Répondant à l’appel d’Al MECHERFI pour enrichir le débat sur les Lundis e l’Histoire, BAI a été destinataire d’une intéressante contribution de «l’Association pour la sauvegarde du Patrimoine » concernant un lieu qui a fait l’objet de passion, d’agression et même de volonté de rapine. Cette contribution relative à la fameuse Dar El Askri, inspirerait certainement notre ami Al Mecherfi.
La Rédaction.
1. DAR AL ASAKRI.
Dans la documentation que nous avons jugée opportune de rassembler pour autant que faire se peut, nous disposons d’un acte légal, de valeur juridique incontestable et qui cadre parfaitement ce lieu dans l’espace et dans le temps. Ce qui suit en est une émanation fidèle dans l’esprit, même si pour la facilité de la compréhension, nous avons, par souci de vulgarisation, revu la forme.
2. GENÈSE.
Le 1er juin 1941, fut créée, pour une durée illimitée, sous l’appellation « Amitiés Africaines », ce qui devait être « une société d’entraide aux militaires et anciens militaires français et musulmans d’Afrique du Nord ». La section de Sidi – Bel – Abbès était dirigée alors par Monsieur Hadri NEMMICHE de Tessalah et avait son siège au Théâtre Municipal.
Le 15 avril 1947 et suite à une délibération du Conseil Municipal de la ville de Sidi – Bel – Abbès, le maire, Monsieur Gaston LISBONNE, agissant ès-qualité, donne en bail à loyer, pour une durée de trente années entières et consécutives renouvelables – du 1er mai 1947 au 30 avril 1977 – une parcelle de terrain de 518,75 m2 située en bordure des rues Lavigerie (à l’Est), d’Arcole (au Sud) et d’Assas (à l’Ouest) et mitoyenne, au Nord, avec un terrain de 579 m2 initialement prévu à la construction d’une Mahkama. Tous les travaux et les sujétions inhérentes à l’usage du lieu étaient à la charge des « Amitiés Africaines ». Le loyer était fixé à un franc /an. A l’issue des travaux l’immeuble construit devait appartenir à la Commune. Et c’est ainsi que fut réalisée Dar Al Asakri, désignée dans l’acte par « Foyer du Soldat Indigène DAR EL ASKRI »

3. REMARQUE D’ACTUALITÉ.
Quand on examine le plan qui date du 4 mai 1947 (voir photo), on remarque que l’emplacement qui devait servir à la construction de la Mahkama correspond au terrain revendiqué récemment par une personne qui le revendique « légalement » à l’APC et qui n’a pas manqué de défrayer la chronique. Il nous semble discutable que ce terrain fût cédé après l’Indépendance, car les ventes de biens immeubles par l’État vers le privé était interdite –sous toutes réserves – et relevaient de la gageure. Cette affaire est, d’après ce qui se dit, toujours pendante au niveau de la Justice.
4. LES USUFRUITIERS ET LA CLIENTÈLE.
Le choix de l’emplacement de l’édifice n’était ni fortuit ni gratuit puisqu’il fut réalisé dans un quartier « indigène » et tourné vers les besoins de ceux qui ont servi la France au péril de leur vie partout où ce pays avait semé la mort quand il ne lui fallait pas y échapper. Aucun enfant qui avait tété le nationalisme au biberon, et sans que personne ne le lui dise, n’a mis ses pieds dans cette structure qui « servait » l’ennemi du pays en premier lieu. Et ceux qui ont risqué leurs vies pour lui étaient, sans que cela ne puisse étonner personne, les usufruitiers. Ceux qui y travaillaient pouvaient être des anciens combattants ou des « Indigènes » qui ne cachaient certainement pas leurs dévoués sentiments vis-à-vis des maîtres de l’heure. Beaucoup, parmi nos actuels aînés, peuvent apporter leurs points de vue sur eux ce qui permettra de cerner finement les attributs non avoués à Dar Al Asakri. Quant à nous, cette structure ne revêtait d’importance qu’à notre vision du boulet de canon qui s’élevait vers le ciel pour y exploser annonçant par là l’instant de rupture du jeûne de Ramadhan.
5. DAR AL ASAKRI APRÈS L’INDÉPENDANCE.
Selon des dispositions prévues lors des accords d’Évian, les structures coloniales devaient être remises à leurs homologues algériennes. Dar Al Asakri échut à l’organisation nationale des Moudjahidine. Les locaux qui en faisaient partie furent loués et, l’absence de suivi, le suivi complaisant, les dangereuses pentes que devaient suivre les APC, la prépondérance des autorités relevant de la Wilaya sur les responsables communaux ont donné libre cours aux occupants des lieux et nous nous retrouvons face à un écheveau impossible à démêler tant la pratique ayant pris le pas sur les textes. Le maire censé être le premier magistrat de la ville se mouvait au gré de l’humeur du Wali et, un peu plus tard du Chef de Daïra vite rejoint par l’omnipotent Mouhafedh du parti unique dont la composante actuelle a altéré lourdement l’image du pays et de ses villes par les éternelles luttes intestines où l’on remise le langage pour discuter avec les mains. Le temps n’est – il pas venu pour l’APC de se pencher sur le devenir de certains de ses biens ? Et par biens, il ne s’agit pas uniquement de parcelles ou de locaux car nous savons avec certitudes que pendant la période coloniale, des milliers d’hectares de terre ont été légués, sous forme de dons par leurs propriétaires, à la Commune. Si la décision de restituer à leurs propriétaires les terres qui leur ont été spoliées par la Révolution agraire qui a scellé notre dépendance alimentaire ad vitam aeternam, pourquoi celles prises à notre APC ne lui ont pas été rendues ? Gageons que les droits d’usus, de fructus et d’abusus desservent ce que leurs donateurs en espéraient.
Association pour la sauvegarde du patrimoine
architectural et culturel de la Wilaya de Sidi – Bel – Abbès.