Paradis fiscaux, sociétés-écrans, caisses noires, comptes captifs, contrats fictifs, fonds spéciaux, etc., les génies du subterfuge ne manquent pas d’imagination pour renflouer leurs escarcelles sur le dos du Trésor public.
Plus on monte dans la hiérarchie, plus on s’en met plein les poches. La déclaration du patrimoine est loin d’être une réalité alors qu’elle permet de quérir la vérité là où elle se trouve. Les enquêtes sur les scandales qui éclaboussent des institutions, des ministres et des hauts responsables ne ciblent que les lampistes et jamais les commanditaires qui jouissent de l’impunité totale. Le «petit» corrompu voit bien le manège, alors, il se dit, si le gros bonnet vole le bœuf alors moi je volerai l’œuf. Quant à la lutte contre la corruption, elle ressemble à l’Arlésienne, tout le monde en parle mais personne ne la voit. Si la grande corruption se pratique dans la cour des «grands» et les cercles fermés de ceux qui tiennent le haut du pavé, la petite corruption, elle, est l’apanage du petit peuple. Elle porte plusieurs noms et se décline sous toutes les formes. Elle a toujours existé, mais était une exception et causait la honte et le désaveu de celui qui s’y adonnait, mais ces dernières années, elle est devenue la règle. C’est la qualité du débrouillard et du finaud qui sait «naviguer ala rouhou» car, de nos jours, il faut être retors, roublard et savoir nager en eaux troubles pour survivre dans un environnement hostile et impitoyable. Celui qui n’en use pas est considéré comme anormal ou, comme on dit dans le langage populaire, « habès ». On a même réussi le tour de passe-passe de rendre la tchipa halal par une fetwa des plus hasardeuses, puisque le pays n’applique pas la charia. Les islamistes lui donnent le doux surnom de ikramiyate. Et quand on apprend les sommes de ces ikramiyate, on se dit qu’apparemment, la générosité n’a pas de limites ! Il est clair que les personnes qui pratiquent la tchipa n’oseront jamais la citer nommément, car elle reste, malgré tout, tabou et transgressant la morale. Elle est contraire aux préceptes de la religion musulmane qui maudit les adeptes de cette pratique. Elle se pratique à huis clos ; on préfère lui donner d’autres noms enrobés qui passent mieux et choquent moins. Toute une acrobatie linguistique qui veut finalement dire la même chose. Ainsi, elle peut porter différents termes, on évoque alors el kamoune, el qahwa, el kamoussa, mais on ne l’appellera jamais rechwa. Ou alors, on utilise des expressions du genre keuh t’fout, tih-bihoum, djib yamahoum, ana ndir aly alya oua anta dir aly alik. Ces derniers temps, à l’occasion des élections législatives et locales, la concurrence malsaine qui a pris des proportions alarmantes dans le paysage politique a donné lieu à un comportement vénal et indigne. L’opportunisme a pris le dessus sur la compétence et l’ignorance, sur le savoir. Dans cette parodie multipartiste, les voix, y compris au sein d’alliances hybrides et improbables, se monnayent à coups de « chkara » ; un enfant illégitime conçu par les « beggarine » dans la matrice de la gouvernance rentière. Et même les électeurs attendent les miettes du festin : la promesse d’un logement, un local, ou tout simplement un poste de travail. L’expression souvent usitée dans le jargon populaire est «moi je t’aide et toi efham rouhek». Une invitation claire à mettre la main dans la poche et s’acquitter d’un dû. Dans le milieu intellectuel, on enveloppe la tchipa d’un halo littéraire, on parle alors d’«échange de bons procédés» de «commission». Il y a même deux ministres en place qu’on affuble du sobriquet «ministres 30%» et voilà comment la corruption se déguise, tel Arlequin, elle se farde et se montre sous son meilleur jour. Dans la sphère économique et politique, on ne paie pas toujours en espèces. Un appartement, un lot de terrain, un contrat de vente ou d’achat, un marché publicitaire sans oublier le rabattage des prostituées de luxe dans des orgies nocturnes. Les scandales ne manquent pas et la presse nationale en fait constamment écho. Dans cette situation chaotique, qui a mis et les valeurs et l’économie nationale à genoux, les lois pour leur inapplicabilité en l’absence de contrôle et de répression, la corruption tend à être générale, elle devient presque un déterminant culturel. Curieusement, plus les lois sont rigoureuses comme dans le cas du code des marchés publics, et la bureaucratie pesante, plus la tchipaest tenace et aliénante.
