CRISE MORALE

Depuis Pasteur au moins, nous savons qu’il n’y a pas de génération spontanée et que les souris ne naissent pas du fromage. La déroute de l’intelligentsia algérienne entre compromission, exil et fatalisme a laissé le champ libre à la montée en puissance d’une caporalisation de la pensée,d’un endoctrinement planifié, voies royales pour l’avènement du charlatanisme triomphant. Et de l’aventurisme politique adossé à la culture de l’émeute qui avait fait ses preuves.

Ainsi, il a été permis de laisser un “exorciste en chef” accompagner l’équipe nationale de football,vêtir son survêtement,exhiber ses couleurs, s’asseoir sur le banc des officiels, pour contrer la puissante magie des nations africaines à l’aide de rokaya. Mais attention, garantie cent pour cent licite!
Tous les vrais musulmans auraient bondi face à cette marchandisation de la religion, à son instrumentalisation éhontée. Quel dévoiement de la conscience nationale et quelle insulte aux chouhadas!

Pourquoi dès lors, s’étonner de retrouver cet énergumène,intronisé raki en chef, plastronnant devant micros et caméras de chaînes satellitaires, métastases de partis religieux?
Pourquoi faire semblant de s’offusquer de le voir ouvrir une clinique d’exorcisme halal et brandir son carnet d’adresse dont lequel “figurent” de nombreux décideurs?
La “gouroutisation” de l’Algérie peut être étudiée comme une phase sociologique en accéléré de la déliquescence du pays et de la faillite de ses élites.

Un pays que ses enseignants accoutument à être partie prenante de querelles faussement théologiques et moyenâgeuses, endoctriné avec un stock sans cesse renouvelé de superstitions, recyclables au gré des opportunismes politiques mérite ce qui lui arrive. L’avatar, médicament miracle n’est qu’une illustration de cette faillite morale.Le cœur de cible, une société prête à tout gober.

Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on se débarrasse de la fièvre!

Sauf que provoquer un risque sanitaire de grande magnitude relève d’une qualification juridique à définir, comme dans tout pays de droit qui se respecte. Toutes les contradictions algériennes étaient résumées sur ce plateau de télévision où le support vocal de personnes manipulées (souvent désespérées et se raccrochant à tout espoir) ou
manipulatrices se heurtait à la détermination d’un médecin spécialiste du diabète, d’un scientifique qui finira par quitter le plateau ulcéré devant tant de mauvaise foi.

C’est l’Algérie toute entière qui a fini par tomber dans ce traquenard et nous comprenons mieux pourquoi la liquidation physique des intellectuels et “leur ostracisme programmé” étaient priorité pour le terrorisme. Pour laisser le terrorisme intellectuel sévir et bouter la raison hors du pays ou la réduire au silence. La fusion des archaïsmes, leur synthèse est réalisée pour le grand malheur de l’Algérie.

Les élites irrédentistes qui n’avaient pas fui le pays lors de la guerre civile des années 90, sont devenues tellement intimidées,démoralisées, terrorisées intellectuellement qu’elles n’ont pu qu’assister impuissantes à la déroute du bon sens et à l’orchestration de la “herwala”.

Les promesses des révolutions progressistes ne peuvent pas être financées seulement par l’or noir et autres sources fossiles.Chaque pays doit faire la preuve de sa valeur intrinsèque dans le concert de la mondialisation et un pays sous-développé ou non émergent est celui qui se contente d’être co-auteur du pillage des ses ressources
naturelles en les dilapidant ou en les vendant alors qu’il ne vend rien à autrui.

Les révolution algérienne et bolivarienne de Chavez avaient pourtant engagé des réformes qui avaient impulsé des réussites sociales,culturelles, géo-politiques. Dopés à la rente, ces deux pays se sont habitués à présenter des échecs comme des réussites en l’absence de projet industriel cohérent et d’entrée dans la révolution digitale.Et à exploiter  “la rente révolutionnaire” jusqu’à plus soif.
Chavez aussi, était un militaire convaincu de son rôle messianique pour réduire la fracture sociale par la redistribution, l’accès à la santé et à l’école, et en cela, il rappelle beaucoup Boumédiene.

