Kamel Daoud est-il aimé chez lui ? Pas si sur. Son procès en appel contre Hamadache, terminé par l’arrêt de la cour d’appel d’Oran déclarant le tribunal d’Oran incompétent à jugé le bien fondé de sa plainte, en est peut être la preuve. Il aurait certainement conquit les cœurs après Meursault contre enquête si, au lieu de jouer le jeu des néoconservateurs d’Europe dans le choc avec l’Islam, il avait mit sa notoriété au service de la défense contre les injustices faites aux siens. Le chroniqueur du Quotidien était un « non » virulent à Oran, on l’appréciait pour cela, dommage que celui de Paris, du Monde, échoue au Point d’être un simple « oui », manipulé, «sans pensée libre ». Mais bon, c’est le destin des mites d’être attirées par la lumière et de bruler?
Aimé Césaire, petit pointois prodige, traça à l’encre et la sueur son chemin et escalada les mots-blancs, le crayon noir aigu en guise de piolet, jusqu’à atteindre les cimes de l’art de la pensée juste et l’alchimie des mots qui tuent les haines et ressuscitent les espoirs. « Eh petit nègre», « N’allez pas le répéter mais le nègre vous emmerde ».
De cet échange de maux avec un taxieur français de pire souche, le noir de la colonie lointaine découvre à Paris sa condition humaine et celle des hommes que des hommes prétendent civiliser et sauver les âmes, croix et glaives à la main. De sa « négritude » révélée il fait une arme fatale d’anticolonialiste invétéré qui ébranla tant de convictions. Et à l’âge ou d’autres prennent le chemin du nord, lui il prend la résolution de revenir vers sa belle Martinique, laissant derrière lui les futiles plaisirs que Paris promettait, un « cahier de retour au pays natal » entre les mains, prélude d’une longue vie d’humanisme et de don de soi. De Fort-de-France, où la reconnaissance des siens le fit presque roi, il jette à la face de l’occident colonisateur et oppresseur un discours fleuve, acide, que jamais soumis n’osa tenir, proférant contre l’Europe « atteinte », « décadente » et « moribonde » l’accusation du déni de liberté et de justice, prononçant contre elle la sentence prophétique «d’avoir de moins en moins de chance de tromper tant qu’elle se réfugie dans une hypocrisie odieuse». Il s’insurgea contre le colonialisme, «mal absolu » qu’il faut combattre et bannir, quand son frère dans la « négritude », Léopold Sedar Senghor n’y voyait qu’un «mal nécessaire » lui reconnaissant une mission positive. Pour cela la France officielle adora la douce solidarité passive de SENGHOR et abhorra l’aigre intransigeance de Césaire, le « nègre qui disait non à l’ombre » la « bouche des sans bouche ». Elle déroula le tapis rouge au premier. Elle ignora le second jusqu’à la mort, « malgré l’encre qu’il versa pour sa langue ».
Mais l’histoire retient que SENGHOR mena, sagement, en Normandie vingt années de vie douillette après avoir abandonné les sénégalais et y mourut avec le statut, attribué, d’éternel parmi les éternels. Elle retient aussi que CESAIRE, fort de son autorité morale, de son aura et la fidélité à ces principes, se permit de refuser de recevoir à fort de France Nicolas SARKOSY, alors ministre de l’intérieur, présidentiable en puissance, ne lui pardonnant pas la loi sur la reconnaissance du rôle positif de la colonisation française, qu’il conclura plu tard par le honteux discours de DAKAR, de ton et d’inspiration racistes, qu’il lança à la face de « l’homme africain » dont « le drame vient du fait qu’il n’est pas assez entré dans l’histoire ». Deux homes, deux vies, deux destins.
KAMEL DAOUD
Kamal Daoud n’est pas Aimé Césaire c’est une évidence. Ni par l’envergure, ni par l’engagement. Il y a chez lui plus de Senghor (toute proportion gardée) que de Césaire. D’une façon ou d’une autre il mourra, lui aussi, dans les vertes prairies de Normandie, ayant déjà l’assurance du soutien amical des officiels et des lobbyistes parisiens, Valls et BHL en tête.
Il s’est proposé d’être le témoin d’accusation d’un certain occident que dénonçait Césaire, qui voit le musulman violent, obsédé, sale, pas suffisamment entré dans l’histoire, «recyclant ainsi les clichés orientalistes les plus éculés». L’islamophobe cherche l’alibi. Kamel Daoud cède. Le témoin à charge devient témoins protégé.
«Meursault contre-enquête» est une découverte. La révélation d’un homme. L’occasion pour Daoud de déverser son fiel. J’avais écris, à l’occasion du procès en première instance de Daoud contre Hamadache, que l’auteur «a choisi de déconstruire le dogme, d’exagérer le doute méthodique à propos du dieu des musulmans, de la langue des musulmans, de la vie des musulmans, de ce en quoi ils ont toujours cru». De pareilles critiques, et de plus graves, il s’en était dédouané en arguant que son œuvre est une fiction et que c’est le héros du livre qui parlait, pas lui. C’était soutenable. Jusqu’à ce que apparaisse «Cologne, lieu de fantasmes». Les chroniques ne relevant pas de la fiction, l’auteur ne pouvait plus alors attribuer à son fantôme tant de haine de soi.