Tchipa, un passage obligé
Hacéne est chauffeur de taxi. En déposant un client dans une zone de stationnement interdit, il s’est fait épingler par un agent de la circulation qu’il n’avait pas vu : «Il m’a arrêté, relate-t-il, a pris mes papiers et a commencé à me faire tout un speech. Je me suis excusé, et finalement, il m’a fait un large sourire en me demandant de lui acheter une carte de recharge téléphonique pour récupérer mon permis. Je me suis exécuté, j’aurai de toute façon payé d’une façon ou d’une autre.» Les exemples de tchipa sont légion et chacun a une ou plusieurs histoires à raconter. L’administration est sans doute le lieu où se pratique sans vergogne la petite corruption ; dans les bureaux, il se passe bien des choses et on se fait graisser la patte comme on peut. Si un citoyen se heurte à un obstacle et qu’il cherche une solution, il doit obligatoirement casser sa tirelire. L’épisode le plus flagrant de cet état de déliquescence est quand l’ancien ministre de l’Intérieur a pondu cette idée rocambolesque d’exiger le certificat S12 pour les pièces d’identité, assortie d’un dossier qui relève de la mission impossible. A peine l’opération lancée, qu’on a commencé à voir les tares de la gestion. Le document faisait défaut et se le procurer était devenu un parcours du combattant. La pénurie, le socle de la gestion du système algérien, va donner lieu à des dysfonctionnements et des anachronismes. Des agents à la mairie et la daïra vont organiser un véritable réseau pour écouler le précieux document à coups de sommes d’argent. Chérif fait partie de ces «arnaqués de l’administration». Il nous dira qu’il a acheté à l’époque «le formulaire à 1 000 DA». Et d’ajouter : «On ne peut rien faire que de se résigner. II y a un circuit pour tout, même les médicaments n’échappent pas à la règle. Ils sont escamotés dans les hôpitaux qu’on refile aux connaissances et aux malades en contrepartie d’argent alors que ces malades sont censés les avoir gratuitement. Tout a un coût, si tu veux régler un problème, tu casque que ce soit pour un permis de construire ou tout autre document délivré rapidement. La bureaucratie est l’un des facteurs qui poussent à ce climat pernicieux. »
La politique salariale au banc des accusés
On ne sait pas comment sont élaborées les politiques salariales, car elles sont d’une extrême dangerosité pour un pays qui ne veut pas connaître le printemps arabe. Qui a décidé que le SNMG est de 18 000 DA et pourquoi on le relève de seulement 3 000 DA à chaque fois qu’il y a une ébullition sociale, et la question que l’on se pose surtout : le craque qui fait le budget des ménages sur quelle base le fait-il ? Par quelle gymnastique a-t-on eu recours pour décider qu’un travailleur algérien, père de famille, peut vivre avec un revenu aussi indécent ? Les bas salaires incitent les gens à trouver d’autres moyens pour joindre les deux bouts et n’hésitent pas, sous la pression d’un pouvoir d’achat en constante érosion, à recourir à des formules non conventionnelles. Hamid est enseignant au secondaire. Il avoue donner des cours particuliers pour subvenir aux besoins de sa famille car son salaire ne couvre pas toutes les dépenses de son ménage. Il n’est pas le seul. Généralement, les élèves qui prennent ces cours se retrouvent avec de bonnes notes à la fin de l’année et ce n’est pas toujours le fruit de leur labeur ! Hamid explique sa démarche par le fait que «le loyer de l’appartement grève pratiquement le trois quarts de mon revenu, ma femme travaille, et son salaire sert à payer la nourriture. Il faut payer les factures et ce n’est pas évident quand on a des enfants. La plupart des Algériens survivent et se débrouillent comme ils peuvent, mais ce ne sont pas les citoyens qui ont créé la tchipa, c’est l’Etat. Le peuple ne fait que s’adapter à une situation qui lui a été imposée». Pour lui, «le Premier ministre Sellal devrait penser à une véritable politique salariale qui mettrait les gens à l’abri du besoin car c’est le besoin qui crée la tchipa. L’écart est abyssal entre les petits et les grands revenus», argue-t-il. Saïd est avocat. Il estime que «la tchipa est instituée implicitement comme mode de gestion et de transaction ; les hauts responsables, qui ont été éclaboussés par des scandales financiers, ne sont pas inquiétés. Cela ouvre la porte aux petits responsables de faire pareil. Il y a une complicité malsaine. La justice n’est pas