LES LUNDIS DE L’HISTOIRE: MILOUD Premier « indigène » né à Sidi-Bel-Abbès.

Dans les mots « état-civil », le mot « état » (avec  “e” minuscule) est un synonyme de l’identité (Nekwa). Mais, l’identité n’est pas seulement l’affaire de la personne, mais aussi celle de la société. Le « nom » est d’abord collectif, il n’est pas le signe d’un « Je » mais d’un « Nous ». Le calife Omar disait ; « Apprenez vos généalogies et ne soyez pas comme les Nabatéens de Mésopotamie ; quand on leur demande leur origine, ils répondent qu’ils viennent de tel village ».(Ibn-Khaldoun).
L’Histoire de Miloud est aussi celle de beaucoup d’Algériens. Le temps ou les noms, prénoms, surnoms et sobriquets, découlaient de la commodité et de la souplesse de l’oralité. Les Algériens, on le sait, n’avaient pratiquement pas de noms patronymiques. Miloud (le raconteur) est aussi le héros du seul film Algérien – Chroniques des années de braises – de Lakhdar Hamina (dans la photo) primé à Cannes de la palme d’or en 1975.

I – Nekwa des Algériens.

Bien qu’il existe des traces de registres à Annaba de 1845, en langue arabe, comportant les données essentielles (des noms de famille existaient comme les Bengana,Khodja,Bouderba,Bachtarzi,Sekkal, Ould-El-Kadi, Benouada, Ould-Zine,BenSmain,Mokrani et autres) . Mais ce n’est que par la loi du 23 mars 1882 promulguée par les autorités coloniales françaises que fut institué l’état civil pour les « indigènes musulmans » d’Algérie. Cette loi établissait deux registres : Un registre matrice et un registre d’état civil. Cette loi imposait le recensement et l’enregistrement de la population dans chaque localité (à travers le maire dans les communes CPE, l’administrateur (mestatour) dans les communes mixtes. Mais surtout à travers les « caïds » des douars ; disgracieux, analphabètes et cupides ! La non-observation du nom patronymique en plus des retards dans les déclarations d’état-civil a été ajoutée par la loi du 27 juin 1888 comme infraction au terrible code de l’indigénat qui instaura des pénalités particulières pour les pauvres «indigènes» Algériens.
L’Histoire des noms patronymiques des « Algériens », à Sidi-Bel-Abbes ou ailleurs exprime les multiples facettes de l’Histoire Algérienne. En effet, il ne s’agit pas seulement de consulter un «registre d’état-civil». Le système dénominatif en Algérie a connu un processus lié aux événements historiques dans chaque «localité» par laquelle la société algérienne est entrée en contact avec la culture de l’occupant. Il faut préciser qu’il est difficile de rappeler l’évolution Historique des communes de l’Algérie sans commettre d’erreurs. Mais l’Histoire de la commune coloniale est vraiment une Histoire très spéciale!
On peut dire aussi qu’il s’agit d’une Histoire d’acculturation réussit au forceps. Le patronyme en faisant du colonisé algérien, un « sujet » français d’abord, l’a aussi désigné comme « séparé » .Mais, il est devenu ensuite un support de notre identité Algérienne. Il a donc aussi permis d’asseoir un État Algérien central, structuré et ouvert sur la modernité, plaçant définitivement l’individu Algérien dans un cadre institutionnel et juridique stable.

II – Miloud fils de Mohiédine et Fatna.

