Encore un drame. La presse est unanime pour rapporter ces faits : « Drissi Abdelkrim se serait donné la mort avec son arme de service. Il aurait pris part, dans la matinée aux travaux de la session ordinaire de l’APW de Mascara avant de quitter la salle et de rejoindre son bureau. Agé de 59 ans, le défunt était père de deux enfants».
Alors, il ne reste que l’immolation ou l’émeute individuelle, à mener dans les couloirs d’une administration mal à l’aise. A cet âge là, on ne se suicide pas. L’on n’est pas censé pratiquer l’automutilation pour des broutilles. Si le passage à l’acte rédhibitoire est entrepris, c’est que la cause est devenue fortement irrésistible. Tyrannique et impérieuse. L’attrait vers une mise fin à un calvaire durable devient ainsi, hélas une issue fatale d’ultime secours.
Encore une tragédie qui vient fissurer davantage le climat serré dans lequel agissent des hommes, des cadres, dans le silence des notes et à l’ombre des feux de la rampe. Leur travail a toujours fait des raccourcis de récupération. La hiérarchie, à quel niveau qu’elle se place, est parfois, quelque part toujours en quête d’autoritarisme, à défaut de convivialité et d’exercice d’ascendant serein et concluant. Nos chefs, certains du moins, ont en éternelle progression, cette tendance à vouloir, aux lieu et place de convaincre, vaincre. Ils s’illusionnent qu’en opérant l’arrogance, le but d’être craints est vite atteint. C’est le rattrapage de l’histoire vécue dans d’identiques situations qui stimulerait leur ego. Ils garderaient en souvenances, les brimades subies, pour croire d’un ton revanchard, reverser l’humiliation sur les autres. L’art managérial et les sciences de gérer les hommes et leur compétence, n’ont pourtant, dans nul cursus, enseigné la frayeur comme outil d’administration. Cette façon d’agir, outre qu’elle décompose l’éthique naturelle décèle, sans ambages, le daltonisme qui frappe certains en charge des affaires publiques pour pouvoir distinguer les nuances humaines. Elle est aussi une pathologie qu’expliqueraient, par subconscience, un manque de détermination et un défaut d’assurance en soi. Elle se diagnostique dans la fouille d’un passé, toujours pas bon à s’en rappeler. Elle va plus loin ; dans un commencement carrièral malmené, un bureau barré, un chef gueulard. Et plus près, toute proche à la maison, dans une résidence calfeutrée ; un ministre de l’Intérieur cassant, une progéniture gantée ou gâteuse.
Un responsable est censé, donc, être un capital de discernement et non un demandeur de compréhension. C’est à lui seul qu’échoit, au préalable, sa production. La pertinence liée à une crânerie inutile qui anime ces gérants là, n’est pas de nature à faire plier les gens à leurs balourdises. L’écart de langage, la mauvaise humeur, l’hypersensibilité ne sont pas les ingrédients indispensables d’une bonne recette pour une bonne gouvernance. Le drame de Mascara n’est pas indivisible de ce que vit, comme tel ou autrement le territoire national. Mais à l’inverse de la placidité, l’actualité à Mascara fait que les langues se diluent, les pancartes se hissent au moment où la dépouille du fonctionnaire disparu s’enterre et avec elle son dossier.
par Kamel Daoud