indépendante et nous avons une caste dirigeante intouchable qui est hors de portée des juges. Les partis politiques donnent un exemple désolant en recourant à l’achat des voix et autres mesquineries. Même certaines sociétés étrangères se sont mises de la partie comme si la corruption était un ticket d’entrée en scène. Nous sommes dans un état où prévaut l’impunité». Et de conclure : «Il faut un signal fort, une vraie opération ‘’mains propres’’ où on verra tomber de grosses têtes.» Le grand problème en Algérie, c’est qu’en face d’un pouvoir absolu, il n’y a pas de réelle opposition ou de contrepouvoir. Certes, les honnêtes gens n’ont fort heureusement pas disparu mais ils ont beaucoup de peine à résister. Associations, militants des droits de l’homme, syndicalistes et journalistes sont constamment harcelés. Certains payent de leur vie sans que justice leur soit rendue. Combattre la corruption, qui saigne les richesses du pays, menace sa stabilité, humilie les honnêtes gens, tient en laisse la justice, bride la cour des comptes et pervertit l’esprit, a besoin de plus que des effets d’annonces et des bonnes intentions
signé Fatma Haouari (le soir d’Algérie)
Les scandales à répétition, de l’affaire Khalifa, à Sonatrach en passant par la route Est-Ouest, repris par la majorité des médias internationaux discréditent l’image de l’Algérie au niveau international et démobilisent les citoyens au niveau interne.
La Cour des comptes
La prolifération d’institution de contrôle, dont la dernière en date est l’institution de lutte contre la corruption, est inefficace sans un Etat de droit, la démocratisation de la société et sans vision stratégique d’ensemble. Aussi, la problématique posée, objet de cette contribution : l’efficacité de la Cour des comptes dont j’ai été magistrat (premier conseiller et directeur central des études économiques entre 1980/1983 du temps de feu Dr Amir) et d’une manière générale toutes les institutions de contrôle, y compris celles des services de sécurité, ne sera-t-elle pas fonction d’une gouvernance globale rénovée ?
1.- En moins de 30 ans, les textes régissant le fonctionnement de la Cour des comptes dépendant de la présidence de la république et prévue dans la constitution (JORADP N°76 du 8 décembre 1996 modifiée par loi n°02-03 du 10 avril 2002 JORADP n°25 du 14 avril 2002 loi n°08-19 du 15 novembre 2008 JORADP N°63 du 16 novembre 2008) et le Conseil des ministres en date du 25 aout 2010 qui a approuvé une ordonnance élargissant et renforçant les missions de la Cour des comptes, modifiant et complétant l’ordonnance n°95-20 du 17 juillet 1995. La Cour des comptes est organisée en chambres à compétence nationale (au nombre de huit), et en chambres à compétence territoriale (au nombre de neuf) et une chambre de discipline budgétaire et financière.
Au terme de la loi, la chambre de discipline budgétaire et financière (CDBF) est compétente pour juger et sanctionner certaines fautes ou irrégularités commises par les gestionnaires publics et agents assimilés ayant causé un préjudice certain au trésor public ou au patrimoine des organismes publics. Les chambres à compétence nationale sont chargées du contrôle des comptes et de la gestion financière des ministères, le contrôle des établissements et organismes publics de toute nature dépendant d´un ministère ou recevant des subventions inscrites à son indicatif ainsi que le contrôle des entreprises publiques économiques dont l´activité est liée au secteur couvert par ledit ministère. Les chambres à compétence territoriale sont chargées de contrôler les finances des collectivités territoriales (wilayas et communes) relevant de leur compétence géographique. Les chambres territoriales peuvent également contrôler les comptes et la gestion des organismes publics auxquels les collectivités territoriales concèdent des concours financiers ou détiennent partiellement ou majoritairement leur capital. Institution supérieure du contrôle à posteriori des finances de l’Etat (article 2) étant une institution à compétence administrative et juridictionnelle (article 3), la Cour des comptes assiste le gouvernement et les deux chambres législatives (APN- Sénat) dans l´exécution des lois de finances pouvant être saisie par le président de la République, le Chef du gouvernement (actuellement le premier ministre) ou tout président de groupe parlementaire pour étudier des dossiers d’importance nationale.
