MAI 1945 : La guerre n’est finie qu’en Europe. Et encore…

Les populations japonaises brûlent sous les bombes incendiaires qui feront plus de victimes au total que les bombes atomiques lancées sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki en août.

A ce feu d’artifice mortifère, tous les Occidentaux, à de rares exceptions, ont hurlé de joie.

Les adulateurs algériens de Camus (et de sa mère) qui prolifèrent de ce côté-ci de l’univers – dans l’indifférence générale de l’autre côté – se réjouiront en apprenant que « leur » Nobel s’est attristé de ce qu’on a fait aux Japonais. Il était bien seul à le déplorer.

Et se contorsionneront comme il convient pour « comprendre » qu’il n’ait pas eu compassion semblable à l’égard des centaines de milliers d’Algériens massacrés depuis 1830.

Mai 1945 marqua le début de la fin des illusions.
Ce 8 mai-là, les Algériens ont compris qu’il n’y avait plus rien à négocier.
Pour le comprendre à l’évidence, le mieux serait de lire le papier que je vous joints plus bas.
C’est très bien écrit.
C’est limpide.
C’est rare.
Sans fanfares ni trompettes.
Et son auteur n’a pas besoin d’aller pleurnicher à Panam pour y mendier des prix.
L’imaginaire algérien n’a pas besoin d’une sorte d’imprimatur qui perpétue la subordination.
Mohamed Houat n’a pas de cals aux genoux. Et ses mots simples tiennent debout tous seuls.
Ne vous ai-je pas rappelé cet aphorisme chinois qui parle de tête et de poisson pourri ?

Djeha,
Mercredi 20 mai 2015.

Guelma, 8 mai 1945
Mohamed Houat, Le Quotidien d’Oran, J. 14 mai 2015
Les responsables de la milice, avec à leur tête Champ, le visage tendu, écoutaient les instructions du sous-préfet André Achiary : «Un bon Arabe est un Arabe mort. Pas de quartier ! Il faut exterminer cette vermine ! Il faut venger au centuple nos morts !».

Tout en parlant, Achiary faisait circuler des photos parmi l’assistance.
«Attention aux âmes sensibles, certaines images peuvent choquer. Elles sont insoutenables. La sauvagerie de ces ratons est inouïe. Violer les femmes, leur couper les seins, égorger les hommes, couper les organes génitaux et les mettre dans la bouche de leurs victimes, je n’ai jamais vu ça de ma vie ! On va commencer d’abord par les commanditaires et les responsables. J’ai déjà fait arrêter tous les militants du PPA et du AML. Ils sont à vous. Les consignes ont été données pour vous permettre d’accéder à la prison. La liquidation se fera sur place. Les corps seront enterrés au Ravin du hibou. Champ a déjà pris les dispositions à ce sujet. En ville, vous avez la permission d’abattre tous ceux que vous croiserez sur votre chemin. N’épargnez ni femmes, ni enfants, ni vieillards. Tous sont coupables, tous doivent payer. Votre boulot ne doit pas se limiter à la ville de Guelma. Vous sortirez dans les douars et les mechtas. C’est de là que le soulèvement est parti. Votre action s’inscrit dans la plus stricte légalité. La loi vous autorise à vous défendre contre la barbarie. En cas de besoin, les forces de police et de gendarmerie sont à votre disposition. Au boulot !»

A Guelma, les troubles du 8 mai 1945 n’avaient fait que quelques victimes parmi les Européens. Les photos exhibées par le sous-préfet étaient en réalité celles des émeutes de Sétif. Achiary voulait frapper les esprits et galvaniser ses partisans. Par mesure de précaution, il avait donné l’ordre de désarmer les tirailleurs indigènes et de les consigner dans leur cantonnement. «On ne peut pas leur faire confiance. Ils ont la félonie dans la peau. Ils sont capables de se retourner contre nous pour aider leurs frères.»

La milice, formée quelques mois auparavant à l’instigation du sous-préfet, avait vu ses rangs grossir à l’approche de l’armistice. Achiary ne voulait pas être pris au dépourvu. Il savait – les rapports des renseignements généraux étaient formels – que les nationalistes du PPA et de l’AML allaient profiter de l’événement pour fomenter des troubles et appeler à l’indépendance de l’Algérie.

Guelma fut quadrillée par les miliciens renforcés en armes et moyens de transport. Des patrouilles circulaient à l’intérieur de la ville. Les membres des groupes d’autodéfense appartenaient aux milieux les plus hétéroclites. A côté de fermiers, commerçants et fonctionnaires de différents âges, on trouvait de petits truands et même des marlous qui n’étaient pas mécontents de l’occasion ainsi offerte pour régler leur compte à leurs comparses arabes. Les miliciens les plus jeunes étaient affectés au nettoyage des douars et des mechtas.

