Les prises d’otages ont toujours existé dans l’histoire même si pour les Historiens, elles ne recouvraient pas toujours une notion tapageuse. Les otages sont en effet, la figure récurrente de l’Histoire. Quoi qu’il en soit, l’otage «indigène» à coups de razzias impitoyables de l’armée d’Afrique en Algérie demeure une figure méconnue et un sujet peu étudié.
Le mot otage apparaît parait-il dès le XIe siècle, en 1081 plus exactement. Étymologiquement, le vocable «otage» viendrait paradoxalement soit du mot latin hospes, qui désigne l’hôte ou peut-être bien du terme d’obses, qui veut dire, littéralement : celui qu’on ne perd pas de vue. Toutefois, il est utile aussi de mettre le doigt sur la définition des juristes et dire que dans l’ancien français, le mot «hostage» signifiait logement! Ce qui explique l’expression «Garder en otage» qui nous est servie à chaque «grève» ! En effet, chaque histoire est liée à une autre.
1 – Le contexte événementiel d’une lettre de LAMORICIERE..
Curieusement sur toutes les lettres du général Lamoricière au ministre de la Guerre Français, conservées à l’ANOM d’Aix-Fonds-GGA, depuis le 9 juin 1843 – jusqu’à la fin de l’année 1846, on ne trouve aucune trace d’otages (prisonniers) à part ceux du cas- fonds ministériels –Série F 80. (Il vrai communicables uniquement sur microfilm !).Toutefois, au service historique de l’armée de terre du château Vincennes-Paris (Communicables sur rdv un mois à l’avance), les surprises ne manquent pas ! C’est la raison pour laquelle, je voudrais partager une seule de cette correspondance (Notes, lettres, réponses…) avec nos amis lecteurs (es).Il s’agit donc d’une question liée au temps qui est l’année 1843 et conjointement à l’espace quiest ici la région de SIDI-BEL-ABBES et précisément la plaine de la Mekerra à SIDI-ALI-BENYOUB (à 22Km). Il est donc très intéressant de questionner le passé, de s’interroger aussi, dans la longue durée, sur un sujet qui est d’une prégnance si forte dans notre actualité.
L’effectif de l’armée d’Afrique, après les renforts «demandés» s’élevait au mois de mai 1843 au chiffre de 78,000 hommes (En plus de 3648 indigènes !).Cette année de 1843 est sans nul doute une année repère à Sidi-Bel-Abbès. Le 9 avril 1943, Louis Léon de Lamoricière (Ancien chef de bureau arabe en 1833), fut promu général de division suite aux différentes razzias menées en Oranie dirigées par le général Bugeaud contre l’émir Abd el-Kader. C’est lui, qui va initier l’implantation des postes permanents dans l’Oranie (des Biscuits-villes). En février 1843, une redoute (SIDI-BEL-ABBES) fut construite au tournant de la Mekerra pour contrôler l’axe : Oran- Daya-Tlemcen-Mascara.
C’était dans l’ouest que devait être porté le grand assaut de l’agression française. Les idées du général Bugeaud se trouvaient être exactement celles du général de La Moricière. La politique de la terre brulée qui avait pour seul but la «destruction». Lamoricière était connu par le surnom de «Bouchachia» ce qui le plaçait au même pied d’égalité des Bouchkara et des Boulahya au point de vue de la culture populaire locale.
Depuis, le mois février 1842, Lamoricière s’était installé doucement mais surement dans la plaine de la Mekerra. Des gites d’étapes étaient aménagés en camps de bivouac. Le pc tactique choisi était l’ancien site romain «Aquilera» connu avant l’arrivée des français par hammam Sidi-Ali-Benyoub. C’était le territoire de la fraction des Doui-Aissa depuis l’époque du sultan Yaghmoracen. Sidi-Ali-Benyoub était un Taleb érudit, il prêchait la bonne foi et le rituel de la langue du coran. Son histoire ressemble à celle de Sidi-Bel-Abbès El-Bouzidi. Donc, encore un coin d’Algérie ou tout est mélangé, sans doute la raison pour laquelle les ouled Sidi-Ali-Benyoub étaient restés fidèles à l’Emir.
