POUR QUI SONNERA LE GLAS?

Sans analyser les aspects géostratégiques des événements de Libye, il y a des coïncidences qui relèvent de la fiction tant elles sont orchestrées à la manière d’une partition où chaque musicien respecte un timing dans une symphonie menée et dirigée avec maestria par un chef consacrant toute son énergie pour le plaisir des mélomanes. En effet, alors que Mouammar El Gueddafi nous annonçait, en évoquant ses adversaires rebelles qu’il allait les déterrer comme des rats, village par village, maison par maison,rue par rue, il finit, nous dit-on, par être extirpé d’un tuyau d’égout. Un drone américain aurait été utilisé pour cerner le dictateur avec le concours des forces françaises sur le terrain. Il fut enfin achevé par des éléments «indisciplinés » du CNT lequel insiste, d’une manière puérile, pour déclarer qu’il n’a donné aucun ordre à cet effet.
Et pour clore le tout, l’OTAN et l’ONU exigent une commission d’enquête pour tirer au clair les circonstances de la mort de Mouammar El Gueddafi. Il y a lieu de parier que les conclusions sont d’ores et déjà rédigées.
Cela tient à la fois du Feydeau (vaudeville) et de la Commedia dell Arte (burlesque), tant les Alliés d’une cause se sont distribués leurs rôles dans une parfaite harmonie. Ce qui est à la fois subtile et hypocrite c’est qu’aucun pays ni aucune organisation n’est responsable de la mort de Gueddafi alors que tous s’en réjouissent à l’unisson.
Bernard Henri Lévi qu’on présente comme l’humaniste qui, par son aura, a sensibilisé les instances internationales sur la question libyenne conclut qu’il aurait été préférable pour la démocratie que l’ex-leader libyen eût été capturé vivant pour une raison qu’il est aisé de comprendre : le Tribunal Pénal International. Hypocrite dis-je parce qu’aucun ne voulait Gueddafi vivant.
Les Grandes Puissances- devenues à l’occasion la conscience du monde- se sont arrangées pour n’impliquer aucun membre de leur alliance allant jusqu’à déplorer que le CNT ne fût pas à la hauteur de l’événement en se laissant déborder par des troupes « indisciplinées ».
Le beurre et l’argent du beurre ; mais cette opération qui a coûté à la Libye au moins 70 000 morts est un détail qu’il n’est pas utile d’évoquer ; seuls les intérêts des Alliés importent, la démocratie c’est la pilule qui fait tout passer, même l’incroyable, l’inconcevable et même l’inénarrable.
A quoi servent nos interrogations puisqu’ils ont tout décidé du moment comme du comment ? Ils planifieront d’autres spectacles avec d’autres marionnettes couleurs locales. Il n’y aurait pas de raisons de changer de recettes, le succès étant assuré, les scenarii déjà en stock et « Au suivant ! ». A chaque jour suffit sa peine et c’est peut-être pour Salah du Yémen que sonnera le glas, non parce que son pays recèle de richesses, mais pour des raisons géostratégiques en droite ligne avec les intérêts de son grand voisin qui lui en regorge.