Chronique du jeudi :«QUELLES SOLUTIONS POUR QUELLE VIOLENCE?»

Il a fallu attendre le drame Ébosse, pour que le phénomène de la violence soit à l’ordre du jour.
Pourtant, ce fléau n’a jamais disparu de la société algérienne depuis pratiquement les évènements d’octobre 1988.
La violence prise comme un «comportement répondant à une situation donnée» est d’abord d’essence psychologique. Elle peut être un moyen d’affirmation de soi, comme elle peut être juste une extériorisation d’un complexe refoulé. Mais, généralement, cette forme de violence s’exprime de manière individuelle. Quand le déséquilibre de la personnalité atteint le summum, il dégénère en maladie psychiatrique ou névrotique.
Le cas de la violence collective est beaucoup plus complexe. En effet, il cumule et les frustrations individuelles décrites partiellement ci-dessus, mais aussi les frustrations collectives de toute une société. Or, celles-ci sont d’ordres sociologique, économique, culturel et éminemment politique. C’est le cas de ce qui se passe dans les stades, les manifestations… La violence sur les routes est par contre individuelle mais dont les catalyseurs sont collectifs, ce qui explique l’ampleur du phénomène et de ses dégâts. Le summum de la violence collective se manifeste dans les Révolutions. Le degré de violence est proportionnel au degré de l’élément qui la provoque.
Les révolutions qui naissent sont violentes à l’extrême en réaction à des frustrations extrêmes imposées aux Peuples. La Révolution de Novembre 1954 était une réponse violente à toutes les injustices violentes commises par la colonisation.
Les violences observées dans les manifestations sont dues généralement aux comportements induits par les forces de l’ordre chargées de les réprimer. Combien de fois n’a-t-on vu des manifestations pacifiques dégénérer, parce que la réponse a été soit insuffisante, soit violente.
Pour revenir au sujet précis  –  la violence dans les stades  –   elle est de même essence. La frustration cumulée par les supporters trouve son antidote dans une réaction violente. La frustration commence d’abord par l’entrée au stade. Souvent, on constate que pour un stade contenant 45 000 places, une seule porte est ouverte, alors que l’architecte qui a construit l’enceinte en a prévu une multitude.
Ensuite, le comportement des services de police à l’entrée. La seule image de voir ces agents munis de «matraques» provoquent une frustration importante au sein de la masse. La réaction des supporters ne peut alors qu’être violente dans un face-à-face assimilé à un duel entre deux ennemis. La foule compacte et nombreuse se trouve étrangement liée par un seul objectif à atteindre: la victoire de son équipe. Quelque soit le prix. Si le but n’est pas atteint, la frustration assaisonnée à toutes les frustrations individuelles, s’exprime alors en violence. Contre tout ce que représentent ces forces de l’ordre, donc l’État.
Le troisième élément qui concourt à l’encouragement à la violence, est sans contexte la méthode de gestion des clubs. On n’a pas fini de ressasser que les clubs de football n’ont de professionnel que le nom. Ils tètent tous à la mamelle de l’État, ce qui constitue une rente pour des pseudo-entrepreneurs avides de richesses et autres opportunistes trouvant là, un moyen efficace d’une carrière politique les mettant à l’abri du besoin, pour le restant de leur vie, si ce n’est également pour leur progéniture.
Les clubs de football sont donc dirigés par des personnes qui ne connaissent même pas l’ABC du football, le seul objectif étant le résultat immédiat. En cas de non-atteinte du but et pour se déculpabiliser, l’alibi se trouve être l’arbitre, la commission d’arbitrage, et la ligue. Ce n’est jamais son équipe qui a mal joué, ni que l’entraineur a mal coaché, ou que l’adversaire soit plus fort. Le recours à la manipulation de franges de supporters par ces dirigeants à des fins inavouées est la source principale de cette violence.
Des présidents de clubs opportunistes et carriéristes, des entraineurs-mercenaires, des personnages douteux au niveau des ligues, des joueurs jouant plus aux starlettes qu’au football, sont les ingrédients de ce football qui ne génère que la violence.
Alors, Monsieur Hamid GRINE, ce n’est pas les séminaires, les rencontres, l’affichage, la publicité à a la  télé qui mettront fin à la violence. Ce n’est pas en mettant la charrue avant les bœufs que l’on règlera ce dramatique  problème de société.
Le supporter n’est pas dupe. Il réagit à des stimuli négatifs, par la négative. Il fait valoir ses droits à la justice, à l’équité, au respect de sa personne et à sa qualité de supporter.
Prenons le cas de celui qui a lancé l’ardoise contre Ébosse. Gageons que c’est une personne anonyme qui a du venir au stade par hasard, qui avait ras-le-bol de la mal vie, qui avait plein de problèmes et qui s’est défoulé en voulant plus s’exprimer que tuer quelqu’un. Il ne s’agit pas là de banaliser l’acte condamnable en soi, ni de déculpabiliser le coupable, mais juste pour dire que la Responsabilité du crime est solidaire. Du président du club, à l’entraineur, aux joueurs qui ont durant toute la partie contesté les décisions de l’arbitre, passant par une presse spécialisée pyromane ainsi que la ligue nationale, la FAF et le Ministère des Sports, donc l’État.
Pour vaincre la violence, il faut s’attaquer à son origine. Il faut impérativement assainir le monde du football en mettant en œuvre un cahier des charges rigoureux et contrôlé continuellement. Ce cahier des charges doit définir les critères d’accès au poste de dirigeant d’un club (critères intellectuels, footballistiques et financiers notamment) Il faut qu’il n’y ait plus de place pour les «présidents-manipulateurs-de-foule» Il doit exiger les sources de financement. La gestion des clubs doit être transparente et contrôlée par le fisc au même titre que l’ensemble des Sociétés commerciales. Je ne vois pas pourquoi, n’importe quelle société est lourdement pénalisée par des redressements fiscaux induisant parfois la banqueroute, alors qu’un club de football refuse de déclarer les joueurs à la CNAS et   ne payent pas d’IRG au vu et au su de tout le monde. A-t-on déjà vu un inspecteur des impôts, celui du travail, ou celui de la CNAS en inspection dans un club de football ? Je doute fort !
L’État doit se désengager totalement, ou alors enlever le qualificatif de « professionnel » et revenir à l’ère de la réforme sportive en mettant les équipes sous le parrainage des Entreprises Publiques. De ce temps, les joueurs recevaient leurs fiches de paie et payaient leur IRG et leur cotisation CNAS à la source.
Il ne sert à rien de dépenser des sommes astronomiques qui ne profitent qu’à un cercle restreints d’opportunistes en mal de prestige et de célébrité.
Enfin, il est impératif qu’une charte d’éthique soit établie pour la presse –notamment spécialisée – qui doit se contenter d’informer au lieu de supporter une équipe particulière, des joueurs particuliers, quitte à jouer aux pyromanes, avant de se mettre en premier à vouloir éteindre le feu.
A l’ère des réseaux sociaux qui s’avèrent une arme à double-tranchant  – réservoir de défoulement des frustrations, mais également moyen inégalable de mobilisation des foules –  le danger sur la sécurité du Pays est réel. Alors, il est temps de s’y mettre sérieusement au lieu de se focaliser sur des mesures superficielles, voire populistes. C’est là le prix à payer, le reste n’est que fioritures destinées à la consommation populaire.

djillali@bel-abbes.info