Le rapport avec la lecture est toujours lié à la trame. Mais souvent, le lecteur se place immédiatement dans la peau du personnage. J’ai souvent eu la chance d’avoir des livres dédicacés par leurs auteurs en dehors des traditionnelles vente-dédicace. Si Kateb Yacine (Nedjma) a provoqué en moi ce bonheur de jeune lycéen, occultant le livre lui-même, auquel d’ailleurs, je n’avais rien compris, je l’avoue; si Yasmina Khadra (les sirènes de Baghdad) et Rachid Mimouni (Tombéza) provoquèrent en moi un sentiment de dégout incarné par les vécus de leurs personnages, leurs livres m’ont fortement marqué. Si Rachid Boudjedra et Kamel Daoud me procureront un bonheur infini de voir un patriote régler les comptes d’un « illustre » Harki en plein stade lors de la Coupe de France et un autre venger (littérairement) la mort de son frère; celui d’Amel Chaouati aura été différent sur plusieurs plans. D’abord, le personnage principal n’est pas indiqué de façon claire. Tantôt, c’est l’Émir, mais à peine, il commence à m’hypnotiser, qu’il cède sa place aux femmes et enfants qui l’accompagnent. L’émotion commence alors à vous étreindre suscitant des larmes inévitables, voilà que l’auteure s’impose elle-même comme personnage de la trame. Au bout, un sentiment à la fois de bonheur et d’amertume. Bonheur de découvrir un pan de notre Histoire occulté pendant longtemps, mettant en exergue que souvent l’Histoire est instrumentalisée, y compris par les pays se prétendants démocratiques. Amertume de ces femmes et enfants déracinés ayant vécu affres, souffrances, mort sans respect dans une dignité bafouée. Le slalom entre vécu personnel et Histoire, réalisé avec une prouesse admirable, met en évidence cette nécessité de transmission à laquelle Amel CHAOUATI accorde une importance particulière. Pour cela, le livre se lit et se relit.
Autant Amel CHAOUATI avait peur d’écrire ce livre, éprouvant ce que ressentait la Princesse de Bornes sous la plume de J. COCTEAU : «Touchait à ce qui ne se touche pas, ouvrait ce qui ne s’ouvre pas et parlait sur la corde raide, au milieu d’un silence glacial » autant j’avais peur de parler de ce livre.
Autant elle avait «peur de toucher à l’Histoire d’un Personnage verrouillé en Algérie comme en France par le politiquement correct, ennemi véritable de l’Histoire», autant j’avais bigrement peur de soulever un tollé.
Mais cette émission de jeux-télé que j’ai eu la malchance de rencontrer au cours d’un zapping, sur une chaine nationale privée, a provoqué en moi une réminiscence des dits d’Amel CHAOUATI. Dans cette émission, l’animateur posait une question à choix multiples au candidat : « En 1847, L’Emir Abdelkader a été exilé à : 1.Tanger, 2. Alexandrie, 3. Damas.» Le candidat répond : «Damas» L’animateur : «bonne réponse!» Et cela me rappela, lorsqu’elle revient sur l’enseignement de l’Histoire à l’école Algérienne où «la guerre provoquée par les Hommes semble donner à eux seuls toute la légitimité d’écrire l’Histoire pour ne parler que de leurs violentes prouesses et justifier quand ils ne peuvent nier, leurs humiliations et défaites»
Pourtant, il y avait bien longtemps que j’avais lu ce livre, pour lequel je me suis promis de le faire pour le lecteur. Mais cette manière d’écrire d’Amel CHAOUATI m’en a dissuadé par sa complexité et son originalité.
Ce livre, on ne sait s’il s’agit d’un Roman, d’un essai ou d’un précis de l’Histoire. L’auteure elle-même s’est posé la question avant d’entamer l’écriture. Et puis, il y avait se lancinant dilemme : Comment se permettre de reléguer au second plan l’Émir, pour ne parler que des Femmes?
Dès qu’on entame la lecture du livre, on a l’impression qu’il s’agit d’une romance où le personnage principal – une femme – décide d’aller à la recherche de l’aventure. Son voyage Paris-Amboise n’aura duré que l’espace d’une page et demi et autant de jours au bout desquels, elle rencontre…. Leonardo Da Vinci. Au salon de musique du château, première incohérence de l’Histoire : Le tableau de l’Émir cohabite avec celui du Duc d’Aumale. Deux «ennemis» faisant chambre commune !
