Chronique du jeudi : «ÉBOSSÉ MORT, LES CROCODILES VERSENT DES LARMES! »

ÉBOSSÉ est mort. Tragiquement. Subitement. Il est mort  laissant un bébé de moins d’un an. Il est mort, le jour où le Sélectionneur National du Cameroun a rayé ETO’O de l’équipe nationale, lui garantissant une place de titulaire. Il rêvait surement de jouer une Coupe du Monde. Il est mort par la main d’un supporter auquel il a promis un but qu’il avait pourtant marqué.

«C’est une honte!» disent les Algériens. Tout le monde condamne, se lamente, regrette et pleure ! «C’est scandaleux!» disent d’autres Algériens.

Les joueurs unanimes demandent soit l’arrêt du championnat, soit le huis clos permanent.

Pourtant, ce qui est scandaleux c’est de venir verser des larmes de crocodile face à un phénomène qui n’a jamais arrêté de progresser avec le concours de tous ceux, qui aujourd’hui pleurent. Les alertes étaient nombreuses : Les morts des supporters, les casses aux sorties des stades, les agressions, les jets d’objets sur les arbitres, les envahissements de terrain… Le cas  du match MCS-USMA où plusieurs joueurs ont été blessés à l’arme blanche. D’ailleurs, le jour du décès du neveu de l’illustre Roger MILLA, le caméraman de la Télévision a été touché par un projectile et était groggy pendant longtemps. Pourquoi l’arbitre n’a-t-il pas arrêté le match? Qu’ont fait les organisateurs? Rien, le match continuait normalement alors qu’une autre caméra nous montrait pendant un long moment les soins prodigués au blessé.

La responsabilité de la mort tragique d’Ébossé doit être assumée par tous les acteurs du Football national, bien avant celui qui a lancé la pierre !

Quand on constate une presse spécialisée qui ne fait qu’alimenter la haine à coup de titres provocateurs à la Une, que doit-on attendre de ce pauvre supporter? Toute la presse spécialisée – nombreuse après l’ouverture du champ médiatique- s’ investit dans l’incorrect commercial. Des pages entières sont consacrées aux flèches lancées par des joueurs à d’autres joueurs d’équipes adverses à la veille de la confrontation. Des personnes venant d’on ne sait où, se sont improvisées journalistes sportifs professionnels et dirigent des journaux à grand tirage, mais qui ne sont en réalité que des «alimenteurs de haine.» Lundi matin, alors qu’Ébossé n’est pas encore enterré, on ose titrer une phrase qui a du être soutirée de force au pauvre Belaili : «Belamri a parlé dans les journaux, je lui ai répondu sur le terrain!» Une phrase pareille au-delà de ce qu’elle comporte comme risque de détérioration des relations entre les deux joueurs (qui se sont connus dans l’équipe Olympique Nationale) est porteuse de haine chez les supporters inconditionnels des deux clubs.

Quand un animateur télé lance en direct alors qu’il parlait à Belamri: «Comment se fait-il que tu ne sois pas sélectionné ? Pourtant tu es de loin meilleur que Mehdi Mostefa? » Au-delà que la comparaison soit idiote du fait de différence des postes occupés par les joueurs, comment voulez-vous que le jeune Belamri ne se prenne pas la tête ? Comment voulez-vous qu’il ne se prenne pas pour une star subissant une injustice? Tout cela a des répercussions sur le comportement du joueur qui influe énormément sur celui du supporter inconditionnel.

Il en est de même pour les entraineurs et les dirigeants. La presse trouve un malin plaisir à vouloir instaurer une haine permanente entre les différents acteurs du football national.  Le seul qui a compris et qui mérite tout le respect, c’est Charef, qui a décidé de ne plus communiquer avec la presse, et il s’en est bien sorti. Lasse de l’attaquer tout le temps, ne voyant aucune réaction, donc aucun dividende à tirer, elle se met tout d’un coup à l’encenser tout bout de champ.

Quant au pauvre Halilou, l’ex-sélectionneur national, cette presse a réussi à le faire partir sans le lâcher pour autant. Aujourd’hui, le lecteur Algérien est au fait de tout ce qui se passe à Trabzonspor grâce à cette presse qui ne veut pas le lâcher même ayant quitté l’équipe nationale.

Prompte à défendre l’intérêt des joueurs et des équipes garantes de ses propres intérêts, la presse spécialisée cultive la haine. C’est elle qui doit porter en premier lieu la responsabilité de la mort d’Ebossé.