Après de longues recherches ! Il fallait dénicher le premier indigène né dans la ville coloniale de Sidi-Bel-Abbès à travers des pages bien tournées. Et croyez-moi, ce n’est pas chose facile. D’abord, il fallait procéder par chronologie, mais aussi faire la distinction entre musulmans et juifs. Avant le décret Crémieux du 24 octobre 1870, les « premiers » juifs nés à Sidi-Bel-Abbès portaient des prénoms arabes. D’ailleurs la première juive née à Sidi-Bel-Abbès, s’appelait « AICHA ».
Au milieu de la page 16 du registre de l’état civil de la ville de Sidi-Bel-Abbes, figure la transcription suivante : Miloud né le 17 février 1861 à 2h du soir.
On peut lire aussi, dans la même page du registre : Un enfant qui nous a été présenté et qui a été reconnu de sexe masculin, né à Sidi-Bel-Abbes, rue MOGADOR (Aujourdh’ui, rue Palestine ?).Fils de Mahiedinne Ould Boubaker (originaire d’un douar du sud de la ville). Profession Chaouche dans la commune mixte de la Mekerra, âgé de 32 ans. Et son épouse Fatna âgée de 23 ans. L’enfant a reçu le prénom de « MILOUD » en présence de deux témoins ;Kaddour chef de Douar âgé de 25 ans et de Salah Ould-Kharoubi, propriétaire (2° témoin) âgé de 35 ans, tous les deux demeurant dans les environs de Sidi-Bel-Abbès. Enfin, dans la dernière ligne on peut lire : Les témoins ont dit ne pas savoir « signer » !
Toutefois, notre MILOUD, né à une vingtaine de mètre de l’église Saint-Vincent, le masjid El-Aadam n’existait pas encore ! Miloud n’avait pas de patronyme. On disait dans ce temps. Miloud fils de Mahiedinne, puis Mahiedinne fils de Boubaker et ainsi disparaissait le prénom du grand père à la troisième génération . « APPELEZ-LES (du nom) DE LEURS PÈRES, C’EST PLUS EQUITABLE  AUPRÈS DE DIEU » [Sourat 33-Al-Ahzab ;05]
Ainsi donc,, notre Miloud (le petit fils) a sans doute repris le prénom de son aïeul pour le perpétuer. Ce prénom qui est un prénom maghrébin, d’ailleurs nos parents nous dirons que c’est un dérivé «d’Al-Mawlid ». Pourtant, d’autres nous dirons que ce prénom existait depuis l’antiquité. Il serait un dérivé d’EMILE (son étymologie latine est aemulus). Et re- voilà encore le relativisme de l’Histoire qui surgit ! Cette fois de la rue Mogador parallèle de la rue Jean Jacques Rousseau.
Finalement, pour conclure, il s’agit tout de même d’un document d’acte de naissance signé par ALFRED DE VILETTARD ,chevalier de l’ordre impérial de la légion d’honneur, commissaire civil (c’est-à-dire le Maire) du district de Sidi-Bel-Abbès. Et ainsi donc, commence l’Histoire de la reconquista indigène de petit Paris !
Salutations.
AL-MECHERFI.

(9 commentaires)

  1. Mais comment pourrai-je le faire Mme le Cygne ?! Il n’y a rien de plus difficile que de devoir expliquer un système compliqué en peu de mots ! Mr Djilali C, l’a si bien démontré dans son équation des 3miloud.

    Par quel bout attraper la vérité ? Et, faute d’éclairer l’état civil dans un système communal colonial (avec 5 types de communes en plus des bureaux arabes militaires et départementaux & centres municipaux et les SAS en bémol…. ont allumera donc une autre torche). C’est promis. Un autre lundi sera surement consacré aux milles et milles anomalies de « l’opération TRANSCRIPTION » dans les registres (1611 registres à Sidi bel abbés en 2006) .Un chiffre inouï ! N’est ce pas ?
    Mr MILOUD aura compris aussi que le problème est réel non seulement dans le passé de l’Algérie, se qui est compréhensible, mais aussi dans le présent ce qui est une coïncidence troublante. Les problèmes des 1590 état-civils (communes) bourdonnent dans la tête de l’ADM algérienne .

    Enfin ! Les commentaires auront au moins servi à nous faire comprendre pourquoi : Le LIVRE GUINNESS ne valide pas les records d’âges en ALGERIE !

    1. Merci Mr AL MECHERFI…! Alors, je dois attendre encore un peu pour essayer d’entrevoir une petite lueur dans ce grand labyrinthe…!!!

      Au fait, Monsieur, la vérité n’a pas de bout….donc on ne pourra jamais l’attraper, du moins complètement….!!!!

      Ramadan Karim et Saha Shorek…!

  2. Salam Mr AL MECHERFI…!!! Au secours, je me sens un peu perdue dans le labyrinthe de ces différentes appellations….et si vous voudrez bien nous expliquer un peu ce système de commune mixte et commune de plein exercice (CPE), et qui y avait droit…??? Et avant cette histoire d’état civil comment on faisait pour connaître la date de naissance de nos grands parents et arrières grands parents, ou bien tout est approximatif…!!!! Avec quelle marge d’erreur…???

    Merci d’avance et Saha Shorek .

  3. Tjr au sujet de Miloud.

    Hadj (MILOUD),Sidi, Si…en abrégé, selon le nom est une désignation honorifique surtout en Oranie. Le nom honorifique (Laqab): en général est un adjectif ou une expression plutôt flatteuse. Attribué durant la vie d’une personne pour ses actions, il vient compléter le nom proprement dit. Le nom (El-Ism) simple ou composé, est devenu le prénom dans l’état civil des Algériens qui le confonde assez souvent avec El-laqab. Le surnom (Kun’ya) et la filiation fils de (Naceb) ….Ceci est une autre Histoire !

    Bon, Il était clair, que la question de l’état civil en Algérie coloniale serait une application longue et difficile ! Promulgué certes le 23/03/1882…..Mais son application officielle fut de 1882 a 1894 ! Appliqué à seulement 16 douars en 1886.
    Attention, il s’agit là ! Du PATRONYME (Que Miloud n’avait pas !) On institua l’état civil certes, mais il restait à imposer l’usage des nouveaux noms familiaux.
    Cependant ! Un algérien enregistré à DETRIE (centre colonial) un événement rare ! La majorité des algériens étaient enregistrés après 1892 aux douars Messer,teffilas et térinat et sidi yagoub… ou commune mixte Boukanifis (avant qu’elle ne soit supprimée – après la création de la C/Mixte de Mekerra).