Finalement, elle trouve ce qu’elle est venue chercher : 25 tombes de femmes, hommes et enfants. Satisfaite ? Elle aurait pu si, un peu plus tard elle ne découvrit que jusqu’en 2005, ils étaient tous dans une fosse commune ! Elle décida alors de « suivre les traces des femmes ensevelies par la béance de l’Histoire » Mais comment? Tout simplement en optant pour la«transmission,» fortement influencée par Assia Djebbar. Commence alors le début de la découverte, avec des flash-back sur sa propre histoire et son propre rapport avec l’Histoire, à partir du moment où elle saura que tout a commencé le 24 Décembre 1847, lorsque « 97 personnes dont 26 femmes, 6 filles, 9 garçons et de nombreux nourrissons embarquaient à bord de l’Asmodée, ignorant leur destination finale.» qui, à défaut d’Alexandrie la ville promise, se retrouveront à Toulon, pour ensuite Pau et enfin Amboise.
Dans cet exercice d’écriture ardu, emprunt d’émotion et de quête identitaire, mêlé d’approches psychosociologiques (voire de psychanalyse !) de recherche d’identité, d’émotionnel et bien évidemment d’Histoire, A. CHAOUATI – avertissant qu’elle n’a aucune prétention d’Historienne – est contrainte de revenir souvent sur la Personnalité de l’Émir, et la polémique de sa reddition. « Il y a une version Française et une version Algérienne : coté Français, on souligne la reddition et on élude la trahison de la parole ainsi que les cinq années d’emprisonnement (…) coté Algérien on fait fi tout simplement de ces éléments » Pourtant les deux prônent l’idéalisation excessive du Personnage Historique : « On aime ainsi s’attarder sur sa physionomie , oubliant l’Homme politique et le Guerrier qui a tenu en haleine pendant quinze ans, l’une des plus grandes armées du monde » Coté Algérien, on ne retient que « le fondateur du premier État Algérien » Elle fut surprise de découvrir pour la première fois que ce «fondateur de l’État Algérien s’est rendu au Français ». Elle découvre également qu’il a été emprisonné pendant cinq ans avec des femmes et des enfants, même si les dépliants mentionnent le politiquement correct « assigné à résidence » Mais ce qu’il y a de plus fort, c’est que trahi par le Sultan du Maroc, abandonné par les siens, encerclé par l’ennemi, il « avait choisi l’exil (….) préférant se rendre et protéger les siens plutôt que de mourir »
Quand elle décida de sonder les « béances de l’Histoire » pour redécouvrir ses Femmes, les traces furent infimes. Les archives ne concernaient que le Personnage Mythique. Le reste est envahi par l’oubli. A. CHAOUATI fut obligée -transmission oblige – de faire appel à la fiction. Pas tout à fait. Sur la base d’archives et d’écrits, elle faisait revivre ces femmes dans leur réclusion, mettait en exergue les insupportables conditions de vie et d’hygiène, l’incompatibilité de leurs us et leur mode de vie avec ce qui était imposé en terre « infidèle » Elle tentait de nous faire revivre la lutte inégale avec les maladies, la malnutrition, le froid inhabituel, et comment les seins se sont taris, le lait absent pour les nourrissons. Certains sont morts avant qu’on les prénomme, est-ce pour cela que leur épitaphe se contente de «Tifl»? Les femmes vivaient très mal la promiscuité avec les gardes du château provoquant souvent l’ire des hommes, astreints à l’honneur. Les nourritures, l’examen médical par un Médecin «infidèle» et de surcroit homme, étaient inacceptables pour ces Femmes rompues à l’Honneur, la dignité imposés tant par leur origine bédouine que de leurs convictions religieuses. Le choix est inévitablement la mort. Habitués à l’espace, ils furent cloitrés dans des geôles au Fort Lamalgue avec un mètre carré à chacun pour se mouvoir.
En quittant Toulon pour Pau, deux tombes sont laissées. Celles de la petite Fatma (2 ans) et de Salem. En cours de route, c’est Zineb qui périt, suivie à l’arrivée par celle Mohammed, la petite Khadidja fille d’Abdel Kader (2 ans). Grâce aux archives compilées, l’auteure reconstitue le vécu de ses femmes et s’engage dans des voix attribuées aux captives : La première se lamente sur son sort : « Durant toute la période de notre détention, nous n’avions pas le droit de sortir. Seule une parcelle du jardin nous a été attribuée pour nos promenades. Mais les hommes l’occupaient en permanence ce qui nous empêchait (…) de sortir »
La 2ème voix regrette : « Qui se souvient encore aujourd’hui qu’au fond du jardin du château d’Amboise, à quelques pieds sous terre, il y a un cercueil dans lequel repose le corps d’une jeune Algérienne morte à l’âge de 22 ans? »
La troisième se plaint : « Un domestique est mort brutalement d’un choléra foudroyant qui l’a emporté en trois heures. Le lendemain, toutes les femmes se sont réveillées malades… »
Dans une lettre adressée à ses autorités, le Médecin a recensé un ensemble de maladies : Scrofules, rachitisme, névralgies diverses, rhumatismes musculaires et articulaires, dartres et diverses irruptions cutanées, ophtalmies, tumeurs hydatiques etc.….
