Suite à la chronique de jeudi dernier, je reçus un message du journaliste M. Nazim MEKBEL fils de Saïd, le billettiste assassiné par les terroristes. Dans ce message, il me disait qu’il a lu le texte et souhaiterait en parler avec moi.
Après un bref échange, il m’apprit qu’il œuvre depuis 2000 contre l’oubli. L’oubli de toutes ces victimes dont personne n’est en mesure de donner le nombre exact. Les plus «officiels» parlent de 80 000, alors que les plus avertis situent le chiffre entre 150 et 200 000.
Nazim m’a convaincu dès qu’il m’a lancé «je ne veux pas parler uniquement de mon père. Je veux parler de toutes les victimes qu’elles soient journalistes, écrivains, artistes, gendarmes, policiers, militaires ou bergers et simples citoyens.»
Effectivement, après la visite du blog créé à cet effet, je découvris les hommages rendus à différentes victimes de toutes classes sociales. L’objectif fondamental est d’éviter de tomber dans l’oubli. Cet oubli que Mon ami Karim inclue la lutte contre, comme élément exigé par l’Histoire. Il n’a pas tort !
A la télévision hier, on était fier d’annoncer que depuis la promulgation de la charte sur la réconciliation en 1999, le nombre de redditions a atteint le chiffre de 15 000 dont 54% soit 8 000 ont bénéficié de l’amnistie totale! Parmi ces repentis figure Madani MERZAK qui, toute honte bue, un sourire ironique et narguant, racontait sur le plateau de la télévision d’État, les détails de l’assassinat d’un jeune appelé qu’il a commis lui-même. Mais il est vrai que la charte exclue explicitement l’amnistie pour « ceux qui ont les mains tâchées de sang » (?) Les repentis ont bénéficié de tous les avantages et facilités : accès au logement prioritaire, réintégration dans le milieu professionnel avec indemnisation… L’argent du racket a été utilisé pour déstabiliser dangereusement le marché de l’immobilier et probablement dans le commerce de la drogue avant d’être blanchi dans le créneau juteux de l’import-import.
Les hommages rendus aux victimes du terrorisme ne le sont que par les proches, qui luttent amèrement contre l’oubli. C’est le cas dernièrement de celui de feu BELKAID où nous n’avons enregistré aucune réaction des officiels. Les rares fois où les structures de l’État s’impliquent dans un quelconque hommage, c’est inévitablement orienté vers la récupération comme ce fut le cas ce 27 septembre à Sfisef pour les Enseignantes. Un ami témoin est revenu consterné et outré par le degré de récupération de l’évènement.
Lors de son procès, Eddib Eji3ane, le bourreau des 11 Enseignantes et de l’Enseignant, déclarait en réponse au magistrat : «Dieu Pardonne ce qui a précédé ! » Aucun regret, mais surement beaucoup de remords enfouis dans le subconscient.
La région de Sidi-Bel-Abbès a vécu les affres de la décennie noire autant que les autres régions. Outre les enseignantes, il ne faut jamais oublier Lakhdar BOUHAOUD un directeur d’établissement devenu manager d’entreprise qui paya ses positions courageuses par non seulement son assassinat par la horde mais également pour avoir été le premier «cadavre piégé» mettant fin à la vie des agents de la protection civile venus récupérer le corps.
BENZOHRA, le Directeur de l’unité Télagh de l’ENIE que j’ai connu personnellement, était celui qui bravait tous les dangers. Les navettes quotidiennes Sidi-Bel-abbès – Télagh, tôt le matin et tard le soir ne le faisait pas reculer, malgré les appels à la prudence de la part de ses proches et ses amis. Il tenait à être avant l’heure au boulot. Pour lui, c’était un défi. L’unité qui employait plus d’une centaine d’ouvrières, devait continuer à fonctionner, même si le seul hôtel de la ville nouvellement réceptionné venait juste d’être complètement ravagé par la horde sauvage. Cela ne le décourageait pas, ni ses collègues Cadres. Il continuait. Il luttait. Le jour fatidique arriva. Cela était trop facile pour les assassins. Un barrage le matin à l’entrée du Télagh aurait suffi pour le neutraliser. Atrocement. Torturé, malmené avant d’être écartelé. Sa tête ne fut jamais retrouvée ! BENZOHRA est déjà dans l’oubli.