En effet, depuis longtemps déjà !!! Ces braves résistants des béni-Ameurs ont perdu leur gloire de belliqueuse tribu. Leur unité ethnique confédérée s’est réduite en fragments. Effritée par le temps long de l’Histoire .Le temps de Slimane Benbrahim est bel et bien révolu !
Ces Ouled Sidi-Ali-Benyoub seront encore les premiers à suivre l’appel de l’émir pour émigrer au Maroc. D’où l’idée d’un «rapt» en été 1843 de jeunes femmes «arabes» comme un moyen de faire pression sur les lieutenants de l’Emir pour une reddition tant recherchée.
Toutefois, l’émir Abd el-Kader avait déjà écrit à Bugeaud en juin 1841 : «Nous nous battrons quand nous le jugerons convenable, tu sais que nous ne sommes pas des lâches».Et c’est là, ou l’Emir avait renoncé à tout établissement permanent en se donnant une capitale itinérante. C’est la fameuse smala. Ses forces, étaient certes réduites, de nombreuses fractions de Béni-Ameurs furent «neutralisées» avant l’année 1843. Mais la force de l’émir restait suffisante pour lui permettre de s’imposer dans le tell depuis que l’allégeance (Moubayaa) l’a élevé au rang d’émir
Les généraux français savaient que pour «l’algérien» la prise de sa famille est d’une immense importance, car, dans tous les cas il doit accepter des arrangements qui lui rendraient sa femme et ses enfants. Ils savaient aussi que, la protection des faibles et les devoirs du chef de famille en plus des principes de la religion musulmane feront peut-être ce que d’autres moyens n’ont pu faire.
2 – La prise de la Smalah par le duc d’Aumale le 16 mai 1843.
Le mardi 16 mai 1843, vers onze heures, un escadron de 500 cavaliers commandé par le duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, attaque la smala d’Abd el-Kader (aider par les Spahis et le m’khazni Ameir ben Ferhat mais surtout le caid des Ouled Ayad pourtant son frère Djelloul était resté fidèle à l’Emir). Selon l’historien X.YACONNO (R.O.M.M,1973), Il fait un total de 3.224 prisonniers et remporte un immense butin (Sûrement la bibliothèque de l’émir !!!). Essentiellement composée de femmes, d’enfants, vieillards et de serviteurs ! «Ceux qui ont de l’importance, ont été recensés à part». Pourquoi parle-t-on de Prisonniers? N’est pas des otages? L’émir, lui ! Était à Tagdempt.
Il fallait donc, en attendant, mettre ces «prisonniers» dans un lieu où on pourrait les traiter convenablement sans leur laisser l’espoir d’une évasion. L’île Sainte-Marguerite paraissait réunir ces conditions. Et puisque le Maréchal Soult, ministre de la Guerre, avait déjà inventé en 1841, le concept «Internement». L’internement d’Algériens sur le sol français, désignait en effet des lieux situés à «l’intérieur» de l’espace métropolitain. Ainsi, tous les otages furent internés à l’ile MARGUERITTE (Cannes). Les historiens ont beau «inventer» que quelques prisonniers se sont enfuis au milieu de la bataille ! Certains nous parlent d’une bataille héroïque ! Rien que ça ! On comprend mieux ainsi, pourquoi cette «fausse» bataille fut «mémorisée» par le peintre Horace Vernet en 1844, l’un des plus grands tableaux jamais réalisés, (21 m x 5m).Il est vrai, commandé par le ROI lui-même. Pour son fils pour le glorifier comme il se doit! Ce tableau montre la propagande du roi, comme si son fils était le héros d’une grande victoire militaire en Algérie.
3 – La prise d’otages de Lamoricière le 01 Juillet 1843.
Les otages sont une catégorie de victimes, attesté depuis les temps les plus anciens. Dans l’antiquité, les otages étaient parfois offerts à un autre État pour garantir un traité. Au moyen âge, les otages pris à l’aveuglette, lors de razzias étaient parfois utilisés pour un but purement pécuniaire. C’était le cas durant les croisades. Les razzias ont été la plaie du bassin méditerranéen au temps des empires d’Espagne et bien évidemment celui des Ottomans. Lamoricière ne fait que reprendre une vielle idée européenne.
