Le docteur Abdelkader AZZA était un intellectuel de renom. Il naquit à Sidi Bel Abbes le 5 décembre 1905. Il grandit dans une atmosphère d’attachement à ses racines. Le jeune enfant est, en ce début du 20ème siècle, parmi les très rares à être admis à l’école. Faisant figure de privilégié, il fréquenta l’école primaire (école Marceau de Sidi Bel Abbes), puis fit des études supérieures à la Médersa de Tlemcen puis celle d’Alger. Il obtient à 24 ans une licence d’arabe à la faculté de Paris et commence alors une carrière professionnelle comme professeur d’arabe à l’école Sonis puis comme professeur au collège colonial à partir de 1929. Il est alors le premier Algérien à occuper la chaire d’arabe dans ce collège, qui deviendra en 1936 le lycée Laperrine. Il restera enseignant dans ce lycée plus de vingt années. Sa carrière professionnelle commence donc en 1930, année au cours de laquelle les colons commémorent avec arrogance les fêtes du centenaire avec un faste provocateur. De façon générale, les populations algériennes vécurent ces fêtes avec un profond malaise. Même les rares bourgeois indigènes ” intégrés ” et les notables musulmans les plus acquis à l’administration coloniale ne purent cacher leur gêne et leur embarras devant l’étalage impudique des manifestations des colons. Cela est encore plus vrai pour Sidi Bel Abbes qui célèbre, en plus des fêtes du centenaire de l’occupation d’Alger, le centenaire de la Légion étrangère. Dans ce berceau de la légion, les manifestations sont encore plus arrogantes et plus provocatrices qu’ailleurs.
LE jeune Abdelkader AZZA, comme les très rares lettrés et notables indigènes de la ville, vit l’étalage de la puissance coloniale comme une sourde et douloureuse humiliation. Un indigène lettré, aussi modéré fût-il, ne pouvait rester insensible aux provocations des colonisateurs qui rappelaient aux Algériens leur état de vaincus. Intellectuel indigène, il se posait, souvent malgré lui, comme le représentant de ses coreligionnaires. Et, de fait, dès 1932, en réaction probablement à l’attitude impertinente des colons, Abdelkader AZZA sera l’un des fondateurs du premier cercle culturel musulman de Sidi Bel Abbes. On n’a pas assez d’informations sur les activités de ce cercle culturel musulman. Il a du être très prolifique. Mais on peut cependant s’interroger sur les éventuels rapports qu’auraient eu ce cercle et le professeur Abdelkader AZZA avec le mouvement islahiste (réformiste), très dynamique à cette époque dans diverses régions du pays. C’est, en effet, à cette époque (1934-35) que cheikh Mustafa Benhalouche vint s’établir à Sidi Bel Abbes en qualité de Alem (savant), chargé de propager la doctrine de l’Association des Oulémas réformistes algériens. Le cheikh tentera de sensibiliser la population aux idées de l’Islah. La population indigène, en majorité prolétarienne, était, dit-on, peu sensible aux discours des confréries maraboutiques, mais plus près des slogans des syndicats de travailleurs. Mustafa Benhalouche y anima toutefois de nombreuses causeries sur l’islam, l’éducation de la jeunesse, la nécessité d’apprendre la langue arabe et le Coran.
Y aurait-il une relation entre cet enseignement du cheikh Benhalouche et l’initiative prise quelques années plus tard par le professeur Abdelkader AZZA de lancer l’Association El –Irfane pour venir en aide aux étudiants musulmans nécessiteux. ? Quoi qu’il en soit, Abdelkader Azza, en dehors de ses activités culturelles, son activité politique n’était pas encore très définie. Il faut attendre la création de l’UDMA, en 1946, parti des notables et des intellectuels indigènes, et aux positions politiques modérées, pour émerger.
QU’EST-CE-QUI qui explique cet attrait relativement tardif pour la chose politique. A-t-il été choqué par les massacres du 8 mai 1945 ? Probablement. Se sentait-il plus proche, intellectuellement, de ce courant modéré et moderniste ? Certainement. A-t-il été séduit par le nouveau programme politique développé par Ferhat Abbes ? Surement.
Le programme préconisait une solution pondérée au problème algérien : ” Ni assimilation, ni nouveau maître, ni séparatisme. Un peuple jeune, faisant son éducation démocratique et sociale, réalisant son équipement industriel et scientifique, poursuivant son renouvellement intellectuel et moral, associé à une grande nation libérale “.
