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LE FOOTBALL: VRAIE RELIGION UNIVERSELLE

ByAL HANIF

Avr 29, 2017

Dans un précédent billet, j’avais déjà fait état du caractère addictif de la balle ronde. Plus que drogue dure, le football est devenu religion universelle qui se pratique aux quatre coins du globe.Cette religion transcende toutes les affiliations religieuses , toutes
les frontières et toutes les nationalités.Elle a ses fanatiques, ses puristes, ses occasionnels, ses hérétiques, ses puristes,ses manipulateurs,ses ignorants, ses savants, ses excités, ses fans et ses hooligans.

Elle a eu son roi Pelé, au long règne et qui faisait pénétrer sur le terrain une magie toute brésilienne aux airs de samba, comme si un
tambour faisait délier ses gestes. Elle l’a fait monarque,aux gestes chaloupés dansant au rythme d’une musique lancinante et silencieuse.Roi incontesté, adulé et élevé au Panthéon. Vélocité, adresse, vista et efficacité et magie, s’étaient toutes données rendez-vous dans ce corps d’ébène, athlétique et râblé,devenu patrimoine universel. À chaque nouveau match, à chaque nouvelle prouesse, il s’érigeait maître d’un culte mondial, bien avant la globalisation. Pelé, surnom suffisant à lui-même et le libérant de son nom d’esclave et de la mémoire des esclaves des plantations d’Amériques.

Cette religion a aussi eu son Empereur en la personne du Kaiser Benkenbauer. Si élégant sur un terrain qu’il pouvait jouer en costume-cravate. Il démontra ses qualités de chef de guerre en jouant une finale de coupe du Monde , tenant son rang, le bras en écharde, avec une
luxation d’épaule, pour offrir le sacre à son pays. L’Empereur ne doit pas être un usurpateur et sa divinisation se construit dans des épopées.
Cette épopée fit dire à certains que le football, après avoir été religion brésilienne, était devenu culte germain. Ne disait-on pas à l’époque que le football était un jeu à onze joueurs et dans lequel l’Allemagne finissait toujours par gagner. Et à perdre contre l’Algérie , auraient-ils pu ajouter.

Maradona, unijambiste dont tout le génie s’était réfugié dans ce pied gauche magique, capable malgré sa petite taille de s’élever dans les airs ,si haut qu’il semblait défier les lois de la pesanteur. Maradona, le mauvais garçon Argentin, fidèle en amitié politique, naufragé des paradis artificiels et ressuscité par la médecine cubaine de Castro, reviendra de chez Hades et tutoiera les cieux tout le temps où il foulera les terrains. Son but de la main contre l’Angleterre et qualifié par lui, de signe divin délivré de très Haut, « de la main de dieu »,était revanche sur la fière Albion l’impérialiste.

Zidane bien sur, dont les arabesques avec un ballon trahissaient les origines.Zidane réclamé et adulé par deux peuples et pour lequel des
millions de personnes étaient préparées à sacrifier une nuit de sommeil pour suivre les exploits sur petit écran. Zidane l’énigmatique qui trace sa route de chauve qui sourit.Zidane,roi de la « roulette » sans être dentiste.

Dans ce Panthéon,un nouveau Messi ( Lionel) engrange les fidèles qui portent en dévotion le maillot du Barça de Tindouf à Vladivostok.

Pour moi, le plus grand, mais pas le meilleur footballeur, fut sans conteste le docteur Socrates, compatriote du roi Pelé.Il se trouva heureusement un grand auteur uruguayen,Eduardo Galéano pour rendre hommage à cet Homme,grand en taille et en principes, qui fit rimer football et révolution.
Opposant à la dictature militaire et adepte de l’autogestion « il était à l’époque de cette dictature, le plus respecté et le plus aimé d’entre eux. les joueurs brésiliens conquirent la direction du club les Corinthians, un des plus puissants du pays. Insolite, jamais vu, les joueurs décidaient de tout entre eux tous, à la majorité.Sur leur maillot on lisait Démocratie Corinthiane. »

Bien sur, comme toutes les révolutions, celle-ci échoua et les dirigeants évincés reprirent la main. Socrates, footballeur racé, mais surtout champion du peuple et de la démocratie fut traité comme un pestiféré et les puissants intriguèrent pour le chasser de l’équipe nationale. Son talent lui conféra une forme d’immunité et à Socrates,aujourd’hui disparu, respect total!
Aujourd’hui, son demi-frère Rai, demi dieu dans la constellation football,consacre temps,énergie et argent aux déshérités des favellas en se servant d’académies du football pour faire regagner aux enfants les rangs de l’école. Et à leur offrir instruction et repas.
Bon sang ne saurait mentir.

POURQUOI LE FOOTBALL?

La religion universelle du football se trouve, pour reprendre les concepts de Roger Caillois à l’intersection de « l’agon » , c’est-à dire la lutte et le combat pour la victoire et « l’aléa »,le hasard ou les vicissitudes. Le football , de part ses règles, apparaît comme un combat codifié, une chorégraphie de violence retenue et orchestrée avec un objet transitionnel: un ballon rond en cuir. Pour Raymond Aron, Pivot, Ben Bella (un pratiquant doué) , ce mixte de l’agon et de l’aléa, de joute dans les règles est une métaphore de la condition humaine.

Camus, ancien gardien de but, y rajoutera le sentiment de l’Absurde.De l’absurdité et de la grandeur à empêcher un but de franchir la ligne, de l’ivresse et l’exaltation à voir la balle entrer dans la cage adverse.

Un match de football dure quatre vingt dix minutes qui sont un concentré de vie où, et la défaite est déjà une mort symbolique et la victoire un signe d’élection divine. Les caméras ne cessent de capturer les signes de dévotions des joueurs à leur religions constituées ; se signant ou priant pour conjurer l’aléa.

L’aléa peut être puissant comme ce jour de finale de coupe du Monde en 1974 où les Bataves, la formation au plus beau football, guidée
par la grâce de Johan Cruuyft , déferlera sur les cages Teutonnes en vagues incessantes, pour se briser toutes sur un mur nommé Maïer ou
l’araignée noire.

En Grande Bretagne, les rivalités entre quartiers (surtout à Londres, Liverpool et Glasgow) définissent une identité plus que ne le ferait un document officiel.

Le football , religion universelle s’affranchit de tous les obstacles,frontières, océans, régimes politiques et l’argent Qatari peut
même associer désert et Lutèce. Le football, associé à des couleurs, de club, de ville, de pays porte à son acmé la manifestation du nationalisme. Il existe un nationalisme régional qui mute en patriotisme lorsque les couleurs deviennent nationales.

Dans un village côtier de la verte Écosse, un jeune amateur de football m’a décrit par le menu la mémorable victoire de l’Algérie sur l’Allemagne réputée invincible; et je me souviens que s’attardant sur Madjer, il prophétisait l’émergence d’un nouveau dieu.
Depuis, le fabuleux geste de Madjer en coupe d’Europe est devenu nom commun émulé par tous les attaquants.

Que tous ceux qui ont sacrifié à la religion football lèvent le doigt!

AL-HANIF