MAMI, CONTRE VENT ET CAMILLE*.

Ce soir Mami chantera

Dans le ciel, sa voix fusera,

Et, après lui, des milliers de jeunes reprendront en chœur : Bladi hia Eljazayer.

Ce soir Oran sera la reine du monde, et, n’en déplaise au vent qui souffle dans le vide et à Camille, Mami sera son prince.

Depuis que le prince du Rai a été invité pour chanter lors de la cérémonie de clôture des JM Oran 2022, la meute de la toile s’est lancé follement à sa poursuite. Des juristes du dimanche et des gardiens de la moraline Bisounours tentent en vain depuis des jours d’entraver la marche inéluctable des évènements. La haine collée à leur peau, ignorants de la vie et du droit, ils sont allé fouiller dans sa poubelle pour exhumer un crime commis il y’a très longtemps, reconnu, sanctionné, payé, oublié de tous, sauf par quelques esprits chagrins qui ne pèsent pas lourd et dont le jeu favori est de se mordre la queue.

Personne ne conteste le fait que Mohamed Khalifati a commis contre madame Camille (le pseudonyme de son ancienne compagne) des faits graves de violence et, circonstances aggravante, une tentative d’avortement. Lui-même a fini par se livrer à la justice française et par reconnaître sa faute. Il s’en est excusé à la face du monde, celle de sa victime et celle de ses juges. Il a été condamné sans indulgence. Il a exécuté sa peine. Il a indemnisé Camille à hauteur de 95000 euros. Il a purgé ses dettes. Quitte, il ne doit plus rien à personne. Alors qu’on lui foute la paix. Basta.

Les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés en 2005; c’est-à-dire il y’a 17 ans et sa condamnation a eu lieu en 2009; c’est-à-dire il y’a 13 ans. Autrement dit, ayant payé sa dette à la société française et à sa victime, et le délai requis pour l’oubli étant consommé, Mami est réhabilité de plein droit. Il reprend tous ses droits de citoyen. Il est lavé de son crime. Et la société, satisfaite, est sommée de ne plus lui en faire grief, de ne plus lui rappeler éternellement les faits, de ne plus renouveler perpétuellement sa condamnation.

Et puis, que les choses soient dites sans hypocrisie et sans détour puisque la meute est sans pitié et surtout sans tête. Mami a commis une faute première, une faute originelle, une faute qui fût à l’origine du crime qui s’en est suivi: sans le vouloir, il a rendu Camille enceinte. Mais Camille tenait, elle, à être enceinte. Et elle s’est faite enceinte de manière malhonnête. Après, elle a tenu à garder l’enfant alors qu’elle était déjà mère. Ce qui laisse supposer qu’elle n’était pas mue uniquement par l’instinct maternel. Un enfant de plus, un enfant dont la grande star du rai, qui a chanté avec les grands, qui remplit les salles et qui a fait fortune, serait le père. ô la belle affaire! Les choses sont claires et on peut en dire d’avantage mais, par correction, n’allons pas plus loin.

Mami, enfant de Saïda, ville du sud dont la culture l’habite malgré l’universalité dans laquelle il longtemps baigné, disait qu’il ne voulait pas d’un enfant hors mariage. On peut en penser ce qu’on veut, mais tel est son logiciel. Cela ne justifie absolument pas son crime, mais il l’explique amplement. Mais Camille pensait autrement, parce que Camille est différente culturellement et parce que les intérêts Camille étaient différents de ceux de mami. Il était irresponsable certes, mais elle avait ses projets, c’est la une réalité. Ils se sont affrontés et ils ont soldé définitivement leurs comptes. Ça les concerne. Ça doit s’arrêter là.

Peut-être que nos Bisounours autochtones ont voulu faire subir à Mami le même bannissement que leurs modèles de référence ont fait subir à Bertrand Cantat, le chanteur meurtrier de sa compagne Marie Trintignant. Il faut être un profane aigri pour vouloir faire du cas Cantat une jurisprudence applicable à Mami. Car ni l’Algérie n’est la France (culturellement), ni Camille n’est Marie Trintignant, ni Mami n’est Cantat, ni une violence conjugale accompagnée d’une tentative d’avortement n’est un meurtre. Tout est différent. Et malgré cette grande différence de taille, malgré l’extrême gravité du crime commis par Bertrand Cantat, les voix les plus autorisées de France ont plaidé pour sa réinsertion, estimant que la société ne peut pas lui infliger une double peine ni lui refuser les droits que lui confère la loi.

Enfin et pour conclure, reconnaissons qu’il est dans l’intérêt de notre patrimoine culturel commun que Mami revienne occuper la place de choix qui est la sienne dans un domaine où il est un roi. Et s’il peut chanter ce soir, et si ce soir on lui offre l’occasion d’une grande réhabilitation, alors tant mieux pour lui, tant mieux pour l’art et la culture et tant mieux pour nous.

Reste le problème de la photo que les Bisounours font circuler pour soutenir leur réquisitoire. C’est vrai qu’elle est ville cette photo. Mais sans vouloir l’absoudre, je me contente de rappeler à qui veut jouer le saint l’histoire de la femme pécheresse que des fanatiques voulaient lapider et que Jésus Christ a sauvé en leur adressant simplement l’injection suivante: que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre, et alors tous les fanatiques ont jeté leurs pierres.

* Le vent c’est ce que dégage la meute de ses entrailles, et Camille c’est Camille.