Quand l’immoralité règne

Le communiqué du ministère de l’Education publié hier soir à la fin des épreuves du bac, reconnaît deux faits négatifs : l’examen ne s’est pas déroulé dans des conditions normales et le dispositif anti-fraude massive a été inefficace. L’euphorie du premier jour du bac 2016 marqué par un discours triomphaliste sur une «année scolaire réussie» a laissé place, dès le soir, à la panique créée par les informations sur les fuites massives de sujets. Empêcher, avec un excès de zèle suspect, les candidats retardataires d’accéder à la salle d’examen et procéder à des fouilles indécentes en pareille circonstance, n’ont finalement servi à rien d’autre qu’à provoquer un traumatisme chez… les futurs candidats qui commencent dès maintenant à faire des cauchemars en pensant à la prochaine session où ce sera leur tour. Certains témoignages à partir des salles d’examen font état de «copiage» et autres formes de triche traditionnelle, carrément tolérées… pour l’équité «puisque certains ont eu les sujets avant». Le communiqué ne rend pas compte de toute la réalité qui jette un énorme discrédit sur le bac 2016. Plus grave, une frange importante de la société semble avoir adopté une position neutre dans cette affaire, considérant que la fraude permet de compenser les injustices du système éducatif. Une curieuse façon d’interpréter le principe de «l’égalité des chances», qui s’explique peut-être par le tapage médiatique qui a précédé le bac à propos des cas de corruption. La ministre, Nouria Benghebrit, ses cadres et hauts fonctionnaires se sont focalisés sur les techniques utilisées pour la fraude au bac, mais ont oublié l’essentiel, car le problème ne se limite, hélas !, pas à l’école : l’immoralité qui règne en maîtresse absolue. Le mauvais exemple a été donné par les dirigeants dont les noms sont constamment cités dans des scandales de corruption, de fraude fiscale, de fuite des capitaux, de détournements des deniers publics, d’enrichissement illicite, de cupidité, de soif du pouvoir, etc. Il y a donc un gravissime problème de société. Le bac 2016 ne pouvait échapper à cette ambiance. Il restera dans l’histoire non seulement comme celui de la fraude, mais également comme une grande injustice à l’égard des candidats que le dispositif mis en place a culpabilisés, en considérant qu’ils sont des fraudeurs en puissance. Sont-ils les seuls ?

Par Kamel Moulfi