Je ne saurais remuer les consciences sans faire référence à toutes ses jeunes filles enlevées par les terroristes pour le «jihad sexuel» Celles qui ont fait le travail d’ «épouses» et de «servantes» d’Émir de pacotilles. Non seulement oubliées, mais également rejetées totalement par une Société aux comportements primitifs, honnies par les familles et le voisinage. Pour leurs enfants nés au maquis, c’est pire ! Comment vont-ils grandir, ces descendants des terroristes ? Quel âge adulte vont-ils vivre ? Quelle va être leur réaction face au «statut » que leur confère la Société dans laquelle ils vivent ? Cette Société qui se ferme les yeux pour ne pas les voir ! Les résultats sont et seront stupéfiants. Des preuves ? L’assassinat et les mutilations d’enfants qui prennent une ampleur inouïe sont l’œuvre de jeunes de la génération de la décennie noire. Une étude psycho sociologique nous édifierait certainement.
La réconciliation ce n’est pas uniquement accorder le pardon aux assassins. La réconciliation c’est d’abord le repentir par les excuses et les demandes de pardon. La réconciliation, c’est la prise en charge des victimes, pas uniquement des repentis. La réconciliation, c’est d’abord lutter contre l’oubli.
Sinon, les plaies ne se cicatriseront jamais. Non jamais !
djillali@bel-abbes.info
(1) Titre emprunté à mon ami Karim Ould Nebia prélevé dans un de ses commentaires.
Mr Djillali C…..Alors commencez vous….. à pardonner…..!!!!
Il est vrai aussi, que nous avons à nous pardonner avant que nous sachions commencer à pardonner aux autres……!!!
Je pense que votre article concerne tous les Algériens qui ont subi de près ou de moins près, les effets néfastes de la ‘pollution’ d’une décennie noire concoctée par les ennemis de tout bord (intérieurs et extérieurs) de la nation…des ennemis présents à tous les niveaux,dans tous les camps…et derrière les rideaux noirs…!!! C’est aussi, une guéguerre qui ne dit pas son nom, de règlements de compte et d’intérêts idéologiques, géostratégiques et économiques qui dépassent bien nos petites cervelles et nos bouts du nez… !!!! Quelque soit X ou Y, lorsqu’il s’agit de pardonner, même sans oublier, pour le cas des Algériens frères et même frères-ennemis, je trouve que c’est une très bonne chose pour l’intérêt suprême de la nation… !
Le printemps sans hirondelle, on l’a déjà connu, bien avant les autres…!
Vous dites : « La réconciliation, c’est d’abord lutter contre l’oubli…..Sinon, les plaies ne se cicatriseront jamais. Non jamais!.. » voilà une belle phrase que je voudrai dédier à ceux qui prônent le rapprochement entre les deux rives sans ‘tirer de freins à main’…?!!! « La mémoire est l’instrument de l’oubli. »
« La réconciliation ce n’est pas uniquement accorder le pardon aux assassins. La réconciliation c’est d’abord le repentir par les excuses et les demandes de pardon. »…! Une autre belle phrase aussi qui conforte ceux qui demandent la repentance de la France pour les crimes qu’elle a commis de 1830 jusqu’à 1966…et encore ce n’est pas suffisant, d’ailleurs certains crimes de la décennie noire ressemblent beaucoup à ceux d’antan….. !!!! « Tout pardon a sa récompense. » même si « Pardon ne guérit pas la bosse. »
Bonne soirée
Les belles paroles c’est bien de les réciter , de les mémoriser , etc…….. mais le plus important est ailleurs ……….LE PARDON est une vertu CHRETIENNE .mme.
Mr Boualem, vous avez raison, le plus important est ailleurs….!!! Il est dans l’application et non pas dans la récitation et la mémorisation des belles paroles, seulement….!!!!
Vous devez sûrement savoir que l’Islam est une religion fondée sur le Pardon , le don de soi et l’altruisme : un bon musulman n’est-il pas charitable? Un bon musulman n’accorde-il pas son pardon alors qu’Allah est Miséricorde…?’