Ses procédures de contrôle et d´investigation, sont inspirées des normes internationales, notamment celles élaborées par l’INTOSAI dont l’apurement des comptes des comptables publics, est un acte juridictionnel portant sur l´exactitude matérielle des opérations de recettes et de dépenses portées au compte du comptable public ainsi que leur conformité avec les lois et règlements en vigueur, la reddition des comptes, tout comptable public est tenu de déposer son compte de gestion au greffe de la Cour des Comptes en conservant les pièces justificatives qu´il doit mettre à la disposition de l´institution. Les ordonnateurs des organismes publics sont également tenus de déposer leurs comptes administratifs dans les mêmes formes, le contrôle de la discipline budgétaire et financière, s´assure du respect des règles de discipline budgétaire et financière, et prononce des amendes à l´encontre des responsables ou agents des institutions, établissements ou organismes publics ayant commis une faute ou irrégularité préjudiciable au Trésor public ou à un organisme public, le contrôle de la qualité de gestion a pour finalité d´apprécier les conditions d´utilisation et de gestion des fonds et valeurs gérés par les services de l’état, les établissements et organismes publics et enfin l´évaluation des projets, programmes et politiques publiques, la Cour des comptes participant à l´évaluation, au plan économique et financier, de l´efficacité des actions, plans, programmes et mesures initiées par les pouvoirs publics en vue de la réalisation d´objectifs d´intérêts national et engagés directement ou indirectement par les institutions de l´Etat ou des organismes publics soumis à son contrôle.
2.- Quelles sont les nouvelles prérogatives de la Cour des comptes ? L’ordonnance 2010, élargit les missions de la Cour des comptes quant au renforcement de la prévention et de la lutte contre les diverses formes de fraude, de pratiques illégales ou illicites, portant atteinte au patrimoine et aux deniers publics. “La Cour des comptes exerce un contrôle sur la gestion des sociétés, entreprises et organismes, quel que soit leur statut juridique, dans lesquels l’État, les collectivités locales, les établissements, les entreprises ou autres organismes publics détiennent, conjointement ou séparément, une participation majoritaire au capital ou un pouvoir prépondérant de décision”, Ainsi, la Cour des comptes s’assurera de l’existence, de la pertinence et de l’effectivité des mécanismes et procédures de contrôle et d’audit interne, chargés de garantir la régularité de la gestion des ressources, la protection du patrimoine et des intérêts de l’entreprise, ainsi que la traçabilité des opérations financières, comptables et patrimoniales réalisées. Un autre article de l’ordonnance en question, en l’occurrence le 27 bis, stipule que « si la Cour des comptes relève des faits de nature à justifier une action disciplinaire à l’encontre d’un responsable ou d’un agent d’un organisme public soumis à son contrôle, par référence au statut de ce dernier, elle signale ces faits à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire à l’encontre du responsable ou de l’agent concerné ». L’ordonnance prévoit le pouvoir de consultation de la Cour des comptes dans l’élaboration des avant-projets annuels de loi de règlement budgétaire et cette révision confère au président de la République l’attribution de saisir la Cour des comptes pour tout dossier d’importance nationale dont : en premier lieu au renforcement de la prévention et de la lutte contre les diverses formes de fraudes, de pratiques illégales ou illicites, portant atteinte au patrimoine et aux deniers publics. En second lieu, il est question du renforcement de l’efficacité du contrôle de la Cour des comptes à travers l’obligation faite aux responsables des collectivités et organismes qu’elle contrôle de communiquer ses conclusions aux organes délibérants dans un délai maximal de deux mois, tout en tenant informée la Cour des comptes des suites réservées”. La cour des comptes devrait travailler en étroite collaboration avec l’office central chargé de la prévention et de la répression de la corruption. L’accent a été mis sur la modernisation de cet outil permettant de mieux contrôler l’économie nationale afin de lutter efficacement contre toute forme de fraude et de détournement et atteinte aux deniers publics et au patrimoine national. Qu’en est-il du dernier rapport de la Cour des Comptes ?