Le plaisir de la lecture nous fait découvrir dans la douleur, l’histoire qui aurait pu être celle de ses femmes et enfants oubliés de l’Histoire, mais aussi l’auteur, son rapport avec l’Histoire qui a façonné sa Personnalité à laquelle elle impose une remise en cause. L’Histoire de ces femmes a-t-elle exorcisé le présent de l’auteur ? Probablement. Au cours de ses pérégrinations à la recherche d’une vérité, ne s’exclame-t-elle pas: «Mes jambes m’emportent là où le silence l’emporte!»
Le mérite d’Amel CHAOUATI? Laissons plus spécialistes que votre serviteur profane, y répondre. Maissa BEY, auteure de la postface de l’œuvre y écrit : « On serait tenté de croire qu’un exil forcé….. ne pouvait être qu’une villégiature, pendant laquelle l’Émir et sa suite se prélassaient » (…) « Je dois à présent le dire. Je n’ai « vu » à Amboise que l’Émir. Je n’ai suivi que ses traces. A aucun moment ne m’est venue l’idée qu’il n’était pas seul à souffrir. A aucun moment, je n’ai pensé que d’autres personnes avaient partagé ce deuil, peut-être de façon plus tragique encore. La figure de l’Émir était (est) tellement imposante qu’elle a relégué dans l’ombre et dans l’oubli toutes les autres.(….) Il a fallu qu’une jeune femme, un jour, entende leurs voix. Qu’elle capte ce long cri muet, le cri de toutes les reléguées. Il a fallu enfin que cette jeune femme, comme poussée par une force mystérieuse, aille à la recherche de leurs traces. Des traces si tenues si volatiles, qu’elle peine à les retrouver… »
L’Historienne Christelle TARAUD affirme: «A ma connaissance, la seule étude (….) sur les femmes indigènes déportées est celle d’Amel CHAOUATI (…) Elle « retrace ce que fut ce séjour pour des femmes nomades et musulmanes de l’Ouest Algérien catapultées dans une terre étrangère et «infidèle» au climat difficile. Ne sortant pas, ne parlant que l’arabe, soumises à des conditions d’emprisonnement extrêmement dures, ces femmes développent des maladies telles la mélancolie et la langueur… et meurent ainsi que leurs enfants. Les 25 tombes du château d’Amboise comme le souligne à juste titre, A. CHAOUATI, sont encore là pour témoigner de cette Histoire douloureuse».
djillali@bel-abbes.info
Amel CHAOUATI: « Les Algériennes du château d’Amboise. La suite de l’émir Abd-El-Kader » Editions La Cheminante, 2013
Pour parler’de l’emir Abdelkader il faut tout d’abords parler de Mascara ensuite décrire une zaouia. Il faut aussi placer les elements a leurs place. Les juifs musulmans d’algerie ont joué un role tres important dans la resistance algerienne contre les coalisés judeo’chretiens.’mascara etait composé par des arabes des turque et des juifs..on ne sait pas si mascara servait comme base de reception de la zakates? On ne sait pas comment les turquesnorganisait la’collecte de la zakate.
Concernant le mode de fonctionnement d’une zaouia y’a pas la notions de khdime et esclaves..ces deux notions vous les trouvez dans le’cercle des marabouts..
Une zaouia c’est une assemblé de notables..c’est petite assemblé parlementaire a la taille d’une region..les membres de la zaouia chacun avait ces affaires a gerer. La majorité des arahes etaient le pastoralisme qui avaient une tres grande richesse. Une autre classe avaient les cultures des dattiers. Les juifs par natures etaient dans le’commerce et les services lié’a la’justice notaire avocats etc io savaient lire et ecrire..’.
Si vous dite mr Reffas que l’auteur parle d’esclave cette auteur ne sait rien du monde des zaouia. Ni de mascara et sa position a l’ouest du pays.