L’une des marques de moralité supérieure recommandé dans le Coran est le pardon:
« … Qu’ils pardonnent et absolvent. N’aimez-vous pas que Dieu vous pardonne? Et Dieu est Pardonneur et Miséricordieux!… » (Coran, 24 : 22)
C’est pour cela, que les croyants doivent être des personnes indulgentes, bienfaisantes et tolérantes, qui, comme le révèle le Coran, « … dominent leur rage et pardonnent à autrui ». (Coran, 3 : 134)
D’après une récente étude, les scientifiques américains ont confirmé que les personnes qui sont capables de pardonner sont en bien meilleure santé …. Toutes les recherches disponibles établissent que la colère est un état d’esprit qui altère la santé. Le pardon, bien qu’il soit parfois ardu aux hommes, il révèle une forme de moralité distinguée, qui écarte toutes les suites nuisibles de la colère, et contribue au maintien d’une vie salubre, du point de vue psychologique et physique de l’être humain. Quoique, le but du pardon doit être aussi celui de plaire à Notre Créateur….!!!
Le fait que les caractéristiques de cette moralité, dont les privilèges ont été reconnus scientifiquement, ont été énoncées dans plusieurs versets, prouve simplement l’une des multiples sagesses qu’il comporte.
Alors, si nous, Minus Créatus, nous suivons pas les concepts de notre religion, c’est de notre faute…si tout va de travers…..!!! N’est ce pas Mr Boualem…???
Très beau commentaire je suis d’accord avec tout ce que vous dites LE PARDON est important chez les musulmans (es) mais la réalité est tout autre mme le cygne une autre époque d’ autres mœurs si toutes les femmes pensent comme vous le monde ne sera que meilleur hélas………….. le problème est tout autre ………….. plein de drames familiaux ,de crimes, à cause du pardon nous n’avons plus de repères . avouons le ……………
Pourquoi nous n’avons plus de repères Mr Boualem…??? Où sont-ils passés…..??? Voyons…!!! Ce n’est pas à cause du Pardon….!!!! c’est parce qu’on a délaissé le Grand Manifeste et nous suivons, bon gré mal gré, le minus manifeste des gens heureux (pour un moment) qui est entrain de mener toute l’humanité, tout droit vers le fond du tunnel sans bout…!!!
C’est un TOUT, Mr….!
Il ne faut pas confondre laxisme et Pardon…!!!
Bonjour Madame.
Le bonheur est acquis quand on réalise que la sagesse est la perfection de l’intelligence. Ainsi, on peut aisément affirmer que celui qui possède la sagesse, il sait discerner entre le bien et le mal.En parallèle, il faut réaliser que le pardon ne se mesure pas, il est facteur de paix pouvant clore les débats et les rancunes inutiles en excluant le facteur oubli. Ce dernier, s’il existe chez l’homme, il demeure un signe prépondérant d’une maladie contraignante dont le traitement n’aboutit pas à la guérison totale. C’est une perte de mémoire. Cette dernière est la pierre angulaire dans l’écriture de l’histoire d’une nation. Doit-on pardonner pour oublier?
Mes amitiés.
Salam Mr Reffas….!!!!! Doit-on pardonner pour oublier….???
Vous savez bien que non, et je dirai, ni oublier pour pouvoir pardonner….!!!! D’ailleurs, à mon avis, la réponse existe dans votre commentaire et je la trouve convenable à condition de donner à chaque mot son importance : » Le pardon ne se mesure pas, il est facteur de paix pouvant clore les débats et les rancunes inutiles en excluant le facteur oubli. »
En effet, ça rejoint un peu le sens des citations que j’ai choisi pour ce contexte « Tout pardon a sa récompense. » même si « Pardon ne guérit pas la bosse. »…. j’ajouterais, parce qu’on ne pourra jamais »tout oublier »……!!!! «Les erreurs sont toujours pardonnables; Seulement si celui qui les a commises a le courage de les admettre» ou encore……«Les actions pèsent plus que les mots. Nous pouvons nous excuser encore et encore, mais si nos actions ne changent pas, nos mots restent sans valeur»
A Bon entendeur Salam…..!!!
Mes Respects Monsieur Reffas….!
Bonjour.
J’ai été témoin aussi ce jour du vendredi 27 septembre 2013. Lorsque le chef de daira a pris la parole à la place du concerné à savoir le président de l’association de wilaya des victimes du terrorisme, j’ai quitté les lieux.Je tiens à préciser que le monde entier a pleuré les martyrs du savoir et la réaction spontanée du directeur général de l’UNESCO demeure une preuve.La mémoire collective a pris note pour rejeter toute tentative de récupération, surtout d’ordre politique.
Bonne soirée.