HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION ALGÉRIENNE : WILAYA 5-MANTIKA -2 – NAHIA- KASMA-FIRKA-FAOUDJ-BENISAF – LA BATAILLE DES M’KADIDS

Pendant la période de la guerre de la révolution armée en Algérie, et plus particulièrement au niveau de la région de la circonscription de Benisaf, plusieurs batailles entrant dans le cadre de la guerre de libération sous l’unique organisation politique qu’est le FLN et sa composante armée l’ALN ont été déployées Les faits sont réels bien que reconnus par l’indisponibilité des archives pouvant retracer l’exactitude des événements( acteurs-stratégie-organisation-plan d’attaque-logistique-information- décision politique…) . Notre propos et notre examen portent sur la « bataille de m’kadides » une grande bataille guerrière qui avait eu lieu durant la saison d’été 1956 selon des témoignages cités en références. Des recherches ont été effectuées par l’Organisation des Anciens Moudjahidines, les cadres du musée de Benisaf et des historiens. Ils vont être présenté dans cette présente contribution pour embellir le coté culturel de l’histoire de la ville de Benisaf. Une ville révolutionnaire dans le sens large du terme. Cette contribution est inspirée de l’article paru dans la revue du 1er novembre N°166 et d’un document du musée de Benisaf résumant la bataille.

La géographie du site
La bataille s’est déroulée dans un Douar nommé « douar M’kadid » un petit bourg .Un bourg est une agglomération avant tout rurale moins importante qu’un village, c’est en quelque un hameau, l’importance symbolique, économique ou politique du bourg a pu évoluer au fil des temps et le terme même a changé de sens . Ainsi, en région d’habitat dispersé, notamment dans les régions bocagères, ce hameau était rattaché à la commune de Benisaf depuis l’époque coloniale.

Au niveau de l’organisation de FLN, le découpage administratif a atteint le hameau des M’kadids, il se situait dans la section 3 de la zone 2 de la wilaya 5. Le lieu ou s’était déroulé la bataille, est dans un espace de terre agricole dépourvue d’arbres, quelques cactus ( sabars) sauvages, buissons de palmiers nains, ou arbres fruitiers appartenant aux habitants du douar M’kadides. Les habitants de ce douar étaient composés de familles comme les Ouled Ben Hadou, Ouled Kadri, El Hassasna, Ouled Benrahou , Ouled Fekih…. qui vivaient dans un cadre et contexte traditionnel ,ils cultivaient de la culture maraichère , du blé et de l’orge faisaient de l’élevage et leurs excédents s’écoulait dans le marché situé à Benisaf , afin de leur permettre d’acquérir d’autres biens utiles et nécessaires .

Le lieu géographique du douar se situe en dessous du Mont « Skouna » et du cimetière « El Bayda », une position stratégique qui fait face à la route nationale qui relie Oran –Tlemcen. Le choix a été conçu par les stratèges de la révolution, ou ils ont pu mettre en place des caches sous terraines dés 1955, destinées pour préparer d’éventuelles embuscades, faire face aux combats, lieu de répit et stocker aussi le matériel logistique nécessaire au combat.
Le centre de commandement était localisé d’après les témoignages, dans le lieu d’habitation de la famille Kadri Kouider et le second chez Ouled Fekih et le troisième chez Ouled Ben Hadou. C’est à partir de ces centres de commandement que la liaison entre les différents douars et villages se faisaient afin de tissait la toile d’organisation des éléments du FLN et de l’ALN de sorte à couvrir, sensibiliser et de mobiliser l’ensemble de la société vivant dans cette géographie détenue par le colonisation.

ALN( Armée de Libération Nationale)
La constitution d’une unité spéciale de l’ALN qui a participé à cette bataille des M’Kadides était de deux groupes .
*Le 1er régiment sous l’autorité du chef le martyre Abdelkader Ouled Mustepha alias Si Marouane avec son suppléant El Moudjahed Zenasni Ahmed. le groupe était composé de 19 Moujahids.
*Le 2ieme régiment regroupe huit Moujahids sous l’ordre du martyre Si Tayeb.
Ces deux régiments avaient comme lieu de rencontre, les caches situées dans les parages du douar.