3.- Dans son rapport rendu pour la première fois public, dont la presse algérienne s’est fait l’écho le 7 novembre 2012 le rapport de la cour des comptes met en relief la mauvaise gestion des deniers publics, manque de volonté et de transparence. Le rapport de la Cour des comptes, concernant la gestion de l’argent de l’Etat, est accablant. Le rapport dénombre105 comptes spéciaux du Trésor, dont 16 n’ont pas connu de mouvements. Le nombre de comptes d’affectation spéciale reste prépondérant avec 77 comptes, soit 73% des CST. Pour les autres catégories, il est recensé 11 comptes de prêts, 9 comptes de participation, 4 comptes d’avance, 3 de commerce et un compte d’affectation spécial « dotation ». Les ministres des Finances, de l’Agriculture, de la Culture, de l’Intérieur, de l’Industrie et de la PME se sont vu confier la gestion de 35 comptes soit 45% de la liste en vigueur. Les investigations de la Cour des comptes ont mis en exergue, la gestion défectueuse des Comptes d’affectation spéciale (CAS), étant sollicités pour la réalisation des projets inscrits dans le cadre des plans quinquennaux 2004-2009 et 2009- 2014.
Le rapport note outre la non conformité aux principes de la comptabilité publique et aux dispositions de la loi que les objectifs assignés, que la réalisation de projets et de programmes, afférents au budget d’équipement par l’intermédiaire des CAS s’est faite en violation du principe d’affectation des crédits et du caractère exceptionnel dédié à ces comptes, la quasi-totalité des Comptes d’affectation spéciale n’ayant pas été réalisés malgré le soutien de l’Etat et le volume des subventions. Les dépenses relatives aux CAS dans le budget de fonctionnement de 2010, ont été de l’ordre de 90% en 2010, 98% en 2009 et 162% en 2008 et la part des CAS dans le budget d’équipement est passé de 96% en 2009 à 89% en 2010. De plus, les banques ne produisent pas les états faisant apparaître la liste des bénéficiaires (particulier ou organisme) des bonifications sur les crédits accordés. Il a été noté également les insuffisances du contrôle fiscal. Sur un effectif global estimé à 13.797, en 2010 seuls 536 agents sont affectés au contrôle fiscal soit un taux faible de 4%. Sur un nombre de 376.770 dossiers fiscaux, 1465 ont été programmés pour la vérification de la comptabilité, le rapport soulignant les insuffisances et les dysfonctionnements relevés, faute de programme de modernisation de l’administration fiscale. Pour le seul exercice 2010, le ministre des finances a déclaré un montant exorbitant de 430 MDA, (près de 5 milliards de dollars) au titre des dépenses fiscales sans pour autant décliner la base de calcul, ni fournir de détails ou d’explications sur les segments d’activités et les bénéficiaires pour lesquels celles-ci avaient été consenties.
La Cour des comptes note également dans son rapport que le taux de recouvrement des impôts est très faible. « À titre indicatif et pour les seuls restes à recouvrer (RAR) portant sur l’IRG et l’IBS, leurs montants ont totalisé 543 milliards de dinars(- 100 dinars algériens = 1 euro), à fin 2010. « La contribution des entreprises nationales à l’IBS n’est que de 44,885 MDA, soit 17 %, les 83 % restant, soit plus de 210 MDA sont réalisés avec des entreprises étrangères par voie de retenues à la source ». Plus grave, le document révélé fait état de détournements et d’opacité dans la gestion des dossiers du microcrédit. Ainsi, le rapport souligne qu’une bonne partie de ces dépenses est constituée par des exonérations fiscales, dans le cadre de mesures incitatives introduites par les différentes lois de finances afin d’encourager l’investissement et l’emploi. Le montant des exonérations a atteint, en 2010 de 93,66 MDA, l’Andi et l’Ansej ayant bénéficié respectivement de 73,18 et 20,48 MDA, soit des taux respectifs de 78% et 22% du montant global des exonérations. Malgré l’importance des exonérations accordées, le suivi des projets retenus n’a pas été au rendez-vous. L’absence de contrôle a encouragé certains promoteurs à ne pas respecter leurs obligations ou engagements. Cette situation s’est aggravée également par une défaillance dans la coordination des différents intervenants, Douanes, Impôts, Ansej et Andi. Ce qui a amené certains investisseurs à détourner les projets de leur destination initiale et, dans certains cas, à la cession des équipements acquis dans ce cadre.