A cinq heures du matin, Champ pénétra à l’intérieur de la prison civile avec dix hommes. Il remit une liste au gardien-chef qui lui demanda de le suivre. Au bout d’un quart d’heure, vingt-cinq prisonniers arabes étaient rassemblés dans la cour, face au mur. La plupart n’avaient pas vingt ans. Ils avaient le visage fermé, et marmonnaient la chahada. Quelqu’un entonna «Min djibalina»; il fut aussitôt abattu par Champ.

Alerté par le coup de feu, le directeur de la prison surgit en pyjama pendant que Champ alignait le peloton d’exécution : «Vous êtes fous ? Ici c’est une prison, pas un abattoir ! Allez faire votre besogne ailleurs !». Après quelques palabres, on chargea finalement les prisonniers dans le camion des Ponts et Chaussées qui attendait à l’entrée de la prison. Champ, furieux, cria : «J’en parlerai à monsieur Achiary !», puis, s’adressant à ses ouailles : «Direction le Ravin du hibou !». La veille, il y avait envoyé un engin pour préparer la fosse commune. Sur place, on ordonna aux prisonniers de se coucher à l’intérieur de la fosse, face contre terre. Les cris «Allah Akbar ! Allah Akbar !» fusèrent, vite étouffés par plusieurs salves. Champ remarqua deux enfants qui faisaient paître leur troupeau alentours. Il s’approcha, pointa son fusil, et visa la tête. L’un des gosses tenait dans ses mains un agneau. Champ dégagea délicatement le petit animal des mains enfantines et le posa à terre. Les cadavres des deux mômes furent jetés dans la fosse, et les moutons chargés dans le camion. «Ce soir, il y aura un grand méchoui, mes amis ! Vous avez besoin de prendre des forces. Il vous reste encore de la besogne».

Les groupes affectés à la sécurité de la ville, encadrés par des policiers ou des gendarmes, faisaient un travail remarquable. Tout ce qui avait le teint basané et portait la gandoura ou la chéchia était abattu sans sommation. Des miliciens qui, auparavant, n’avaient jamais porté d’arme, étaient émerveillés par la facilité avec laquelle, à dix pas de leurs victimes, ils faisaient mouche. Un silence complet régnait maintenant sur la ville, déchiré seulement par des tirs sporadiques qui attestaient que les groupes d’autodéfense achevaient de nettoyer la ville.

Achiary, en responsable avisé, avait très tôt demandé des renforts pour mater les insurgés à l’extérieur de la ville. Il ne donna l’ordre à la milice d’intervenir dans les douars, qu’après l’arrivée de plusieurs compagnies de tirailleurs sénégalais. Des miliciens se plaignirent au sous-préfet de ce que les tirailleurs sénégalais, particulièrement excités, après avoir tout saccagé sur leur passage, égorgé hommes et garçons, violé femmes et fillettes avant de les étriper, ne leur avaient laissé que des miettes, c’est-à-dire quelques vieux bougnoules décharnés, à achever. Toutes les mechtas furent passées au peigne fin. Désormais, il n’y avait plus âme qui vive, soit que les habitants aient été tous massacrés, soit qu’ils aient pris la poudre d’escampette avant l’arrivée de la troupe. Avant de confisquer le bétail abandonné, ordre fut donné à l’aviation de brûler au napalm tous les hameaux. Des battues furent organisées pour pourchasser les fuyards qui s’étaient réfugiés dans la montagne.

A l’issue de cette campagne sanglante, Achiary tint une autre réunion avec les responsables de la milice, en présence des représentants des différents corps de sécurité. Il exprima sa satisfaction quant aux résultats de l’opération : «Le chiffre consolidé parle de lui-même : 1.000 ratons éliminés ! Mais nous devons être vigilants, car avec cette vermine, plus vous en tuez, plus ils prolifèrent». Les colons surent gré à Achiary d’avoir utilisé les moyens adéquats pour juguler la rébellion et ramener la quiétude dans cette belle région de Guelma qu’ils avaient bâtie à la sueur de leur front, au milieu d’indigènes réfractaires à la civilisation et au progrès.

De son côté, le préfet de Constantine envoya un télégramme de félicitations au sous-préfet : «Le résistant que vous êtes a réussi à pacifier Guelma en un temps record. Ce haut fait d’armes restera gravé dans la mémoire des Algériens. J’adresserai sous huitaine un rapport à monsieur le Ministre de l’Intérieur relatant vos exploits et proposant votre nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur, au titre des services éminents et exceptionnels rendus à la Nation».

Au mois de janvier 1946, le sous-préfet fut promu chevalier de la Légion d’honneur par le général De Gaulle qui lui avait déjà décerné en 1943 la médaille de la Résistance.

One thought on “MAI 1945 : La guerre n’est finie qu’en Europe. Et encore…

  1. Tiens le sous-préfet André Achiary a traité explicitement les arabes de “vermines”, de “ratons”…et personne n’a barré ses propos…!!!

    Allez, bon vent messieurs…!!!

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