Chronique du jeudi: RENTIERS PAR CONVICTION, CORROMPUS PAR NÉCESSITÉ.

«Un enfant âgé de 13 ans trouvé assassiné et jeté dans un sac en plastique» La scène macabre s’est passée à Ben Badis. Ben Badis est un village comme tous les villages d’Algérie, peut-être même un des plus beaux. Il y a quelques temps on était obligé de le traverser dans toute sa longueur si l’on voulait rejoindre Tlemcen à partir de Sidi-Bel-Abbès. Depuis l’ouverture de l’autoroute Est-Ouest, je n’ai plus eu l’occasion de le traverser de nouveau et je ne sais s’il garde toujours ses belles demeures coloniales qui longent le grand boulevard. Je sais cependant que son équipe de Football se trouve en très bonne position par rapport aux autres clubs de la Wilaya qui ont une Histoire, à l’image du CRBSfisef, descendant de l’illustre WACML. Alors, ce village qu’on appelait Descartes du temps de la colonisation, qui était plein de vie par la cohorte d’intellectuels et de sportifs, qui a enfanté les Boutaleb, les Benaricha, les M’Rah, les Chibane, sans oublier les Chebs Anis et Yazid par adoption, comment a-t-il fait pour enfanter les tueurs d’enfants? Ce village où l’on ne pouvait supporter la vue du sang dans un accident de la route, où juste une plaie rendait toute la population du village larmoyante, devient subitement générateur de tortionnaires et assassins exhibitionnistes d’enfants! Par quel artifice, cela a pu se produire?
Ce qui s’est produit à Ben Badis s’est pourtant déjà produit à Constantine, à Oran et à…. Il risque de se produire encore et encore dans toutes les contrées d’Algérie. Peut-être même avec plus de bestialité, plus de cruauté. Dans une Algérie actuelle où les jeunes de moins de 25 ans ont tous été bercés, emmaillotés et allaités à l’hydre du terrorisme, où un grand nombre d’entre eux ont vu des têtes déposées tôt le matin sur les places publiques des villes et villages, où certains ont été pris dans des faux barrages où, alors qu’ils sont obligés d’écouter le sermon improvisé par un émir ignare s’imposant à la kalachnikov comme Mufti, ne peuvent s’empêcher de lorgner du coin de l’œil leurs compagnons de voyage se faire décapiter sans autre forme de procès par un terroriste repu de Captagon. Où il était normal d’éventrer une femme enceinte, extirper le bébé pour l’enfourner en tout sourire ; où il était courant de voir des corps écartelés et des cadavres piégés…
Dans une Algérie où les jeunes se retrouvent à la rue après plusieurs années d’études et un diplôme qui ne sert à rien parce que leurs Gouvernants ont décidé de se satisfaire de la rente du pétrole et n’ont jamais pensé à investir dans les investissements créateurs d’emplois et de richesses, il est naturel que les dérives prennent le dessus.
Dans une Algérie où les jeunes subissent trop d’injustice, de bureaucratie et se découvrent chaque jour victime de la corruption, où ils assistent impuissants à la dilapidation des ressources du Pays par des vampires rentiers fils du système, quoi de plus normal que les dérives contribuent à la formation de monstres!
Dans une Algérie où le cannabis est estimé désormais en tonnes, la cocaïne en kilos et les neuroleptiques en millier de comprimés, quoi de plus normal que la plus odieuse des mutilations paraissent comme une égratignure!
Dans une Algérie où sur mille élèves qui entament la scolarité, seuls 41 arrivent jusqu’au Baccalauréat, il est clair que les repères ont déjà été égarés.
Dans une Algérie où les ordures sont au seuil des maisons, où le tube digestif se trouve être l’organe le plus prolifique et le plus fonctionnel, où le travail est facultatif et le salaire obligatoire, dans cette Algérie, il est normal que les assassins d’enfants se concurrencent en cruauté, en bestialité, en horreur.
Le jeune algérien vit complètement dans un état second. Un état de transe. Hypnotisé par la misère, la mouise. Esclave de la vie facile et de revanche. Revanche sur le sort, sur le vécu insipide, sur l’injustice criarde, sur le luxe étalé par une certaine classe sans retenue, sans pudeur.
Dans sa conviction intime, il a été spolié de ses droits au bénéfice de la rente. Le travail devient alors facultatif, presque interdit, carrément «layajouz!» dans un pays où les malfaçons de l’autoroute, les scandales de SONATRACH sont considérés comme évènement normal, lorsqu’en Chine, M. Xu Yuan’an, le chef du Bureau de Gestion urbaine du district de Guangming à Shenzhen, s’est jeté d’un immeuble suite à un glissement de terrain qui a fait quelques morts….
Dans une Algérie où la bigoterie va jusqu’à susciter des pétitions contre la vente des boissons alcoolisées, alors qu’il suffit d’éduquer sa progéniture ; car si votre enfant consomme de l’alcool, ce n’est point la faute de celui qui la vend, mais la vôtre de ne pas l’avoir éduqué convenablement, autrement comment expliquer que des jeunes Musulmans en Europe et aux Amériques ne boivent pas, alors que le produit est presque gracieux et disponible à tous les coins de rue?
Dans une Algérie où l’on est corrompu par nécessité, rentiers par conviction et faux dévot par démagogie, on devient forcément monstre par égarement,
Alors, verser des larmes, se lamenter, s’étonner de l’assassinat de l’enfant de Ben Badis, ne sert à rien. Le mal est profond et l’issue est incertaine…. En cette période où dans une Algérie formatrice de monstres, s’ajoutent la crise du pétrole et la sécheresse…..

djillali@bel-abbes.info

One thought on “Chronique du jeudi: RENTIERS PAR CONVICTION, CORROMPUS PAR NÉCESSITÉ.

  1. Salam si Djillali !

    Loin de la polémique et au delà de quelques phrases dont je ne suis pas tout à fait d’accord quant aux maux qui émaillent notre société( juste pour l’amorce de réflexion), je dirai que votre texte mériterait bien la” Une” dans ce journal pour un long moment .
    Bravo !
    Salam

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