Deux évènements majeurs ont marqué ces dernières semaines. D’abord la visite du Ministre des Affaires étrangères du Qatar qui s’est empressé de signer le contrat de réalisation du complexe sidérurgique de Bellara après les déclarations fracassantes de Amara Benyounès « Le complexe sera réalisé avec ou sans les Qataris!» On retiendra également l’audience qu’a accordée Medelci, Président du Conseil Constitutionnel à ce Ministre de Golfe. Mais dans quel cadre, un Président de cette instance peut-il recevoir un Ministre des AE d’un Pays étranger ? Cela n’entre ni dans les coutumes, ni dans les pratiques diplomatiques. Au fait, il semblerait que celui-ci est venu spécialement pour montrer la bonne volonté du Qatar depuis le changement à la tête de l’Émirat, en présentant des excuses à Medelci suite à l’épisode de la ligue arabe qui concernait la crise Syrienne et où le diplomate Qatari aurait tancé vertement notre ex-Ministre des Affaires étrangères.
Le second évènement plus récent, aura été sans conteste, la visite du Ministre des Affaires étrangères de l’Égypte. Cette visite est d’autant plus énigmatique, que M. Fahmi s’est empressé de clamer que «cette visite n’a rien à voir avec la situation intérieure de l’Égypte, mais qu’elle a pour objet la concertation sur des problèmes régionaux et internationaux qui concernent les deux Pays »
Cette visite vient d’être suivie par celle du Ministre de l’intérieur du royaume Wahhabite. Ce ballet incessant de diplomates et responsables Arabes notamment, dénote de l’importance que commence à prendre l’Algérie dans le degré d’influence décisionnelle.
Depuis l’avènement des «printemps» l’Algérie a traversé deux étapes. La première a muré le Pays dans un isolement extrême, taxé d’État totalitaire, où la démocratie n’arrive pas à s’imposer. Plusieurs tentatives seront orchestrées pour entraîner notre Pays dans les troubles similaires, mais en vain. La seconde étape, générée par la situation chaotique connue par les Pays où les épines ont fleuri beaucoup plus vite que les roses dans un printemps plutôt orageux a placé l’Algérie comme seul Pays capable de jouer les médiations et fournir une expérience ardue dans la lutte contre le terrorisme.
Trois ans plus tard, la Tunisie continue depuis les émeutes du Jasmin à vouloir retrouver la sérénité. Elle reste jusqu’à aujourd’hui en perpétuelle lutte entre ceux qui voudraient maintenir un État Laïc et moderne et ceux qui s’acharnent à instaurer un régime «islamiste». Les débats sur la nouvelle Constitution sont houleux et un seul article a causé des suspensions interminables de séances, aboutissant inévitablement à des compromis qui, certainement causeront des problèmes lors des interprétations.
Avant la destitution du Gouvernement d’Ennahda, l’Algérie a du être appelée à la rescousse pour jouer le rôle d’intermédiaire entre les parties en conflit et c’est à ce titre que le Président Bouteflika a reçu le chef d’Enanhda et Baji Kaid Essebsi.
La Libye connaît des évènements plus graves. La configuration du Pays léguée par El Gueddafi était propice à des menaces de dislocation, tant les institutions n’étaient pas en place dans ce pays où la sécurité est devenue inexistante, puisqu’on enlève et assassine des membres du Gouvernement provisoire avec une facilité déconcertante. Le Pays est désormais régi par le système tribal. Si l’on ajoute tout l’arsenal militaire tombé entre les mains des radicaux, le terrorisme n’aura que des avantages. L’attaque de Tiguentourine en est le résultat immédiat.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la visite de Sellal en Libye. Se replacer dans le leadership, renouer les relations avec un État frontalier où les intérêts de l’Algérie ne sont pas absents (investissements de SONATRACH notamment) et améliorer l’image confectionnée sur l’Algérie à propos de sa position concernant le renversement du régime de Gueddafi par les armes.
La Syrie en guerre civile depuis plus deux ans, ne voit pas le bout du tunnel et l’Algérie qui l’avait prédit le premier jour, s’est trouvée isolée et accusée de tous les maux, par une levée de boucliers jamais vue auparavant.
Dommage que le Président Bouteflika soit malade. Lui, rompu aux arcanes de la diplomatie extérieure, s’il était en bonne santé, aurait certainement donné plus de tonus à ce regain de la diplomatie algérienne en sillonnant le Monde.
L’Égypte qui se réveille des veillées de la Place Ettahrir, se rend compte qu’elle a frôlé l’apocalypse. Par la volonté des monarchies du Golfe, le Pays s’est retrouvé entre les mains des frères Musulmans. Destitué, Morsi se voit soutenu par l’internationale islamiste et notamment le Qatar, même si l’Arabie Saoudite a pris ses distances, du moins diplomatiquement. L’Émirat le plus riche du Monde, a consacré un Conseil des Ministres exclusivement à l’Égypte. Le MAE Égyptien convoque l’ambassadeur du Qatar, crie à l’ingérence et rappelle son Ambassadeur à Doha.