En second lieu les responsables des Clubs et en particulier les Présidents. Ils sont constamment en train d’essayer de trouver des boucs émissaires à leur absence de réussite. Voulant à tout prix perdurer à la tête des équipes qui les sert au lieu d’être servies par eux, ils ne s’accommodent d’aucuns scrupules. De la vente-achat de matches, à celle des arbitres,  quand ils ne les accusent pas de tous les maux. A chaque journée du championnat, il y a au moins la moitié des Présidents de club qui rendent responsables les arbitres de leur défaite, pourtant tout à fait logiques sur le plan sportif. D’ailleurs, Hannachi n’a pas raté l’occasion puisqu’au lieu de démissionner, il affirme toute honte bue, à une chaine télé privée : «C’est l’arbitre qui a provoqué la colère des supporters!» Pourtant, un arbitre a éliminé l’Irlande de la participation à une Coupe d’une Monde au profit de la France, en accordant un but marqué de la main par Henry. Les supporters n’ont tué personne ! Mais il est vrai que le responsable ne s’appelait pas Hannachi.

Des présidents de Club qui n’ont rien à voir avec le sport. Qui n’ont jamais connu le Football. Qui n’ont aucun amour pour le sport. Ils ne l’utilisent que comme moyen de s’enrichir et se faire élire, donc «s’ennoblir»

Quand un Président de club déclare dans un journal spécialisé que «si Gourcuff ne convoque pas tel joueur, il ne connait rien au foot!» et que l’organe de presse s’empresse de mettre à la une, quelle réaction attendre du supporter ? Quel comportement attendre de ce joueur ?

Tertio, les joueurs. Ceux-ci portent également une lourde responsabilité dans ce qui se passe en matière de violence. L’éducation primitive qui caractérise un grand nombre, ne leur permet pas d’agir en professionnel, en modèle à la jeunesse qui les adule. Leurs comportements que ce soit à l’intérieur des stades ou en dehors ne plaident nullement à une réaction sportive et de fair-play de la part des supporters. Ils sont constamment à rouspéter auprès des arbitres, à les agresser, à ne pas respecter les décisions de leurs entraineurs. Un célèbre entraineur avait dit : «Les joueurs n’ont aucune formation, ni éducation. Ils ne connaissent pas les lois du jeu. J’ai vu des internationaux qui ne savent pas se tenir à table, ni même se brosser les dents!»

Les instances du Football national et notamment la FAF et la Ligue portent également une responsabilité dans le «crime» d’Ébossé. Les sanctions contre les auteurs de violence qu’ils soient clubs, supporters ou dirigeants, sont prononcées sur des critères subjectifs et tenant compte de l’instrumentalisation du sport. On tient compte de la région, de la « stature » du club, de sa prétendue popularité. Ainsi les sanctions contre Saida ne sont pas aussi clémentes que celles contre la Saoura par exemple pour des raisons évidentes de politique, ou contre le MCA, de par la peur de réaction des Chnaouas.

L’absence de réaction contre les déclarations fracassantes de certains dirigeants de Football et même joueurs, sur des matches arrangés ne fait qu’encourager le phénomène, source majeure de la violence dans les stades. L’absence de sanctions exemplaires et de protection des arbitres, génèrent des confrontations où l’arbitre constamment sous stress permanent devant la « stature » de l’équipe sur le terrain, lui fait faire des fautes, malgré sa volonté sincère. Que dire d’un Haimoudi qui fait sensation sur le plan international et qui parfois est contraint de faire des fautes de débutant sur les terrains nationaux ?

Enfin, l’État endosse une grande part de responsabilité. C’est lui qui permet à ces dirigeants de s’accaparer le football et à en faire un tremplin politique et une source d’enrichissement. A force de distribuer de l’argent, d’assister les clubs pourtant professionnels au sens de la loi, il encourage la voracité des « requins » qui trouvent dans la manipulation des « ultras » un moyen de se maintenir à la tête des Clubs. A travers ses Entreprises, à l’image de SONATRACH, Tassili Airlines, Mobilis….. et ses Walis, il instrumentalise le Football pour une paix sociale éphémère. Cette stratégie commence déjà à agir en boomerang. Elle génère la violence. Elle génère le crime. Elle a assassiné Ébosse.

Arrêter le championnat ? Jouer à huis clos permanent ? Non, cela ne peut constituer la solution. La solution est dans l’assainissement du secteur des sports en général et du football en particulier. Revenir à l’orthodoxie de gestion.

djillali@bel-abbes.info