Le vendredi 07 juillet 1843, Lamoricière avait rédigé une longue lettre manuscrite à son chef le général Bugeaud, depuis son poste de commandement du bivouac de Sidi-Ali-Benyoub : «Je tiens la promesse que je vous avez fait, il y’a cinq jours» . Il s’agissait surement des otages. Tout en ajoutant dans sa lettre : «La présence de l’émir à Ain el hamam et Ain fares et tout près des ouled Slimane a jeté de l’inquiétude dans le pays et ont m’a écrit de nombreuses lettres pour m’avertir de me rapprocher, je ne l’avais pas fait».
En lisant bien le début de cette lettre, on peut facilement déduire que Lamoricière a installé un réseau d’écoute et de renseignements dans le but de surveiller les déplacements de l’émir Abd-El-Kader. Dans le quatrième paragraphe, il avait écrit : «Je crois que l’émir a fait la marche vers l’ouest .Aujourd’hui il est reparti en traversant le pays des beni Ghizi…. ??? .».En bas de la lettre il ajouta : «Je vous envoie ci-joint la liste des femmes que j’ai prise le 1 juillet. Celles qui ont été amenées comme appartenant aux familles importantes».
1-Meriem : Sœur de Bouziane ould Hadj Djelloul. 2- FATMA sa Femme .3- FATMA ,la fille de El-habib Ould el-Mekki.4-ZINEB,BAKHTA,KELTOUM ,les trois femmes du Kadi Ali.7-FATOUMA, femme de Mimoun ouled el-aid. 8-FATNA, fille du Kadi Ali. 9-FATIMA, femme du fils de l’hadj el-habib ould el-mekki….. Il est sans doute utile de signaler que les mots «familles importantes» se répétait dans la lettre, Et depuis que Lamoricière avait écrit cette lette, les otages étaient déjà en captivité depuis sept jours ; Probablement, pour être acheminés péniblement vers le destinataire qui est le gouvernement général. En attente d’être viré à bord au port d’Alger. Ainsi, on peut dire que Lamoricière a bien tenu sa promesse à son supérieur Thomas Bugeaud. On sait déjà que le nombre de «prisonniers » à l’ile Sainte-Margueritte n’a fait qu’augmenter depuis 1843 jusqu’à 1882. Alors, quel était le sort réservé à cette catégorie d’otages prise à Sidi-Ali-Benyoub ? Bien entendu, dans le cas ou elles avaient survécues à leur captivité.
On ne peut pas dans ce cas évoquer une prise d’otages gratuite, sans vrai but ni raison, pour mettre tout cela aux oubliettes. Même si poser la question de comment des officiers supérieurs d’un pays civilisé peuvent –ils raisonner et jouer sur un schéma ignoble pour aboutir à leurs fins? Cette question ne me semble pas indispensable. Historiquement parlant, on qualifie notre ère de période contemporaine justement parce que depuis le 19° siècle, on avait assisté à l’émergence des thèses nihilistes purement colonialistes qui faisaient apparaître les premières actions coercitives par l’armée du pays envahisseur. Les « PRISONNIERES » deviennent ainsi un moyen de pression effroyable dans une méthode de guerres coloniales. Divergeant complètement de son statut initial. L’Emir Abd-El-Kader, l’a très bien compris. Bien que, dans son temps, on ne parlait pas encore des conséquences psychopathologiques des victimes d’un rapt de guerre.
Pour, conclure et puisque la mémoire n’est pas l’Histoire. Un questionnement s’impose. A quand une «journée d’otages» ! Puisque aucun statut de culture de date n’est admis chez nous pour ces victimes «sans noms» oubliés par les dépositaires de l’Histoire.
AL-MECHERFI.
D’une lettre, vous déduisez une prise d’otages. De ces derniers on remarque des prénoms identiques: Fatima, Fatoum et Fatna. Une belle histoire dans l’imaginaire. Des otages femmes d’une tribu lointaine de la marche de l’Emir. Avec la marche du temps, la « nouvelle » histoire de nos récentes universités, nous fait découvrir l’incohérence qui tue à petit coup.
Une LONGUE lettre (8° lignes du 3eme – Sous-titre) ; doit faire au moins 3 pages !