UN COMMIS D’ÉTAT QUI SORT DE L’ORDINAIRE

Elles sont de trois catégories les attitudes des citoyens vis-à-vis des autorités publiques:

– Il y’a celles des insatisfaits chroniques aux yeux desquels rien ne peut avoir grâce, même si, comme disait ma mère, ils les nourrissaient des bouts de leur chair.

– il y’a celles des ceux qui donnent blanc-seing à tout venant dans le seul espoir de tirer des dividendes.

– Et il y’a l’attitude de ceux qui ne jugent que sur service fait, sur bilan. Prudents et circonspects, ils ne jugent jamais avant.

Les premières ont besoin d’être soignés, car tout ce qui est chronique est maladif.

Les second doivent être combattus, car il sont les faiseurs de dictateurs.

Et les troisièmes, femmes hommes, sont à écouter car ils sont du côté de la raison et de la sagesse.

Cette idée de catégoriser les citoyens et d’isoler les sages d’avec les grognons, c’est un ami qui me l’a inspiré il y’a de cela peu de temps quand, dans une salle d’audience ou nous avions senti l’ennui qui y pesait et que nous voulions le casser en commentant ce qui fait la une de la cité: l’hyper activisme de son nouveau venu.

Il est sur tout les fronts ce franc-tireur qui, touché par le syndrome du crocodile, ne sait pas faire marche arrière. Il ne se gêne pas de marcher dans la boue qu’il a trouvé partout lors de son arrivée. Il ne se gêne pas non plus à mettre la main dans le sac poubelle quand, donnant l’exemple à la population, il accompagne les jeunes dans les opérations de nettoyage de leurs quartiers. Il parle avec l’autorité qu’il faut aux nababs qui faisaient baisser les yeux aux plus hauts commis de l’état et il parle aux administrés avec la modestie qui sied à leur serviteur. Il sort, sans fanfare, dans la discrétion de l’aube ou de la nuit, inspecter les lieux et les villages longtemps désertés par ses prédécesseurs.

Très longtemps déçu, le peuple a fini par ne plus croire en la politique et en ses hommes. À Sidi Bel Abbes où il a eut comme chargés de ses affaires deux ex-wali condamnés comme faisant partie de la “3issaba” (gang) et une troisième qui n’a laissé derrière lui que des mauvais souvenirs, il se trouve d’un coup en face d’un nouveau responsable qui étonne, qui détonne, qui semble réussir le pari impossible de réconcilier le citoyen avec les responsables politiques, et dont l’attitude et le comportement contrastent totalement avec ceux que les autres avant lui ont laissé comme souvenir.

Il n’y échappera pas. Lui aussi est en train de subir la loi d’airain mentionné au début et qui relave de la fatalité pour tout responsable. Il a ses grognons, les insatisfaits chroniques qui trouvent que tout ce qu’il fait n’est que du cinéma, qu’il ne tiendra pas longtemps et qu’il n’est en rien différent des autres. Il a aussi ceux qui lui ont déjà donné blanc-seing. Et il y’a ceux qui le jugent et le jugeront à la carte. Je trouve parmi ces derniers mes amis les plus sensés, des murs, des vrais citoyens avertis et même des hirakistes. J’en fais parti. Je juge au service fait et pour chaque jour je juge un bilan. Jusque là ça va.

Aux autres, je préfère cette saine attitude. Et, bien sûr, je me réserve, comme mes amis sensés, le droit de dénoncer le jour où ça n’ira pas. Mais en attendant, je ne dis pas comme certains: “qui veut aller loin ménage sa monture”. Non, je dirais pas ça, la ville, pour sa résurrection, ne peut pas se permettre de perdre plus de temps qu’elle n’en a perdu. Il faut aller très fort des le début. Et, pour qu’il ne lâche pas, le nouveau wali ne doit pas être refroidi par les critiques systématiques des insatisfaits chroniques. Il faut, comme un champion, applaudir ses bonnes actions au lieu de les huer. Dopé, épaulés, encouragé, reconnu, il sera plus fort, il donnera d’avantage, il s’empêchera de dévier et il sera obligatoirement reconnaissant.