4.- D’une manière générale, et au vu de la situation actuelle en 2013, il est évident que l’impact de la dépense publique de 500 milliards de dollars entre 2004/2013 est très mitigé. Si on avait économisé seulement 10% par une meilleure gestion et une lutte efficace contre la corruption, le gain net serait de 50 milliards de dollars soit 1850 milliards de dinars algériens. Dans un rapport élaboré le 27 février 2013, repris par l’agence officielle algérienne APS, de la Caisse nationale d’équipement pour le développement (CNED), il est mentionné qu’uniquement que les grands projets (non compris les petits projets, ni ceux de Sonatrach/Sonelgaz non inclus dans le calcul) inscrits au titre du plan de relance économique 2004/2009 ont connu un surcoût global de 40% pour l’ensemble de ces projets, c’est-à-dire un surcroît d’argent public de l’ordre de 1050 milliards de dinars, (plus de 13 milliards de dollars) soit un montant d’autorisations de programmes porté à 3655 milliards de dinars algériens (1oo dinars environ 1 euro) contre 2625 dinars prévus initialement. Le rapport note que le maître d’ouvrage élabore souvent une offre financière et un délai de réalisation prévisionnel en croyant qu’il maîtrise tous les facteurs qui entourent son projet ne prenant pas en considération des contraintes ce qui engendrent des réévaluations des autorisations de programmes, récurrentes et coûteuses pour le budget de l’Etat.
Le manque de maturation des études n’est pas le seul obstacle des réévaluations Ces difficultés sont généralement liées « à la libération des assiettes foncières et des emprises, aux retards dans le déplacement des réseaux divers, le retard dans le choix et l’installation des bureaux et suivi de contrôle des travaux, la faiblesse des capacités nationales de gestion et de suivi des grands projets , la non maîtrise » des prix en Algérie en raison de l’existence de « marchés déstructurés ». A ce tire ile st signalé que dès que la réévaluation dépasse 15% du montant du projet, le ministre de tutelle est obligé d’aller justifier la hausse devant le Conseil des ministres. Cependant il faut s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire c’est-à-dire le fonctionnement réel de la société , l’Algérie ayant les meilleures lois du monde mais rarement appliquées et avec des institutions qui se télescopent. Ainsi a été adoptée entre 2010/2012 la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption prévoyant la création d’un office central de répression de la corruption (OCRC),qui vise « la consolidation des règles de transparence, de probité et de concurrence loyale concernant les marchés publics ». Comme il a été procédé durant cette période à l’adoption d’autres textes de loi traitant, également, de la lutte contre la corruption, comme à la monnaie et le crédit ainsi qu’à la répression des infractions de change et des mouvements des capitaux de/et vers l’étranger. Mais des lois sont inefficaces sans une réelle volonté politique. Dans tous les pays du monde où existe un Etat de droit, la Cour des comptes est une institution hautement stratégique, elle est composé de 100 magistrats financiers ne pouvant pas contrôler environ 17.000 entités (administration et entreprises publiques), notant qu’uniquement le contrôle de Sonatrach nécessiterait 200 magistrats financiers. Ayant eu l’occasion de visiter ces structures au niveau international et de diriger en Algérie par le passé (pendant la présidence du feu docteur Amir ex-secrétaire général de la présidence de la république), trois importants audits sur l’efficacité des programmes de construction de logements et d’infrastructures de l’époque, sur les surestaries au niveau des ports et les programmes de développement des wilayas, en relations avec le ministère de l’Intérieur, et celui de l’habitat assisté de tous les walis de l’époque, je ne saurai donc trop insister sur son importance en évitant, comme par le passé, qu’elle ne soit pas instrumentalisée à des fins politiques. Concernant les responsabilités, il y a lieu de tenir compte que l’Algérie est toujours en transition depuis 1986 ni économie de marché, ni économie planifiée.