    La collation des noms patronymiques débuta dans les années 1890 (et NON en 1889- ) La région de sba (était sans doute parmi les premières en algerie)
    La base de départ à l’état matrice de l’état-civil algérien était l’année 1890, devenue l’année de renvoi pour tous les actes antérieurs (la naissance de Hadj Miloud est donc approximative et comme tous les recensés vivants à l’époque des opérations de recensements et d’identifications furent consignés sur des registres. qui ressemblaient, si l’on peut dire, quelque peu à des arbres généalogiques des concernés (Vous trouvez surement le n° de l’arbre sur l’extrait).
    Si, il avait 8 ans en 1889 (peut être 1990)cela veut dire qu’il était vivant à cette dattede recenssement , c’est tout. ( ????).

    Très compliquée cette histoire de Miloud !
    Saha f’tourkoum.

  4. salam j’ai un grand grand père s’appel el hadj MILOUD né a sidi bel abbes mais enregistré a sidi lahcen ( 1889 a l’age de 8 ans ) a cette époque sidi bel abbes n’avais pas une mairie a c ta dire une administration vous pouvais vérifier c la famille ((EL HAINA)

    1. Oui ! C’était l’époque du second empire (1851-1870),il n’y avait pas de « MAIRE » mais il y avait un commissaire civil (équivalent) au district de Sidi-Bel-Abbès (ALFRED DE VILETTARD).C’est normal au temps du système de l’ADMINISTRATION MILITAIRE et ses bureaux arabes et d’ailleurs les communes n’existaient pas encore ,il faudrait attendre l’année 1866 ,1868 et 1874 et surtout la loi du 4/4/1884.
      Toutefois ! Les registres pour les européens existaient déjà ! Celui de 1861 est le premier (vous n’en trouvez pas à Aix en Provence antérieur à cette date !!! C pourquoi, j’ai dis que c’est très rare !!!
      Il est possible que d’autres « indigènes » soient nés dans la ville de Sidi-Bel-Abbès AVANT Miloud (entre 1951-1961)! Mais je ne pense pas qu’il existe des preuves pour valider cette thèse.

      Bien qu’en France, l’état civil n’a été véritablement institué que le 20 Septembre 1792.Il faut dire qu’il trouve ses racines dans les pratiques de l’Eglise Catholique. Et l’état colonial en algérie ne jurer que par l’assimilation.

      Le débat à l’époque considérait qu’il fallait lier l’état civil à la JUSTICE ? Aux notaires ? Aux instituteurs et même aux services de santé comme les hôpitaux !!!!

  5. Bonjour mon ami El Mecherfi

    En lisant votre article, j’ai eu l’idée de lui donner un autre titre à savoir:” Miloud; le premier indigène enregistré à l’état civil”. Il faut admettre que beaucoup d’algériens indigènes n’ont pas été enregistrés le jour de leur naissance. Ainsi, la motion de “présumé né en ….” a été admise par l’administration pour régulariser des situations afin que les intéressés puissent avoir un acte de naissance. Donc, on ne peut pas affirmer que Miloud est le premier indigène né à Sidi Bel Abbès.
    Mes amitiés.

    1. Bonsoir mon cher Driss,
      Toujours un plaisir de vous lire.
      Effectivement, beaucoup d’Algériens n’ont « surement » pas été enregistré par l’officier d’état civil dans son fameux registre. C’est vrai aussi que, l’Histoire étudie ce qui s’est passé vraiment et non ce qui aurait pu se passer ! Miloud est bel est bien le premier indigène enregistré dans le registre d’état civil de la ville « européenne » – commune plein exercice (CPE) de SIDI-BEL-ABBES.

      Toutefois, il est utile de préciser qu’il y’avait aussi dans le chef lieu (la ville) une autre commune (mixte pour les indigènes et les fermes en dehors de la ville) dirigée par un Mestatour et des Caids ! (Sa résidence se trouvait au centre ville dans l’actuelle direction des anciens moudjahidines en face de l’ex musée) !

      D’ailleurs le père de MILOUD, c’est-à-dire BOUBAKER travaillait justement dans cette ADM,il était chaouch (Dans chaque commune mixte il y’avait entre 5 et 11 chaouchs).

      Ce qui explique finalement ! Pourquoi l’on trouve le nom de MILOUD dans le registre « normalement européen » ! C’est très rare surtout à cette époque ! Puisque les autres indigènes avaient leurs propres registres (colonialisme oblige !).

      Oui ! Mon cher Ami Driss, comme vous l’avez si bien constaté. Cette Histoire de la « commune coloniale » est vraiment une Histoire très spéciale! Et puis je sais que vous avez surement lu mes articles (2005) sur l’Histoire de la ville intitulé : Histoire de Sidi-Bel-Abbès, Anomalies de deux Communes Coloniales + Une seule ville est deux communes !
      Saha s’hourek .

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