C’est certainement dans ce contexte qu’il faut situer la visite de M. Fahmi en Algérie. La recherche de la reconstitution de l’axe Égypte – Algérie un peu comme celui qui a prévalu du temps de Nasser et Boumédiène, d’autant plus que Bouteflika en est un survivant et Sissi ne peut être qu’un discipline du Général Chadli. Il vient d’ailleurs de demander au Peuple de le soutenir pour se porter candidat aux présidentielles. Il doit s’imprégner de l’exemple de l’Algérie en recourant aux « comités de soutien spontanés ». La seule nuance est que El Sissi est relativement jeune. Le référendum sur la nouvelle constitution a presque déjà plébiscité El Sissi. Moubarek, certainement réjoui de la reprise en main du Pays par un de ses disciples, ne s’est pas privé de solliciter le président de la commission électorale pour lui permettre de participer au scrutin.
Les deux Pays ont toujours été des leaders sur le plan continental, mais aussi arabe. Il s’agit pour eux de constituer une force à même de peser dans les décisions qu’auront à prendre les unions Africaine et Arabe. C’est à ce prix que l’Égypte pourra, avec le bénéfice de l’expérience algérienne en matière de lutte anti-terroriste, amoindrir son isolement sur la scène Arabe et Africaine en particulier et sur la scène internationale en général.
Cette nouvelle donne géostratégique, si elle consolide les positions de principe immuables de notre Pays et en particulier la non-ingérence et le respect des peuples à disposer de leur avenir et améliore la place de l’Algérie dans le concert des nations, elle est malheureusement, sur le plan interne plutôt négative, puisqu’elle consolide le système et retarde l’avancée de la démocratie et les implications des évènements d’octobre, la vraie révolution, le seul vrai printemps arabe.
djillali@bel-abbes.info
«L’AXE ALGÉRIE – ÉGYPTE RECONSTITUE?»
2 thoughts on “«L’AXE ALGÉRIE – ÉGYPTE RECONSTITUE?»”
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Le royaume saoudien est en état de panique pour trois raisons géostratégiques:
– Il n’arrive plus à contrôler les dérives et la barbarie de la chair à canon qu’il envoie se battre au nom d’Allah en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban.
Des combats fratricides opposant le front el nusra et d’autres factions se déroulent en Irak et en Syrie et décrédibilisent l’opposition armée contre Assad et jettent l’opprobre contre ses sponsors: l’Arabie Saoudite et le Qatar.
L’observatoire des droits de l’homme comptabilise plus de 300 morts dont de nombreux civils.
Depuis, l’émir d’el nusra,Abu Mohammed al Julani s’égosille à prêcher la fin des combats et demande l’arbitrage d’une court islamique pour trancher le différent
-L’Arabie saoudite a cautionné la liquidation des Frères musulmans égyptiens à partir du moment où ces derniers ont amorcé un rapprochement stratégique avec l’Iran pour dépasser le clivage instrumentalisé entre sunnites et chiites.
-L’élection du pragmatique président Hassan Rouhani et le rapprochement avec les Usa ont fait totalement basculer le jeu des alliances et l’Arabie saoudite apparaît de plus en plus pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un fauteur de troubles et le fossoyeur de l’unité du camp arabo-musulman.
La dernière carte scélérate a été l’achat de trois milliards d’euros d’armement au profit de l’armée libanaise pour permettre à cette dernière de se débarrasser à terme de Hezbollah et d’ôter toute capacité de résistance au Liban.
Ce matériel a été acheté à la France qui a réclamé à cor et à cri une intervention militaire en Syrie car Assad mettait ‘ trop de temps à tomber’!
Maintenant à en déduire qu’Alger a retrouvé son influence et son poids diplomatique, relève d’un vœu pieu et d’une ignorance des réalités complexes de la géopolitique.
Avec l’Iran autorisé à intervenir en Iraq par les américains, les saoudiens ont compris le renversement des alliances et tente de réactiver la fitna en faisant faire aux idiots utiles une guerre par procuration entre’ sunnites orthodoxes et chiites sectaires’ en la présentant comme une guerre sainte globalisée.
L’enjeu n’est que celui de garder la rente religieuse et d’empêcher le monde arabo-musulman à asseoir son unité.
Saddam Hussein lui aussi a été instrumentalisé et a fait le malheur de son pays et de son peuple.
Apprenons de l’Histoire et réalisons que l’Arabie saoudite et le Qatar ne conservent leur stabilité relative qu’en déstabilisant leurs voisins en étant les instigateurs du chaos.
L’Algérie qui a toujours maintenu des liens privilégiés avec la Syrie et l’Iran sait mieux que quiconque qui sont ses faux-frères!
Il faudrait être trois pour former un AXE qui passe toujours par un centre ! Algérie – Egypte…….j’ai beau chercher le troisième mais je ne le trouve pas ! Presque tous sont dans le coma (La Syrie après Geneve2 ?)
Toutes fois ! Il me semble que les carottes sont cuitent pour le royaume wahhabite-Saoudite. Le Qatar, lui peut se tourner vers l’option « Tourisme » comme les autres.
Peut-on dire que c’est l’occasion parfaite ? Pour notre ministre A-E, Mr Lamamra de reprendre en urgence ce qui est resté en stand by dans cette décolonisation de la Ligue Arabe, notamment sa réforme et surtout d’ouvrir un siège pour la RASD (Sahraoui). A condition bien sûr de ne pas trop s’approcher des intérêts stratégiques de l’oncle Sam, le judoka Vladimorivich Poutine et les chinois jaunes briseurs de grève. Les autres peuvent rire ! Mais ils riront jaune bientôt !