Au plus haut des cours du pétrole, ces deux pays avaient financé des dépenses de structure qui avaient réellement bénéficié aux plus pauvres, mais le modèle de développement erratique et l’incurie des pouvoirs publics ont fait le lit du chaos économique. Et le citoyen dans tout cela.Aucun pays n’est coquille vide et chacun d’entre nous est responsable et comptable, au moins de la faillite morale.

Ici même, cet espace d’échange et merveilleux outil de libre expression est délaissé par tous les intellectuels qui ont limité leur parole au cercle privé.
Aujourd’hui le constat du citoyen lambda au Vénézuela est que la paie ne suffit pas pour vivre, et beaucoup de décideurs politiques non corrompus avouent en privé sec se priver de tout.

En Algérie, la situation n’est pas comparable, et pourtant nous devrions tous nous référer à ce qui se passe au Vénézuela, état failli et disposant de ressources fossiles supérieures aux nôtres.  Il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir!
Dans les années 70, nos rue frémissaient de politique et nous tirions à titre individuel crédit des réussites. Aujourd’hui, drogués à la consommation,épuisé par les stratégie de survie,les citoyens se réfugient pour nombre d’entre eux dans une “métaphysique” de bazar et boivent les paroles d’imams cathodiques et satellitaire qui emprisonnent toutes ces cervelles avec la complicité de forces telluriques qui rêvent de pouvoir, en travaillant le pays en profondeur.

Une parente très proche m’a expliqué doctement pourquoi je devais m’abstenir d’écouter la musique car son “Cheikh”, lors d’une khotba lui avait dit  “que les notes de musique se transformaient en plomb en fusion dans les oreilles pour alerter sur cette mécréance admise dans un état musulman” .

Le plus triste dans cela est qu’elle était persuadée de relayer la bonne parole et de contribuer au salut de l’âme.
Inflation, misère, corruption,et superstitions forment un cocktail étonnant et détonnant. Y voir la main de l’étranger, ne serait qu’une explication à minima, même si le projet de déstabilisation est ancien et n’a jamais désarmé.

À présent, pour plus de lucidité il faudrait débusquer une sixième colonne qui ajoute la déstabilisation à la guerre économique que représente la chute des prix du pétrole et gaz car indexé sur le premier.
Bien sur, beaucoup par réflexe de fuite en avant, seraient tentés de nous expliquer que le chaos est provoqué par des forces hostiles et qui sont à la manœuvre pour provoquer le déraillement de l’économie, donc du pays.

N’ayant pas les compétences pour juger de la pertinence économique de tel ou tel choix, je ne demanderai, comme beaucoup de nationalistes, que l’évaluation des programmes pour apporter les correctifs nécessaires.Et leur publication en toute transparence mais on me souffle que c’est le travail des députés ( ceux-là mêmes qui
ont mis le sceau officiel sur la spirale inflationniste en se votant une paie qui les coupent du pays réel)

Il est urgent de corriger les effets néfastes de mauvaises décisions et Chavez lui même annonçait avant sa disparition  “qu’en l’absence de capacité et de volonté d’agir…les petites perturbations s’accumulent jusqu’à que le système perde sa capacité à les réguler.C’est alors que survient la catastrophe”.
Tout est dit.

AL-HANIF

(3 commentaires)

  1. Très bel article qui sonne vraiment très juste et dont je partage entièrement l’analyse de Si AL-HANIF. Mais, l’enjeu n’est pas simplement de poser la question de l’existence d’une crise morale. On répond tous positivement.
    La question porte aussi sur l’attitude que nous devons adopter face à cette crise.

    Les événements de crise morale ne se manifestent pas d’eux-mêmes. Ils ne portent pas sur leur front leur statut « d’événement immoraux». Qui fait leur identification ? C’est « nous ».
    Le problème est qu’on s’est habitué à classer tout ce qui ne nous surprend pas à cause d’une « vie quotidienne de survie ». C’est pourquoi notre conception fait que cet événement sera vite refoulé, mis de côté …. Disons … oublié !
    Pour… Autant,…… « oublier » peut être fatal pour notre avenir.

  2. La richesse d’un pays se reconnait à la liberté de pensée,à l’initiative individuelle à la créativité, à l’intelligence,au savoir à la connaissance,certain pays prône on a pas de pétrole mais on a des idées,l’autoritarisme du système étatiLire la suite …

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