UNE année plus tard, en 1947, Abdelkader AZZA réussit à se faire élire au conseil municipal de la ville, où le maire communiste René Justrabo avait comme adjoints AZZA, Goelli, Villela, Laguer, Benamou. Au sein de l’assemblée, il y avait Ben Hassaini, Ouhibi, El Haina, Adim, Bénali, Badsi, Abrous et autres conseillers municipaux. L’activité du militant intellectuel au sein du conseil municipal de la ville a été caractérisée par ses efforts pour promouvoir l’éducation et la formation de la jeunesse indigène. Les archives de la ville gardent le document de la motion proposée par Abdelkader AZZA et adoptée le 15 avril 1947 par le conseil municipal de la ville. Le texte de cette motion nous renseigne sur la situation de la jeunesse indigène de la ville à cette époque et aussi des préoccupations qui agitaient le professeur Abdelkader AZZA : ” Vous n’êtes pas sans avoir remarqué le grand nombre de yaouleds (enfants) qui circulent à travers la ville, vivant livrés à toutes les tentatives malsaines, désœuvrés, déguenillés, misérables, bruyants. Nul ne se soucie de porter remède à leur situation et tout le monde se plaint de leurs méfaits, de leur humeur chapardeuse, de leur effronterie, de leur insistance, véritable plaie sociale. Leur nombre va croissant d’année en année. Dans leur tendre jeunesse, ils n’ont pas trouvé place dans les écoles et des parents ignorants et insouciants les ont abandonnés à la rue. Ils ont conquis cette rue, les boulevards et les marchés, les cafés, la ville, toute la ville. C’est le tribut que paie au système colonialiste l’Algérie, qui devient progressivement un peuple de mendiants faméliques et misérables. De beaux projets touchant l’enseignement des Français musulmans ont vu dernièrement le jour. Ils concernent la jeunesse de demain, dont ils n’absorberont la totalité que dans vingt ans. Mais, pour le passé, pour le présent immédiat, l’administration n’envisage rien de précis, sinon des opérations policières. Elus conscients de la population, nous sommes obligés de nous pencher sur ce problème social de l’enfance déshéritée, de l’enfance malheureuse. L’enfance et la jeunesse, c’est le peuple, c’est l’Algérie de demain “, clamait l’intellectuel. En 1957, contraint à l’exil puisque repéré par la police coloniale, il quitte sa ville natale pour la France d’abord, puis le Maroc ensuite, pour occuper le poste de responsable du FLN pour le nord du pays et enseigner. Une fois la souveraineté reconquise, Abdelkader AZZA retrouve Sidi Bel Abbes. Il a alors 47 ans et une solide expérience qu’il met au service des enfants de sa ville en tant que proviseur du lycée El Djala, dès la rentrée scolaire 1962-63. Abdelkader AZZA poursuivit dans l’Algérie libre sa mission d’éducateur.
EN termes de productions littéraires, et en dehors de son activité avec l’UNESCO avec laquelle il a longtemps collaboré, Abdelkader AZZA, qui a été docteur es-lettres à la faculté des lettres d’Alger, après avoir obtenu à La Sorbonne la mention ” honorable “, s’est livré à l’enseignement des sciences ethnographiques et ethnologiques. Comme productions littéraires, nous citerons le roman ” le pacte de sang ” SNED Alger 1984, ” Nouvelle nuit sur M’léta ” paru en juillet 1947 chez Forge revue périodique et ” Mostéfa Ben Brahim, barde de l’Oranais et chantre des Beni Ameur ” SNED Alger 1979
LE militant et intellectuel Abdelkader AZZA s’est éteint le mardi 19 avril 1967 dans la maison qui le vit naitre. Il a été enterré le mercredi 20 avril après la prière du dhohr au cimetière de Sidi Bel Abbes. ” Sous un ciel maussade, il pleuvait ce jour-là sur Sidi Bel Abbes jusqu’au cimetière ” . Il a été accompagné à sa dernière demeure par une foule nombreuse dont des enfants du lycée, l’âme en peine. Un an après sa mort, son nom a été écrit en lettres d’or sur une plaque en marbre qui désigne le plus ancien lycée de Sidi Bel Abbes.
Tous les anciens élèves du lycée sont cordialement invités à la journée-hommage dédiée au docteur Abdelkader AZZA, son parcours militant, son itinéraire d’enseignant et d’encadreur et sa production littéraire.
Soyez nombreux le mardi 13 novembre à partir de 14 heures à l’auditorium du rectorat de l’Université Djillali Liabes, route de Sidi-Lahcen Sidi Bel Abbes.
Ps : Chacun aura compris que nos frères expatriés n’auront pas la chance d’assister à cette manifestation. Mais nous avons tenu quand même à leur adresser cette invitation pour les garder informés des activités liées à la vie du lycée.
Le président : Benyahia LAKHAL.
* Bien qu’en grande partie publiée dans notre article daté 11 Avril 2012 , journée phare de baptisation du lycée El Djala à Azza abdelkader , cette biographie de Azza Abdelkader nous a été adressée par Monsieur Lakhal Benyahia bien avant la tenue du seminaire portant le thème “Azza Abdelkader et la poésie populaire” qui a été organisé au niveau du rectorat de l’UDL , le 13 novembre 2012 et que nous avons couvert (voir article du 05/12/2012 ) , malheureseument l’émail a attéri dans la partie “Spam” ce qui nous empéché de le lire à temps pour le publier avec l’article en question mais nous profitons de la journée du 5 décembre, journée de naissance de ce grand homme pour perpétuer son oeuvre d’édification d’une nation libre.