Si Stephan Gsell était peintre, il aurait de suite abandonné sa mission d’archéologue pour plonger dans la description paradisiaque de cette plaine ou loge Ténira la somptueuse cité qui garde ses lointaines senteurs berbéro-romaines, entremêlées au fil des siècles aux parfums venus d’orient et ses extrêmes. Le village situé dans la plaine légèrement vallonnée, offre une étendue verdoyante, au sol généreux largement exploité par les différentes cultures qui présagent d’une année pleine d’espoir, et de belles nuits méditerranéennes. Si Ténira avait autrefois un cachet tout particulier qui lui valut l’appellation de « plus beau village de la région » , aujourd’hui je dirai tout simplement qu’il est encore plus beau dans son vieillissement et son délaissement où seule la nature divine l’assiste dans sa coloration sublime et éternelle.
La source de la rivière des perdrix, ou Kaputtasacora dans le lexique romain a perdu ses eaux limpides au profit d’un canal qui laisse couler la puanteur humaine faisant fuir ces nobles oiseaux au-delà de « Hank elhmar », superbe élévation boisée refuge d’une faune variée où le roi s’est éteint, il y a longtemps, laissant une griffe quelque part dans l’histoire de la guerre d’Algérie.
Accompagné par des amis, je découvrais quelque chose qui a disparu de mon être depuis fort longtemps, le paysage de mon enfance. Oui, le tableau ou les couleurs se confondaient pour dissiper nos chagrins quotidiens. La beauté du paysage qui est resté intacte malgré le demi-siècle passé m’a fait glisser dans un bref coma pour revoir à travers un flash de lumière Ténirien la beauté d’antan de ma cité natale. Tout était conjugué dans le parfait. L’air pur de Ténira issu de son abondante et perpétuelle végétation , nargue les émanations « mercantiles » des deux carrières.
Ténira des premiers siècles de notre aire, n’était pas loin du limes. Cette barrière militaire romaine empêchait les berbères circoncellions d’accéder vers le nord peuplé de berbéro-romains, grands propriétaires de domaines à vocation agricole. Ils étaient considérés comme des brigands, sans foi ni loi. Les Parthes, légionnaires de l’armée romaine étaient les locataires du poste de surveillance bâti entre Ténira et Chanzy. Notre visite, ce jour du samedi 21 avril, consistait à retrouver deux bornes milliaires. Comme indiqué, nous avons trouvé deux bornes, que seul l’archéologue peut l’identifier à des milliaires. Elles étaient recouvertes de la bouse de vache dans une ex ferme coloniale, qui heureusement la beauté du décor naturel cache les affres de l’incivisme.
Par: Boutaleb Belkacem Tedjini Ziane.