PULSIONS TRIBALES

Macron était semble-t-il porteur d’un message insoutenable: “Au verdict de l’histoire, le droit condamne le colonialisme comme crime contre le droit de l’humain.”
Haro sur le messager a décrété l’alliance hétéroclite d’un notable de droite englué dans l’enrichissement de sa PME familiale, se réclamant exclusivement de sa foi catholique;les nostalgériques, les harkis et le Front national qui sait qu’il doit tout au ressentiment des pieds noirs, socle de sa survie politique.

Bien sur depuis, la désindustrialisation du pays lui a gagné des contingents de chômeurs qui votaient communistes dans un passé récent.Coco un jour, facho un autre jour. Le dernier intellectuel à avoir essuyé une telle tempête fut François Mauriac, grand écrivain et conscience politique catholique accusé de forfaiture et d’insulter le drapeau pour avoir dénoncé les exactions au nom de valeurs chrétiennes.

Macron a beau avoir raison sur le fond, il a tord sur la forme et surtout, il s’est tiré une balle dans les pieds pour avoir imprudemment fait le pari sur l’intelligence d’une génération, qu’il pensait prête à entendre la vérité et à tourner la page. Désormais accusé de syndrome d’Alger, il a donné prise aux attaques alors que sa progression météorique donnait l’impression qu’il marchait sur les eaux.

La résistance au changement est une donnée tenace et opiniâtre chez les individus comme chez les peuples; et les fiefs électoraux se construisent à partir du statu quo et de la culture intensive du ressentiment et de la rente victimaire.Et des calculs politiques qui intègrent les pulsions tribales. À ce jeu là , nous ne sommes pas mal non plus!
Les troupes vociférantes de Toulon, cherchant à bloquer l’entrée du meeting, sont preuve que le travail historique défaillant n’a pas permis un travail de deuil et que le blocage est autant psychique , qu’idéologique. Cela en dit plus sur les difficultés de la société française à organiser des vraies modalités du Vivre-ensemble, tant le vécu
semble s’inscrire dans des temps qui servent de repères.

Allemagne et France qui s’étaient saignées au cours de deux guerres mondiales ont eu la chance historique d’avoir deux leaders, De Gaulle et Adenauer, qui ont offert à l’Europe la plus grande période de paix et d’essor de son histoire.  Qui continue à insulter l’avenir?
Plonger dans les arguties juridiques est chose aisée. Il suffit de rappeler que juridiquement l’Algérie (avant son indépendance acquise par le combat armé) était département français et qu’à ce titre,ses police et armée y détenaient le monopole de la violence légale.

Les exactions, déportations de masse et tortures systématiques s’exerçaient contre des populations soumises aux lois françaises;elles relevaient et relèvent encore des dispositions du traité de Rome, signé par Sarkozy et qui implique la non prescription des poursuites relevant de la qualification de crimes contre l’humanité.

Macron, à ma grande surprise a montré la présence d’une vraie colonne vertébrale idéologique, en tenant ces propos courageux, mais également en insistant sur sa répugnance à emprunter les chemins de la repentance, car il n’avait aucune qualité pour le faire. Cet aspect de ses propos a été occulté pour l’instrumentalisation que l’on sait.
La pulsion tribale, bien définie par le slogan frontiste:  “On est chez nous”, démontre une fois de plus que l’imaginaire colonial n’est pas décolonisé, ce qui rend tout travail de deuil impossible.
La préférence de l’endogroupe et le rejet de l’exogroupe  (l’immigré, l’arabe, l’africain, le musulman) augurent mal du vivre-ensemble.

Le “je vous ai compris”, référence à De Gaule est adroit et rappelle à tous que l’homme providentiel du 18 juin, avait pris ses responsabilités historiques pour sauver une deuxième fois son pays, la France. Depuis, “La grande Zora”  comme l’appelaient haineusement les plus radicaux des pieds noirs est devenue statue du commandeur et
référence obligée!

Faut-il conclure à la défaite de la raison.
Depuis notre premier cri qui annonce notre venue au monde, jusqu’à notre dernier souffle,nous aurions tous baigné dans un monde d’émotions et de pulsions qu’il faut identifier pour accéder à l’âge adulte. Quitte à bousculer les alliances primitives et ethnico-claniques. Les ancêtres redoublent de férocité des deux côtés de Mare Nostrum, dans une prise d’otage qui hypothèque et insulte l’Avenir.

Monsieur le passé, laissez nous passer!

Le dernier des pieds noirs ayant quitté l’Algérie en 1962 , approche de la soixantaine, “l’année du chien” comme le rappelait avec son humour caustique un ami,car à partir de soixante ans, une année en compte sept comme chez les canidés!
Je prends le don de chaque journée comme un don divin et je me réveille tous les jours avec l’envie d’aider mon voisin et ne rêve jamais de le trucider.

Maupassant, dans Bel Ami offrira peut-être sans le savoir le plus bel réquisitoire contre le colonialisme. “L’arabe était la proie naturelle du soldat.” Tout cela ne vaut pas plaidoyer pour Macron, le néo-libéral, je m’empresse de l’ajouter.

AL-HANIF