C’est cette interminable transition qui explique les difficultés de régulation, avec une tendance nettement affirmée, depuis 2009, à un retour à la gestion administrée bureaucratique, posant d’ailleurs la problématique de la responsabilité du manager de l’entreprise publique en cas d’interférences ministérielles donc du politique où la loi sur l’autonomie des entreprises publiques de 1990 n’a jamais été appliquée. Dans ce cas, la responsabilité n’est-elle pas collective et renvoie au blocage systémique, les managers prenant de moins en moins d’initiatives ? Cela explique la bureaucratisation de la société et la déperdition des entreprises productives. Or, la Cour des comptes, qui doit éviter cette vision répressive mais être un garde fou, une autorité morale par des contrôles réguliers et des propositions peut jouer son rôle de lutte contre la mauvaise gestion et la corruption qui touchent tant les entreprises que les services collectifs et administrations et donc éviter ce classement déplorable de l’Algérie entre 2004/20102 au niveau des institutions internationales comme un des pays les plus corrompus au monde.
5.- En résumé , je ne saurai trop insister que le contrôle efficace doit avant tout se fonder sur un Etat de Droit, avec l’implication des citoyens à travers la société civile, une véritable opposition sur le plan politique, une véritable indépendance de la justice, tout cela accompagné par une cohérence et visibilité dans la démarche de la politique socio-économique, un renouveau de la gouvernance au niveau global afin de délimiter clairement les responsabilités et pour plus moralité des dirigeants aux plus hauts niveaux afin de faciliter la symbiose Etat/citoyens. Comme il ya urgence de revoir le système d’information qui s’est totalement écroulé depuis plus de 20 ans posant la problématique d’ailleurs de la transparence des comptes y compris dans une grande société comme Sonatrach où ayant eu à diriger un audit financier avec une importante équipe composé d’experts, sur cette société entre 2006/2007, il nous a été impossible de cerner avec exactitude la structure des coûts. Sans une in formation interne fiable, tout contrôle externe est difficile et dans ce cas la mission de la Cour des comptes serait biaisée. Dans les administrations disons que c’est presque impossible, du fait que leurs méthodes de gestion relèvent de méthode du début des années 1960. Cela ne peut que favoriser la corruption qui prend une dimension dangereuse remettant en cause les fondements de l’Etat et donc sa sécurité, en Algérie réside en l’effritement des valeurs morales contrairement aux valeurs défendues par les classiques de l’économie pour qui c’est le travail qui est la source de la richesse des nations. L’Algérie a deux choix : faire des efforts pour réformer ses institutions, l’économie vers plus de libertés, de démocratie de transparence et réhabiliter les vertus du travail ou régresser en optant pour le statu quo économique et politique, d’où l’urgence de s’adapter, au mieux des intérêts de l’Algérie, comme le font les pays émergents, au nouveau monde. Et pour cela, nous revenons toujours à la morale, surtout la moralité des responsables qui doivent donner l’exemple s’ils veulent mobiliser leur population et éviter l’anémisation de la société. Un phénomène déjà analysé avec minutie par le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun, dès le XIVe siècle, dans la Muqaddima, qui a montré que l’immoralité des dirigeants, avec comme impact la corruption gangrenant toute la société, comme ces distributions de revenus sans contreparties productives et des subventions généralisées sans ciblage, pour une paix sociale fictive provoquent la décadence des civilisations. Pour l’Algérie tant qu’il y a la rente des hydrocarbures.
Abderrahmane Mebtoul, professeur d’universités et expert international
Conférence de presse
Berne, le 1er février 2005
Fiche de synthèse : corruption et lutte contre la corruption
Définition : La corruption consiste à abuser d’une position de confiance dans le but d’en retirer un
avantage injustifié. Elle recouvre aussi bien la corruption d’une personne en position de confiance
(corruption active) que l’acceptation de celle-ci de se laisser corrompre (corruption passive). Elle ne se
limite pas à « l’abus d’une position publique en vue d’en retirer un avantage personnel ».