En dehors de «la terre d’Allah» tout ce que Kamel Daoud écrit est pris pour vrai. Ce qui n’est pas étonnant puisqu’il ne produit que ce que, en ces temps troubles, les foules furieuses de la terre du CHRIST et de DAVID aiment entendre sur nous. Traiteur de la haine, il sert à qui veut consommer nos supposées violences, frustration sexuelle, laideur, mauvais rapport à DIEU, à la femme et à l’autre (le non musulman).
Kamel Daoud n’a pas fait de l’arabité ce que Césaire à fait de la négritude : une oriflamme, une cause, une identité à défendre. Il n’a pas choisi d’être la bouche des arabes sans bouche; envahis, opprimés, déchirés, démembrés, démantelés, déracinés. Il n’a pas choisi de dire non à l’ombre, aux diables qui causent le malheur de millions d’êtres qui n’ont pour tort que de naitre, par hasard, sur des nappes de gaz et de pétrole. Du haut de sa tour Eiffel, il ne voit plus les bas fonds de la nation à laquelle il appartient. Il a choisi un camp, celui des forts coupables, signe de la pire des maladies; celle de la haine de soi.
Dans «Cologne, lieu de fantasme» K DAOUD tourne le regard et feint de ne pas voir la pédophilie en Europe et même au sein de l’église où elle n’est pas exceptionnelle, ni le tourisme sexuel pédophile pratiqué par des occidentaux partout ou misère colle à bonne chair, ni les inégalités et les violences faites aux femmes en occident , il ne voit que les supposés frustrés de Cologne qu’il jette à la vindicte raciste avant toute enquête et avant tout jugement, et auxquels il assimile tous les musulmans, faisant de leur foi la cause de tous les maux du temps présent.
Il écrit «Noir en Algérie ? Mieux vaut être musulman». Et voilà les réfugiés subsahariens réduits par ses soins «à venir mendier, vêtus d’accoutrements grotesques». Et voila «qu’ici, (en Algérie) souvent, il n’existe pas d’empathie entre les hommes, seulement entre coreligionnaire». Et voila «qu’ici (en Algérie toujours) « on trouve des analyses dignes du ku klux klan sur la menace posée par les noirs, avec leur incivisme, et les crimes et les maladies qu’ils nous apportent». Ou nous sommes tous aveugles ou il ment.À partir d’affirmations non étayées, c’est l’image d’un peuple xénophobe, sélectif dans la compassion, assimilé aux du ku klux klan qu’il envoie au monde, fermant les yeux, encore une fois, sur la montée incontestable du racisme et de la xénophobie en Europe qui touchent ceux qui étaient les siens et qu’il semble renier.
A-t-il conscience de tout le mal qu’il fait? L’Algérie n’est pas une destination touristique privilégiée. Son image a souffert des ravages de la décennie noire, et de la gestion du tourisme, mais les ravages causés par les exagérations et les extravagances de Kamel Daoud, diffusées à l’échelle planétaire sont autrement plus nuisibles. Qui ne connait l’Algérie qu’à travers ce qu’il écrit ne l’aime pas.
Aimé Césaire à rendu aux « nègres» la fierté de leur négritude. Il a inspiré Frantz Fanon, Soyinka et bien d’autres. Il a chanté les louanges de la belle Martinique et a su la rendre désirable. Certainement qu’elle est pleine de défauts, comme toutes les sociétés, mais Césaire a préféré soigner au lieu de faire l’étalage de ses maux par ses mots.
Kamel Daoud est un grand écrivain. Pourra-t-il être un grand homme.
La posture de la victime d’une fatwa appelant à sa mort dans laquelle il s’est mis et qui lui a profité tellement, alors qu’elle n’a été qu’une mauvaise farce, avait fait couler beaucoup d’encre et réagir tant de personnes, sincères ou intéressées. Elle s’est soldée par le jugement de condamnation de monsieur Hamadache que l’on sait. J’ai le sentiment qu’alors l’élan de soutien, relayé par la presse nationale et internationale, y était pour quelque chose. L’arrêt de la cour d’Oran infirmant le jugement de première instance n’a ému personne, n’a été rapporté par la presse que de manière lapidaire et pas commenté du tout. Ce qui signifie que le cas Daoud n’intéresse plus. Parions alors sur procès Daoud contre Hamadache le jour où il se tiendra à Alger.
Mon écrit a été amputé de la première moitié, toute une page, nécessaire pour le texte. Tel que publié par la rédaction il n’a plus le sens que je voulais lui donner. Je n’arrive pas a comprendre ce geste. J’aurai préféré que mon texte ne soit pas publié plutôt que de le voir charcuté de la sorte. Je demande, amicalement, à la rédaction soit de publier la totalité soit de retirer la partie publiée.
Bonjour M. Mekideche,
Veuillez consulter votre boite email
Merçi
Corrigé !
On reconnaît votre style et votre analyse! Admiration.