La richesse nationale est mal répartie, selon de nombreux observateurs.
Le taux global de pauvreté en Algérie a connu une baisse au moins de 6%, a annoncé le Centre national d’études et d’analyses pour la population et le développement (Cneapd) dans son rapport rendu public jeudi dernier. Cette étude, réalisée à la demande du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale, a pour but d’étudier le niveau de vie de la population et le calcul de la pauvreté en Algérie.
Toutefois, les observateurs de la scène nationale estiment que ces données restent loin de la réalité du terrain. Selon eux, la société algérienne est constituée de deux couches sociales: les riches s’enrichissent davantage et les pauvres s’appauvrissent de plus en plus. Justifiant leur point de vue, ces observateurs avancent, comme premier argument, que la richesse nationale est mal répartie. Selon eux, beaucoup de régions sont oubliées dans le plan de la relance économique.
Car, ajoutent-ils, une grande majorité de la population rurale et les zones enclavées n’ont pas bénéficié des aides de l’Etat, ni de la dynamique économique que vit le pays. Commentant les justifications avancées par le Cneapd, selon lesquelles le recul de la pauvreté en Algérie est dû, «à la diversification des activités et des projets économiques qui a ouvert de larges perspectives à l’emploi», les mêmes observateurs estiment que les employés rémunérés à 2500 DA/mois et les travailleurs du préemploi ne peuvent être comptabilisés parmi les Algériens qui ont résolu le problème de pauvreté, du seul fait du caractère précaire et du niveau «ridicule» de leurs rémunérations. Pourtant l’étude intègre les salaires comme un facteur de lutte contre la pauvreté. Et pour cause, les observateurs s’appuient sur un argument «imparable» contenu dans le dernier rapport du Conseil national économique et social (Cnes), qui retient que 7000 universitaires ont accepté des emplois rémunérés à 2500DA/mois. Selon leur logique, on ne peut contribuer à la régression de la pauvreté en rémunérant les travailleurs à 2500 ou 6000DA.
Dans une déclaration rapporté par l’APS, le directeur du Cneapd, M.Tahar Hocine, a précisé que cette étude, menée à la base avec une famille algérienne comptant une moyenne de 6,5 à 7 membres, a révélé que «les dépenses quotidiennes dépassent aujourd’hui les deux dollars», et ce durant la période comprise entre 2004 et 2006 sur un échantillon de 5000 familles algériennes réparties sur 43 wilayas du pays.
En outre, la même étude a révélé que près de 70% des familles algériennes sont nucléaires, (soit composées des parents et des enfants). La même source a affirmé que «la société algérienne tend à s’orienter vers la caractéristique de la famille nucléaire, notamment dans les villes.» S’expliquant sur les raisons de cette nouvelles tendance, M.Tahar a précisé que cela est lié essentiellement au niveau d’instruction, au revenu familial et au logement.
Cet état de fait renseigne paradoxalement sur la fragilité des familles urbaines face au phénomène de la pauvreté. En effet, les mêmes observateurs prennent cette évolution de l’organisation sociale comme un autre argument illustrant que les chiffres de la pauvreté annoncés par le Cneapd ne reflètent pas la situation réelle de ce phénomène en Algérie. Car, contrairement aux familles étendues, dans le monde rural, caractérisées par la solidarité traditionnelle, cette nouvelle tendance de la famille nucléaire, basée dans les villes, est moins solidaire. Elle est, donc, la plus touchée par la pauvreté, analysent-ils. Même le directeur des études au Cneapd a précisé que la famille algérienne dans les régions rurales entretient toujours «les traditions de la cellule familiale».
Tahar FATTANI