Formes : La corruption peut affecter le secteur public, par exemple lors de l’attribution de marchés et de
concessions publics ou lors de relations avec les autorités fiscales ou douanières. Elle existe également
entre particuliers : la corruption de collaborateurs d’un partenaire contractuel ou d’une entreprise
concurrente, par exemple. La corruption peut aller des petits cadeaux au versement de montants de
plusieurs millions de francs.
Importance de la corruption
Généralités : La Banque mondiale estime que la corruption est aujourd’hui un obstacle de premier ordre
au développement économique et social. La corruption bafoue l’État de droit et sape la confiance dans
les institutions publiques. Elle induit une distorsion dans l’accès aux prestations étatiques ainsi qu’une
mauvaise allocation, voire une perte de ressources publiques. Elle ébranle la confiance des investisseurs
et nuit à la concurrence. Les couches sociales défavorisées sont souvent les plus touchées par le fléau
de la corruption.
Propagation : La corruption est un phénomène qui n’est pas nouveau. Elle est pratiquée dans tous les
pays du monde. Cependant, il y a des différences considérables selon le niveau de développement et la
qualité des institutions publiques. Le « World Business Environment Survey » de la Banque mondiale et
l’indice de corruption établi annuellement par Transparency International, entre autres, sont de précieux
indicateurs du degré de propagation de la corruption dans les différents pays. De l’avis général, la
corruption a encore pris de l’ampleur ces dernières décennies.
Coûts : Les coûts engendrés par la corruption ne peuvent évidemment qu’être évalués. On estime
généralement que la corruption renchérit les prix globaux des biens et des services d’au moins 5 %.
D’après les estimations de diverses organisations non gouvernementales, la corruption coûterait chaque
année plusieurs dizaines de milliards de dollars aux entreprises dans le monde.
Lutte contre la corruption
Changement d’approche : L’attitude face à la corruption a fondamentalement changé ces dix dernières
années. Pendant longtemps, la plupart des États ont toléré la corruption à l’étranger. Les entreprises
pouvaient même déduire les pots-de-vin de leurs déclarations d’impôts, y compris en Suisse. Entretemps,
un vaste mouvement de rejet de la corruption a vu le jour. Il est mené par des organisations
internationales, des États, des associations économiques et des organisations de la société civile.
Solutions possibles : Afin d’endiguer efficacement la corruption, il faut intervenir aussi bien sur le
« corrupteur » que sur le « corrompu ». Les causes de la corruption doivent être traitées au même titre
que les différentes manifestations du phénomène. Les règles étatiques et leur application sont
nécessaires mais ne suffisent pas à atteindre le but fixé. Pour lutter avec succès contre la corruption, il
faut encore sensibiliser les milieux économiques et la société à ce problème et faire en sorte que ceux-ci
assument leurs responsabilités.
Eh Bien! Mr Nasri, à chacun son truc, chez nous c’est l’immunité à vie….!!!!
De 1999 à 2010…. mais même en grèce, ils ont mis beaucoup de temps pour démasquer et condamner ces corrompus ..!!! Je pense que c’est la crise économique qui leur a joués un petit tour…!!! Allez disons, il vaut mieux tard que jamais…!!! Et chez nous qu’est ce qu’on doit dire….???
Petite rectification: il ne s’agit pas d’un commentaire concernant la chronique «Je ne suis le neveu que d’un fellah» mais d’un article paru dans le soir d’Algérie du samedi 22 décembre 2012.
C’est noté et rectifié , Merçi!
L’ancien maire d’une ville importante en Grece et deux hauts respousables municipaux viennent d’etre condamnes a la prison a vie. leur crime ? Avoir detourne 2 millions de dollards de fonds municipaux de 1999 a 2010.
Combien d’argent a ete detourne a Sidi Bel abbes durant cette periode.? Combien de personnes ont ete condamnes durant cette meme periode?
Il faudrait s’inspirer de la Grece.Si nos lois etaient plus severes,lesmaires et hauts responsablesmunicipaux y penseraient a deux fois avant de voler.
En Chine c’est la peine de mort ,en Grece ,la prison a vie.