Les principaux indicateurs de l’économie algérienne virent au rouge: L’état tarde à réagir face à une crise qui s’aggrave

Avec un déficit des comptes publics représentant 17% du PIB (les pays de l’Union européenne n’ont droit qu’à 3%), un fonds de régulation des recettes en voie d’épuisement et un prix du baril du pétrole qui a peu de chance de franchir cette année la barre de 50 dollars,la situation financière de l’Algérie n’est guère reluisante.

Elle risque même de tourner à la catastrophe si la rente pétrolière qui alimente à hauteur de 70% le budget de l’État venait à décliner encore davantage. C’est une éventualité à laquelle s’attend le gouvernement à en croire le ministre de l’Intérieur et des collectivités locales, Mr Nouredine Bédoui, qui évoque même l’urgence de mettre à contribution les wilayas qui devront désormais compter sur leurs propres ressources financières et humaines pour assurer le développement de leurs territoires. Une nouveauté pour ces entités territoriales qui avaient toujours compté sur le budget de l’État (fond commun des collectivités locales) pour payer leurs fonctionnaires et programmes de développement.

Les disponibilités financières du pays sont il est vrai en voie d’épuisement même si les 140 milliards de dollars de réserves de change et un peu plus de 8 milliards de dollars de lingots d’or encore disponibles offrent la possibilité de tenir environ deux années au rythme de dépenses actuel. L’érosion de ces réserves est toutefois de nature à impacter négativement la parité du dinar en l’entraînant vers de nouvelles dérives.

Si des déclarations d’intentions sont de plus en plus souvent faites par les autorités politiques algériennes qui, comme le ministre de l’intérieur, évoquent l’urgence de diversifier notre économie, rien de bien précis n’est malheureusement décidé en faveur des entreprises de production à même de changer le destin économique du pays. Bien au contraire aucune stratégie de sortie de crise n’est clairement formulée à leur intention et il est à craindre que ce statu quo ravageur persiste encore longtemps faute de volonté impulsée par la plus haute autorité du pays. Faute de cette impulsion attendue du président de la République détenteur de tous les pouvoirs conférés par la constitution, il n’y aura à l’évidence aucune initiative forte susceptible de faire redémarrer notre économie sur de nouvelles bases.

C’est dans ce contexte de grave impasse budgétaire que les autorités politiques algériennes doivent absolument faire un choix auquel elles n’ont pas été préparées, exception faite du court épisode de la crise de la fin des années 80, malheureusement oublié dès que les cours du Brent s’étaient remis à remonter. Ce choix que nos autorités n’ont jamais réussi à faire consiste à apprendre à vivre avec un pétrole pas cher, en convainquant au moyen d’une communication appropriée, l’État et la population à ne pas vivre au-dessus de leurs moyens.

Un objectif indispensable mais très difficile à mettre en application tant les vieilles habitudes d’assistanat sont ancrées dans la société algérienne.  Le front social court le risque évident de s’enflammer du fait des restrictions qu’il faudra imposer mais il n’y a, au regard de la situation financière alarmante qui prévaut déjà et qui s’aggravera sans doute dans les prochains mois, pas d’autres solution que d’entamer tant qu’il est encore temps les réformes systémiques qui s’imposent.

L’Algérie n’a pas d’autres choix.  Il faudra choisir entre la paix sociale et la solvabilité de l’État, en étant bien conscient que sans cette solvabilité, aucune banque ni institution financière étrangère n’acceptera de lui prêter l’argent nécessaire à la couverture des besoins les plus élémentaires de la population. Les investisseurs étrangers déjà très réticents en raison des incertitudes que connait la scène politique algérienne tourneront également très vide le dos au pays.  L’Algérie a bien connu cette situation en 1990 période de rupture de paiement qui l’avait contrainte à faire appel au FMI qui avait accepté de lui prêter, à certaines conditions, 1,2 milliards de  dollars. La crise que subit le Venezuela qui n’a pas encore eu le soutien du FMI est également là pour nous rappeler cette dure réalité.

En Algérie la situation est d’autant plus compliquée que le pouvoir politique se trouve actuellement entre les mains d’un seul homme, en l’occurrence le Président Bouteflika, qui malheureusement souffre d’une maladie handicapante qui l’empêche d’être physiquement présent pour lancer et suivre le chantier complexe des réformes. Les résistances aux réformes sont généralement si fortes qu’elles requièrent la présence permanente du chef de l’État pour les régler.

Ce problème de gouvernance dû à la maladie du Président s’est de surcroît aggravé depuis que des acteurs dépourvus de légitimité, sont soupçonnés de prendre à sa place des décisions qui engagent l’avenir de la nation. L’Algérie qui avait fait pas mal d’avancées démocratiques (liberté de la presse, multipartisme, ouvertures économiques et commerciales) est en train de régresser au pas de charge, comme si au sommet de l’État des individus tapis dans l’ombre, avaient décidé d’en découdre avec tout ce qu’ont apporté de bon les reformes de 1988.

Les autorités politiques algériennes n’étant actuellement pas en mesure de mettre en œuvre les réformes qui s’imposent, il est peu probable que des initiatives fortes soient prises sur le court terme comme l’exige pourtant la situation catastrophique des finances publiques. Il faudra sans attendre l’aboutissement des prochains processus électoraux (élections législatives et présidentielles) pour que les choses bougent. Mais les agrégats économiques et financiers du pays ont toutes les chances de se dégrader d’ici là.