La militarisation des régiments
Le matériel militaire dont possédait ces deux régiments de la résistance, n’était pas très consistant ni efficace. Ils avaient en leur possession une mince logistique très élémentaire qui ne permettait pas de faire face à une grande bataille. Des fusils de chasse, des armes à feu genre pistolets, des grenades à main et autres grenades incendiaires genre Molotov, c’était cette logistique défensive qui devait être mise en action face à un ennemi suréquipé c’est le cas dans cette dite bataille.

Vu la situation sécuritaire, la situation climatique, la situation géographique les deux groupes ont fait leur apparition aux alentours du douar « El M’Kadids ». Les services de surveillances de la résistance de la dite zone leurs ont indiqué de quitter immédiatement les lieux et se diriger vers le douar El-M’kadides pour éviter tout affrontement avec l’ennemi dans des conditions qui ne prêtent pas de donner de bons résultats de combats.
Devant cet état de fait, le déplacement du groupe sous l’ordre de Si Marouane( AEK Ouled Mustapha) avec les 19 Moudjahidines depuis le centre de commandement de Ghar El Barou ( village situé en amont de la ville de Benisaf , sur le flanc du mont Skouna), situé dans les parages distant de prés de 5KM du douar El M’Kadids .Ce centre était sous le commandement de Senouci Ibrahim.

Un message leur ait parvenu du responsable politique nommé Sandid Kadour de la zone de Targa ou il leur a été signifié de quitter en urgence le centre de Ghar El Baroud et se diriger vers Oulhaca sous le prétexte que l’ ennemie est en train de préparer un grand et large ratissage de cette zone.

Le groupe s’est déplacé conformément aux directives du message du responsable politique au moment ou ils sont arrivés au lieu dit des Ouled El Habib sis ferme du colon « Barette », le groupe a constaté un déplacement anormal de l’ennemi, en train de faire un ratissage de la zone. Le commandant du groupe AEK Ouled Mustapha et son adjoint ont décidé de faire demi-tour et revenir à leur point de départ. Et c’est dans le douar M’Kadides qu ils se sont fixés dans des caches de la résistance, delà ils essayaient d’épier la situation des mouvements de l’ennemi
Par ailleurs le deuxième régiment sous le commandement du martyre Tayeb, ce groupe était centré du coté de Oulhaca au niveau du centre de commandement sous la responsabilité de Bouziane AEK. Il a du lui aussi quitter les lieux pour la meme raison que celui de Ghar El Baroud.Ils se sont dirigé eux aussi vers le centre du douar El M’Kadid.

La situation dans le douar paraissait normale, la surveillance a été redoublée d’effort mais RAS .Le lendemain, jour de la bataille, dans la matinée, le temps était brumeux, la vision devenait très difficile et la surveillance a trouvé des difficultés pour épier tout effet paraissant anormal. Pendant que le brouillard matinal se dissipait, des choses anormales commençaient à se faire dessiner au loin des parages , c’était déjà un encerclement du douar par l’armée française ; chacun des deux groupes avait pris ses positions de défense ; l’un dans le centre( maison) de Kadri Mohamed et le second le centre de Boumahrass Kadri Bouazza .La distance séparant les deux groupes n’était aussi importante, chacun des groupes s’est conforté dans son campement en prenant toutes les dispositions éventuelles de défense en cas d’assaut de l’ennemi.

Au milieu de la fin de la matinée, la brume s’était consommé, le bruit des engins de l’ennemis se faisait entendre de plus bel, et l’encerclement commencer à se manifester des quatre coins du cite du douar. Il s’est fait savoir par la suite que cette opération a été conçue et préparée sur la base d’informations d’ un traitre du douar qui a fournis les renseignements importants à l ennemi .Le mouchard n’était en fait que le propriétaire de la maison ou les moudjahidines étaient regroupé, sachant que l’ennemi a fixer la mise à prix selon la nature de l’ opération c’est-à-dire pour ceux qui dévoilent un moudjahid, un responsable ou un groupe de moudjahidines.
Comment s’est comporté le groupe !

