SAID DJABELKHIR OÙ LE RATTRAPAGE JUDICIAIRE

Après une condamnation très lourde de trois années de prison ferme, Saïd Djabelkhir vient d’être acquitté par la cour d’appel d’Alger.

Ceux, nombreux, qui, à juste titre, avaient crié au scandale provoqué par “un jugement absurde et infondé” et qui ont condamné la justice de la manière la plus sévère, se taisent quand, aujourd’hui, cette même justice rétablit le bon droit. Comme toujours, ces esprits chagrins ne voient que le mauvais côté des choses. Pris dans leur propre piège,ils ne broient que du noir. Cela se comprend, il ne sont que des militants alors qu’ils se prennent pour des intellectuels. Et tant mieux s’ils se taisent. Ils ne bénéficieront d’aucun crédit, sinon.

Aujourd’hui, seule la voix du concerné compte; ni celle de ses procureurs, ni celle de ses avocats. Et voici ce qu’il dit textuellement de l’arrêt de la cour d’Alger qui l’a acquitté:” C’est une première dans le monde arabe et le monde musulman qui dit que la pensée libre est un droit, que le débat d’idées ne doit pas être judiciarisé et que les tribunaux ne sont pas l’endroit idéal pour celà”. Dont acte.

Ceux qui se nourrissent de la charogne ne parleront jamais de la sorte. L’objectivité, l’honnêteté intellectuelle et la voix de la raison ne servent pas leurs agendas quand ils sont malins et ils ne s’accommodent pas avec leur inculture dans le cas contraire.

Il est vrai que le procureur du tribunal de sidi M’hamed ne devait pas poursuivre Saïd Djabelkhir pour ses avis qui ne nuisent pas à l’intérêt général même s’ils choquent le sentiment public, car il s’avère maintenant qu’il n’y avait aucune opportunité à le faire. Et si le procureur l’a fait, emporté par la foule, le juge qui avait la main lourde ne devait pas condamner, car il s’avère rétrospectivement que son jugement n’avait pas de base légale. Mais, hélas la justice est partout ainsi faite.

Elle est ainsi faite: humaine et faillible. Mais perfectible. Jusqu’à un certain degré. Le second degré.

C’est ce qui c’est passé dans le cas Djabelkhir. Le juge unique de première instance s’est trompé dans l’appréciation et la qualification des faits reprochés à l’accusé et dans l’application du droit. Mais la cour d’appel, dans sa composition collégiale et plus expérimentée, l’a déjugé et a rétabli le droit. Comme aucune autre justice arabe ou musulmane ne l’a fait, si l’on croit la personne concernée elle-même qui est certainement au courant plus que tout autre de ce qui se passe ailleurs dans notre monde.

La justice des hommes est faite de présomptions et de fictions juridiques, parfois contradictoires. C’est une malédiction de laquelle elle ne peut se défaire sans être à la fois inefficace et injuste. Présomption de faillibilité du juge et présomption d’infallibilité de la justice. On établit plusieurs degrés de juridiction et quand toutes les voies de recours sont épuisés on considère que le jugement a acquis la force de la chose jugée, et que de ce fait la vérité judiciaire est dite. Et on se doit de l’accepter comme absolue. Et on clos définitivement le dossier.

Faute de pourvoi en cassation de la part du procureur général de la cour d’Alger (et je parie qu’il ne s’y pourvoira pas), la vérité judiciaire à propos des propos de Saïd Djabelkhir est dite. Mieux que cela, un jurisprudence est née et un principe qui peut guider les autres juges est établi. Ce principe relevé par le justiciable Djabelkhir annonce qu’il n’est pas de bon droit de judiciariser les débats d’idées mêmes quand elles sont choquantes et transgressives, et que la liberté de la recherche est sacrée.

Que veut-on de plus.

Reste néanmoins une autre vérité à souligner. Si Saïd Djabelkhir n’est pas condamnable légalement pour ses propos, qu’il le soit ou non moralement et culturellement, la question reste pendante. Il doit savoir faire le distingo entre le statut de chercheur qui est le sien et celui du réformateur qu’il prétend être. Reformer en une partie seulement une croyance millénaire, partagée par des centaines de millions d’individus, est une oeuvre exceptionnelle dont seuls peuvent être capables des hommes d’exception. Surtout pas des nains qui, croyant réformer l’Islam, veulent le façonner en fonction de leur fantasmes, c’est-à-dire l’occidentaliser, le dénaturer et l’avilir. Si on peut, et même on doit, accommoder une règle de droit positif aux impératifs de la modernité, on doit faire très attention quand il s’agit d’une règle religieuse d’émanation divine. On peut jouer d’une loi profane, mais on ne peut pas jouer d’une loi sacrée. Et si on transgresse cette règle, on est forcément en faute, et donc blâmable.

* Prière de faire attention au “Que qui précède le “vive”, avant de penser à tirer aux boulets rouges.