Pilotage automatique

N’est-ce pas quand même extraordinaire, le pays continue de fonctionner quand bien même le gouvernement semble en
ce qui le concerne fantomatique. C’est un peu comme Hollandais volant, ce fameux bateau dont l’équipage était condamné par la justice divine à errer sur les mers jusqu’à la fin des siècles. Bien que, question d’errance c’est plutôt les populations qui sont dans sa situation et non les ministres en question. Il faudrait toutefois en convenir, il n’y a pas de gouvernement. Ce gouvernement habituellement envahissant dont les ministres se trouvaient partout pour peu qu’il y ait un évènement sectoriel et parfois même dans des manifestations par lesquelles ils n’étaient aucunement concernés. Certains d’entre eux étaient parfois remarqués à la tribune officielle des stades, d’autres n’arrêtaient pas d’inaugurer et très souvent ré-inaugurer, de se déplacer au titre de mission de travail et d’inspection. Bien entendu, les ministres ça reste des êtres humains qui ont besoin de repos autant qu’un manoeuvre en équilibre sur l’échafaudage brinquebalant collé aux parois d’un building et dont le plus grand risque serait d’être, s’il peut être tenu compte derniers oracles de l’ONS, le travailleur sur deux qui ne dispose pas d’une couverture sociale, d’un paysan en plein midi dans les champs pour la campagne moissons- battages, d’un vendeur de cigarettes itinérant parce qu’obligé de déplacer son commerce miniature en fonction du mouvement de l’astre solaire, de l’agent de police en charge de la circulation dans l’un des carrefours d’une importante agglomération. Mais il n’y a en réalité aucune inquiétude à se faire, les membres du  gouvernement peuvent être absents tout en étant là, non pas en raison du don d’ubiquité, mais tout simplement parce que les moyens de liaisons et de communications sont si performants qu’ils peuvent être tenus au courant de tout ce qui se passe. D’ailleurs, ils ne sont pas les seuls à s’absenter sans que la vie de tous les jours en soit changée, les walis  s’absentent, les maires également, les grands dirigeants d’entreprises. Mais cela n’empêche pas le citoyen qui aime l’ordre, qui veut se sentir protégé, qui ne vit que par le fait d’être pris en charge, orienté, de s’inquiéter et sans doute encore plus, en ce sens que parmi les membres du gouvernement une belle brochette de ministres assure l’intérim d’autres collègues appelés à d’autres missions. Ça en fait donc beaucoup de membres du gouvernement absents et peu d’intérimaires sous la main. Néanmoins la réalité est là, implacable. «Pourtant ça marche», aurait dit Galilée s’il n’avait pas eu à répéter devant les inquisiteurs il y a plus de quatre cents ans «mais pourtant elle tourne» Le pays est  pratiquement en pilotage automatique, ce qui constitue un avantage quand même, rarement les pilotes automatiques se plantent et de toutes les manières l’Algérie ne risque pas d’être la première nation à se retrouver dans un tel cas de figure. La Belgique n’a-t-elle pas tenu près d’une année sans gouvernement. Et plus que tenir, elle est même parvenue à éviter la crise financière internationale au moment où un bon nombre d’autres pays européens perdaient leur triple A, comme une rosière perd son innocence sans s’en douter. Mieux encore durant toute la période de vacance de pouvoir qu’elle a traversé, la Belgique a réalisé un taux de croissance de 2%. De quoi inciter des économistes à donner leur langue au chat et les Algériens à dissiper leurs craintes quant à l’absence des membres du gouvernement. Donc si le plus grand tort qui pourrait être fait à l’Algérie serait celui de vivre la «mésaventure» belge avec ses conséquences avantageuses, le peuple algérien serait magnanime au point d’accorder un blanc-seing aux ministres et les autoriser à prolonger leur absence tout le temps que cela sera profitable au pays.

A. Lemili
La tribune