L’HOMME VIRIL DE SKIKDA LA PIEUSE.

En se mariant le même jour avec deux femmes, le cumulard de Skikda nous sépare. Il irrite les uns en même temps qu’il obtient l’encouragement et l’adhésion des autres. Il reflète l’état de division de notre société sur des choses fondamentales de la vie, son lien avec la religion, l’influence de la culture occidentale sur elle, ses liens archaïques avec un passé très lointain et ses penchants impossibles pour la modernité. Grâce aux réseaux sociaux, son acte individuel a provoqué notre réaction collective. Cette réaction collective, épidermique, n’affectera pas le choix qu’il affiche comme preuve de sa religiosité et sa virilité. Comme toujours, les contestataires d’un jour se tairons très vite et, au fond de lui-même, l’heureux marié dira “…et la caravane passe”.

En prenant de manière ostentatoire deux épouses le même jour, l’homme de Skikda n’a pas enfreint la loi dans son état actuel, ni la religion dans son état séculier, ni la morale dans son état dominant. Il aurait pu allé jusqu’à quatre femmes sans outrepasser les limites du permis, pourvu que celles-ci aient été consentantes. Dieu et les hommes sont de son côté et tant pis pour les laïquards et les libertaires grognons qui le vouent aux gémonies et qui ont pris l’habitude de râler depuis toujours. Leur bave n’est en fin de compte que du pipi de chat.

À part râler, ils ne pourront rien faire pour ébranler les fondements dogmatiques bien assis d’une société où le mariage est lié au sacré, où l’Islam est la religion de l’État et où la chari3a est la source unique de la loi qui régit la famille, le mariage compris. Et parce qu’il est sacralisé, personne, pas même un despote au pouvoir, ne peut interdire à l’homme de Skikda de s’enorgueillir d’avoir pris en vrac multiple épouses le même jour.

Jusqu’aux années soixante du siècle passé, tel était quasiment le cas partout, même en Europe qui sert de modèle pour les grognons, la sacralisation du mariage j’entends, non la polygamie. Ce n’est qu’à la faveur des idées “progressistes” que l’opinion dominante, puis la loi, ont fini par considérer le mariage comme un simple phénomène social, culture et anthropologique. Considéré ainsi, il fut libéré du poids de la religion et du passé. Et, conséquence, il est devenu évolutif en fonction de l’évolution de la société elle-même : du mariage au PACS et du PACS à l’Union Libre et de l’Union Libre au mariage pour tous. C’est alors que l’homme et la femme, l’homme et l’homme, la femme et la femme, peuvent selon leur bon vouloir, où se marier où se mettre simplement en couple. c’est-à-dire qu’ils peuvent se donner la possibilité de se lier par les liens sacrés du mariage où de s’accoupler simplement, naturellement, comme s’accouplent tous les autres êtres vivants.

Il est très loin le temps des Bourguiba et des Atatürk. Il est même révolu. Elle est impossible la laïcité institutionnelle en terre d’Islam. Il y’aura toujours des révoltés contre l’ordre établi. Mais leurs révoltes, comme des vagues de petite force, se briseront toujours sur le mur épais du conservatisme que soutient l’extrême majorité de la société. Et il y’aura toujours de virils homme de Skikda.