Devant cette situation, les responsables des deux groupes de résistants ont procédé à un examen exhaustif pour dégager un plan judicieux c’est-à-dire la meilleure option à entreprendre afin de limiter le minimum de perte en vies humaines, sans que les deux groupe ne soient au courant de la présence de l’un comme de l’autre. L’option de la bataille a été analysé de fond en comble d’un coté comme de l’autre groupe, de même que la géographie de l’endroit ou le déficit d’arbres complique encore plus la situation pour d’éventuelles tactiques d’avancement ou de retrait enfin le schéma militaire a été passe au peigne fin. Aucun tir a feu n’était toléré jusqu’à ce que l’ennemi attaque le premier.

Début de la bataille
Le premier groupe a constaté qu’ils étaient assiégés de tous les cotés et que la possibilité de faire des retraits devenait presqu’impossible. Le début de la bataille commençait sur un front ; celui du premier groupe, le second ne savait pas que des moudjahidines se trouvait dans le douar et c’est au début de la bataille que le second groupe a eu connaissance et essayer de prendre contact afin de mettre au point une stratégie commune de défense. Le groupe qui était sous commandement de martyre Marouane avait supporté toute la charge de l’ennemi pour couvrir en quelque sorte le second groupe afin de l’épargner une fois qu’il a eu connaissance de la présence de ce deuxième groupe. Enfin de compte ce groupe de Marouane le martyre a perdu la totalité de ces éléments.
Situation du premier groupe

Ils ont constaté que le premier groupe a été totalement éliminé par l’armée française, vue l’état d’encerclement mais aussi aucune issue n’était disponible pour faire des retraits pouvant échapper pour au moins une partie d’en eux , aucune solution pour échapper à cette encerclement n’était possible . Par conséquent, ils ont gardé leur position à l’intérieur même des maisons du douar des M’Kadids jusqu’ a nouvel ordre. L’ennemi a procédé à des jets de grenades à main à l’intérieur même des maisons, le moudjahid Tayeb AEK était le premier a être tombé en martyre. La réponse des moudjahidines étaient plus intense avec le peu de moyen qu’ ils avaient en possession, Chahbouni Habib Ouled Mohamed avec son arme( pièce à rafale) se cachait derrière un cactus( Sabar), il tirait a bout portant sur les soldats français dont un nombre appréciable selon des témoins ont été tués ou blessés , il a fallu l’arrivée de l’aviation pour l’arrêter, mais un avion a eu quand même une balle qui avait percé son réservoir de carburant car il planait à très basse altitude , cet avion s’est écrasé parait il dans le quartier général de l’armée française de Monrovia sis au plan 2 de Benisaf .

Ceci a permis des deux cotés de changer de tactique afin de minimiser le cout humain. Mais le combat s’est renforcé davantage. Un retrait de l’armée française s’est opérée pour laisser l’aviation terminer les restes du combat.
L’aviation avait semé des quantités importantes de grenades suivie de tirs de rafales sans interruption sur les positions des moudjahidines, ce qui a provoqué des pertes conséquentes du coté des moudjahidines morts et blessés.

Devant cette situation les moudjahidines se sont retrouvés pris au piège, sans issue de sortie à part du coté de l’oued qui longeait le douar. La bataille s’est poursuivit jusqu’à la tombé de la nuit.
Le second groupe a la veille de la bataille, ils se sont retranché dans une maison d’un habitant du douar pour se préparer à faire une mission. Malheureusement, le propriétaire de la maison a trouvé le moyen d’ aller vers l’ennemi se trouvant à sidi safi pour leur indiquer la présence des moudjahidines, alors qu’il lui a été demandé une mission ,celle d’ exécuter sous l’ordre du Front le garde champêtre de la région . Les moudjahidines se sont rendus compte après sa longue absence et ils ont quitté l’endroit avant même l’arrive de l’ennemi pour se diriger vers la maison de Bouazza qui était avait plus d’assurance et de garantie.