Politiquement parlant un membre de zaouia lorsqu’il’déclanche les ostilité c’est pour preserver et negocier une part de gateau…une fois les negociations obtenue les ostilité cessent et chacun campe sur son territoire. L’emir est particulier dajs une assemblé’ d’une zaouia. S’il a’poussé loin la guerre, donc il étaient animé’par des poussé inflamatoire ideologique et religieuse. Il négocie rien comme ces freres, il n’accepte pas les europeens chretiens sur le’sol algerien c’est tout. Cette idée est aussi partagé par des juifs algeriens eux aussi n’acdepte pas le catholique et le répugne mais accepte le protestant qui les toléres’ l’emir et les juifs d’algerie avaient le meme preocupations..c’est pourquoi dans le clan des juifs algerien et non d’algerie
Y’avait une fracture entre ceux qui acceptaient le’romain qui débarque en algerie et qui leur offre l’assimilation, et les autres qui refusent cet offre et prefere se ranger au coté de l’emir jusqu’a la victoire finale de 1962..le combat etait continu il a commencé en 1830 et s’est terminé’en 1962..
Ce sont les socialiste algerien arabe et europeens qui ont voulut pour une tentative de récuperation faire la distinction entre la periode de l’emir et la periode de 54. Parceque si la fusion etait faite ils n’auront pas les postes qu’ils ont prie s
Les zaouia algerienne ne veulent parler de l’histoire car il dedans le combat des juifs algeriens ..face au romains les juifs algerien et les arbes algeriens se partageaient les meme soucis..ils avaient le meme combat chacun le faisait a sa maniére jusqu’a maintenant…l’emir etait finalement récuperé par les juifs des mains des catholiques français et l’ont organiser une retraite en dehors de l’algerie…ils ne pouvaient pas traité un allié autrement..
Bonsoir
« Les Algériennes du château d’Amboise », reste à mon avis une tentative qui a brisé les tabous qu’entretiennent nos historiens quand ils s’agit d’évoquer la résistance de l’Emir Abdelkader. L’auteure a évoqué deux types de femmes qui ont accompagné Abdelkader durant son séjour en France, les esclaves et les domestiques. deux rangs différents dans la hiérarchie imposée dans la vie au sein de la smala. Il existait même des esclaves affranchi(es) qui ont fait le voyage avec l’Emir. De là, on a une idée sur le rang que s’est attribué Abdelkader pour guider les tribus qui l’ont soutenu. Un rang pareil à celui du roi Moulay Aderahmane du Maroc. Le froid et l’éloignement de la terre natale se sont ajoutés aux souffrances que subissaient quotidiennement les femmes de rangs inférieurs à l’entourage immédiat de l’Emir et de ses khalifas. Une réalité qu’on refuse d’évoquer au même titre que sa reddition à laquelle on a donné plusieurs interprétations pour s’éloigner de la capitulation. A ce jour, nos historiens n’ont pas trouvé le terme moins vexant pour définir le geste de l’Emir.
En dehors, du travail de recherche effectuéi sur le séjour des femmes au château d’Amboise, l’auteure a relaté un évènement que je considère, selon mes lectures sur l’épopée d’Abdelkader, comme étant faux. A la page 46, elle précise que l’Emir a envoyé son Khalifa(lieutnant) Ben Kouia remettre une première lettre au général Lamoricière. Je pense que Ben Kouia, ou plus exactement lieutenant Mohamed Boukhouia, était un officier spahis qui servait le général Lamoricière. D’ailleurs,l’ officier Spahis en compagnie du sous lieutnant Brahim accompagés d’un contingent de spahis, ils ont bloqué le col du Guerbous ou Kerbous, pour empêcher l’Emir et ses khalifas de s’engouffrer dans les hauts plateaux afin de rejoindre le désert. Se sentant encerclé et avec l’accord de ses fidèles compagnons, l’Emir a envoyé deux émissaires pour remettre les conditions de sa reddition au général Lamoricière. Le lieutenant Boukhouia en recevant en cours de route les deux émissaires, il les a accompagnés pour accomplir leur mission. Ben Kouia ou Benkhouia n’a jamais été un khalifa de l’Emir. Il faisait partie d’une armée de supplétifs, pareille à celle des harkis. Une insertion qui diminue un peu de la valeur de l’ouvrage. Cela reste un avis personnel.
Amicalement.
lire assertion au lieu de insertion
merci
Bonsoir,
Le Lieutenant Mohamed Boukhouia n’était pas supplétif(Goum) mais bien officier au 2ème régiment régulier des Spahis d’Oran.
Amicalement