantalon, quatorze boutons en métal, une paire de boutons de manchettes, soixante-treize clous de souliers, quarante-trois oeillets de chaussures, un couteau à six lames, une bourse en métal contenant des pièces de monnaie anglaise, trois bagues en or ornées de brillants, un chronomètre en métal, un étui à cigarettes et une boîte d’allumettes en vermeil, enfin, une petite boussole de poche.
On imagine aisément la surprise du voyageur. Il ne savait pas, et l’on ne savait point non plus avant lui, que les crocodiles eussent de telles fringales. Il y avait là, certainement, quelque fait anormal. Notre voyageur en eut bientôt la preuve.
Quelques jours plus tard, en effet, se trouvant à l’hôtel, il montrait à ses voisins de table le chronomètre, l’étui à cigarettes et la boîte d’allumettes qui portaient un chiffre composé de deux initiales, lorsqu’il vit un gentleman se lever vivement de sa place et se diriger vers lui en donnant les marques de la plus ardente curiosité.
Le gentleman s’approcha de notre voyageur et le pria de lui confier, pour un instant, les objets qu’il venait de montrer. A peine les eut-il examinés, qu’il poussa une exclamation : ce chronomètre, cet étui à cigarettes et cette boîte d’allumettes, il les reconnaissait pour lui avoir appartenu.
Il raconta alors que, six semaines auparavant, on lui avait dérobé ces trois objets, plus trois bagues ornées de pierres précieuses. Ce vol coïncidait avec la disparition de l’un de ses domestiques qu’il soupçonnait d’être l’auteur du larcin, mais dont il n’avait jamais pu retrouver la trace, malgré toutes ses recherches.
Notre voyageur, qui, on le sait, avait aussi trouvé trois bagues en or dans l’estomac du crocodile, ne douta pas un instant de la véracité de l’affirmation du gentleman. Il lui montra, en effet, les trois bagues, que celui-ci reconnut parfaitement, ainsi que la bourse en métal et le couteau qui, eux, avaient appartenu au domestique.
Il fut facile de reconstituer les détails de l’aventure.
Son vol accompli, le domestique infidèle, s’était enfui. Après avoir sans doute beaucoup couru, et ne se voyant pas poursuivi, il s’était très probablement endormi, harassé de fatigue, au bord du Nil ; et c’est là que le crocodile, en quête de son déjeuner, était venu le cueillir tandis qu’il dormait. L’animal avait bien digéré tout le reste, mais les objets en métal n’avaient pas voulu passer !
Et c’est ainsi que, par les voies les plus inattendues, le volé rentra dans son bien, et que le voleur reçut le châtiment, un peu excessif, il est vrai, de sa mauvaise action.