Le lendemain jour de la bataille, après que la brume fut balayé, et avant le début de la bataille ils ont constaté l’état d’encerclement par l’armée française .Ce groupe était sous la responsabilité du responsable politique du front Mohamed Bel abbés, il leur a donné les directives du combat et leur positionnement, suite à une visite des lieux. Il s’en est aperçu après le déclenchement de la bataille qu’un groupe (premier) était dans les parages du douar c’est-à-dire après le premier tir venant du douar vers l’ennemi.
Ils ont combattu ensemble avec acharnement ,sous une même tactique défensive, une façon pour montrer à l’ ennemi qu’ il y avait aussi un autre groupe de Si Tayeb qui combattait aussi et se diriger vers l’ennemi, il s’en est forcé de faire une ouverture tout en tuant deux soldats ennemi , et pour se faufilant vers le rivage de l’ oued ce qui leur a permis de se sauver sain et sauf.

Bilan de l’ opération
Le bilan de cette bataille des M’Kadids s’est soldée par une perte très importante de moudjahidines soit 15 moudjahid au total, qui ont laissé leur peaux, dont A.E.K Ouled El Mustapha dit Marouane et Bentrari kada et Salmi Ahmed ceux qui se sont échappés sont Zenasni Ahmed et Soussi Mohamed (blessé).

Les Représailles de l’ennemi
Le lendemain de la bataille, l’armée française a procédé à un large et crapuleux ratissage des lieux de tous les parages du Douar des M’Kadids, elle a détruit, incendié , ravagé, ruiné et endommagé tout ce qui est utile à la vie ,dans leur passage et dans le même temps, il ont déplacé toute la population rurale vers un camp de concentration qui se trouve en face de leur poste de commandement ex. école de la plâtrière.
Certains prisonniers ont été fusillés sur place. Les martyrs de cette bataille qui étaient sous le commandement de martyre Ould El Mustapha dit Si Marouane sont :
*Zenasni Kouider-* Attar Mustapha-* Chahbouni Lahbib ouled Mohamed mezziane-* M’rabet Mohamed-*Adaci Miloud -* Boubaker Lahbib-* Kadri Ahmed-*Boutayeb AEK-*Kadri Mohamed-*El Louarssoussi Mohamed-*Belabid Youcef-*Kadri-* et dix autres martyre non identifiés
Les prisonniers étaient :
Bentrari Kada-* salmi Ahmed et les rescapés Zenasni Ahmed et Soussi Mohamed.

Témoignages
Le récit de la bataille a été rapporté par les temoignages du moudjahid :
* Hadj Abderrahmane Mohamed ne en 1932 à benisaf militant du PPA il était sous l ordre de Si Hocine ouled Si Allal membre de l’association des oulémas .il a rejoint le FLN en septembre 1953. Il est encore en vie.
*Zenasni Ahmed alias Djaafar né 25-11-1931 Benisaf rejoint le FLN en décembre 1954 en qualité de Fidai il était sous l ordre de Si Marouane ensuite il a été incorporé dans l’ALN en tant que djoundi

Conclusion
La bataille d’El-M’kadids a bien eu lieu, dans la géographie bien ciblée , c’était une grande bataille ou l’aviation avait participé vu son importance , les causes du déclenchement de la bataille par l’armée française sont dues certainement à partir d’une délation ou plus exactement d’une dénonciation par des harkis , le fil et la stratégie du déroulement de la bataille reste toujours un fait historique étrange dont seul l’administration détentrice des archives de cette dite bataille ; pourrait éventuellement dévoiler la nature et les causes du déroulement de cette même bataille .les Moudjahidines tombés dans le champs d’honneurs du Douar M’Kadids sont bien connus . Le peu des rescapés, ne sont plus de ce monde et ceux qui ont assisté visuellement à la bataille ne peuvent fournir les éléments de réponses que les historiens devront prendre en charge, la remise des archives par la France serait un atout majeur pour la réécriture de l’histoire car l’oralité des choses sont marqués par du subjectivisme flagrant teinté d’un sentimentalisme profond. La bataille n’était que la finalité de tout un processus de stratégie, de tactique, de logistique, d’occupation de géographie, de liaison de responsabilité du haut jusqu’au bas niveau il ya aussi le contexte politique période de Guy Mollet-J.Soustelle-R.Lacoste……l’histoire devrait prendre en charge tous ces angles et concepts pour mieux objectiver le fait et positiver l’événement.
BENALLAL MOHAMED
-Source : Bataille du Douar El M’Kadids revue en arabe 1er Novembre N° 166.
-Documents sur la bataille du Douar El M’Kadids –musée du Moudjahid de Benisaf.