Réfugié depuis 40 ans : Du sahara occidental à CPH*

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Le mois de Novembre prochain marquera quarante ans depuis que le Maroc a envahi et colonisé le Sahara Occidental, la dernière colonie en Afrique d’aujourd’hui. Abba Malainin était seulement un gamin quand il a dû fuir à pied la guerre, traversant le désert vers  les camps des réfugiés en Algérie, où sa famille et des milliers d’autres réfugiés vivent encore à ce jour.
Il ya quatre décennies, des dizaines de milliers de la population autochtone du Sahara occidental, les Sahraouis, ont fui l’avancée de l’armée Marocaine et ses avions bombardiers  en traversant la frontière vers l’Algérie voisine.
Labàs, ils se mirent à construire ce qu’ils pensaient être des camps temporaires de réfugiés dans l’une des régions les plus inhospitalières du monde, d’ailleurs on l’appelle  “le jardin du diable», où les tempêtes de sable sont fréquentes et les températures peuvent dépasser 50 °C.
Quelques 165 000 Sahraouis vivent aujourd’hui dans les camps de la province de Tindouf. D’autres demeurent au Sahara Occidental occupé par l’un des régimes les plus répressifs et torturant du monde. Alors que d’autres vivent encore en exil en Espagne ou au Danemark, comme Abba Malainin.

Du désert
Abba Malainin avait sept ans en 1975, lorsque l’armée marocaine a envahi sa ville natale d’El Ayoun, la plus grande ville du Sahara occidental, avec des bombardements aériens au napalm et au phosphore blanc. Un génocide oublié par les médias internationaux,insiste-t-il.
“Ma famille et moi vivaient une vie paisible à El Ayoun avec son climat désertique doux quand nos vies ont été bouleversées par l’invasion militaire du Maroc. Soudain, nos vies ont basculé dans un cauchemar”, se souvient-il.
Abba et sa famille d’abord installés dans le camp de réfugiés d’El Ayoun (nommé d’après la ville du Sahara occidental) et s’est retrouvé dans le camp Auserd. “Il n’y avait rien du tout quand nous sommes arrivés”, dit-il.

Abba Malainin lives in exile in Copenhagen but returns often to the Auserd refugee camp. Here, he is pictured in front of his mother's home. Photo: Peter Kenworthy
Abba Malainin vit en exil à Copenhage mais visite fréquentent le camp des réfugiés d’Auserd. Ici, on le voit devant la maison de sa mère. Photo: Peter Kenworthy


Presque-ambassadeur à Amager

Aujourd’hui, Abba est le représentant du polisario , un mouvement de libération sahraoui au Danemark. Si le Danemark avait reconnu la République du Sahara occidental en exil (RASD), comme l’ont fait plus de 80 autres pays au cours des années précédentes, il en serait un ambassadeur.

Au lieu de cela, Abba vit dans un petit appartement à Amager, pas loin de l’aéroport de Copenhague, ce qui est plutôt pratique pour ses déplacements vers et à partir des camps de réfugiés de Tindouf où sa mère et une grande partie de sa famille vivent encore dans des tentes et des maisons en brique de boue avec des toits en tôle ondulée.
Abba s’y rend soit pour visiter sa famille ou en mission de travail avec les responsable du Polisario, tout en veillant à ce que les politiciens Danois, les ONG et les journalistes n’oublient pas les Sahraouis, leur donnant l’occasion  de voir à quoi cela ressemble la vie dans ces camps de réfugiés qui ont résisté pendant 40 ans.

Une république en exil
À bien des égards, les camps de réfugiés sahraouis sont différents d’autres camps de réfugiés. Les Sahraouis ont réussi à construire un proto-état dans les camps du désert. La RASD est un membre de l’Union africaine et dispose d’un gouvernement, d’un parlement élu, d’une constitution, des écoles, des hôpitaux, des services sociaux et un service de presse.

Selon Abba Malainin, les camps sont bien organisés et les Sahraouis sont considérés comme les réfugiés les plus instruits dans le monde. Environ 90 pour cent de la population sait lire, ce qui est une augmentation spectaculaire du taux d’alphabétisation de 10 pour cent lorsque les Sahraouis sont arrivés dans les camps en 1975. Ceci est également bien au-dessus de la moyenne régionale.
Il n’empêche que cela demeure néanmoins un camp de réfugiés où il y a une pénurie constante de l’eau, de la nourriture et d’autres nécessités, ce qui entraîne, entre autres, la malnutrition aiguë chez les enfants. La situation se dégrade tout le temps vu que l’aide internationale dont dépend les Sahraouis dans les camps, s’est rétrécit de presque la moitié depuis la crise économique.

De promesses non tenues et de l’inaction
Mais alors, quelle est la voie à entreprendre par la famille de Abba et les milliers d’autres Sahraouis qui vivent dans les camps pour qu’ils soient en mesure de sortir de la misère qu’ils endurent depuis 40 ans dans leur maison et puissent retourner au Sahara occidental libre et démocratique?

Abba Malainin croit que le seul moyen dont lui et ses camarades Sahraouis pour qu’ils puissent retourner dans leur patrie c’est à travers le référendum sur le statut du Sahara occidental, que les Nations Unies ont promis aux Sahraouis depuis des décennies.

La réalisation d’un tel référendum, qui conduira presque certainement à l’indépendance pour le Sahara occidental, doit venir grâce aux efforts collectifs de la communauté internationale et de ses acteurs influents,insiste-t-il. Mais des décennies d’inaction de la communauté internationale pousse à une reprise de la guerre qui semble une perspective acceptable pour de nombreux Sahraouis, en particulier les jeunes.

Écoutez notre histoire
“La communauté internationale, y compris l’ONU et l’UE, devrait exercer plus de pression sur le Maroc pour éviter un tel conflit qui profiterait à personne. Et les gouvernements étrangers et les entreprises doivent cesser les accords économiques conclus pour l’achat des biens volés d’un pays occupé, car cela ne contribue qu’à légitimer l’occupation illégale du Maroc et de le garder financièrement viable “, conclut Abba Malainin.

Les Sahraouis luttent et endurent des souffrances pour leur liberté et leur indépendance tous les jours dans les deux camps de réfugiés et dans les territoires occupés du Sahara Occidental, dit-il.

Mais ils ont besoin de l’aide de la collectivité et des mouvements de solidarité internationale pour faire pression sur le Maroc et ceux qui les soutiennent, à veiller à ce que les Sahraouis ne doivent pas attendre encore 40 ans pour sortir des camps de réfugiés et de l’occupation marocaine.

* CPH : Code de l’aéroport de Copenhage

Article publié sur le quotidien Danois “Thelocal.dk” et écrit par Peter Kenworthy, un journaliste indépendant pour l’Afrique Kontakt et d’autres publications.

Traduit par A. Jabli

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