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LE TRESOR DU DEY HUSSEÏN

ByMohamed Senni

Sep 23, 2011

Dans son commentaire du 17 septembre 2011 (publié à 19h 18mn), notre ami Omega, met à jour une singulière similitude entre le comportement de Sarkozy en Libye et le coup d’éventail du Dey Husseïn infligé au Consul Deval le 29 avril 1827. Il note les raisons ayant mené à ce geste pour conclure à la motivation réelle de l’expédition : le trésor de la Régence alors que la France du Roi Charles X était au bord de la faillite.

Rappelons que Napoléon Bonaparte (1769-1821), dans sa démentielle hégémonie avait déjà envisagé de prendre Alger. Bien que les historiens invoquent diverses raisons, une seule l’avait poussé à cette tentative : l’indisponibilité du nerf de la guerre. Il délégua le général Boutin qui fit un relevé précis de ces contrées  exotiques et attrayantes : topographie, populations, moeurs et étude spéciale du littoral. Et, comme l’écrivait si bien El-Moutanabbi, au Xème siècle,  » Les vents soufflent souvent du côté que ne préfèrent pas les bateaux », Bonaparte subit de cuisants revers pour finir ses jours dans une machiavélique humiliation, prisonnier de 1815 à 1821 des Anglais à l’Ile de Sainte -Hélène, jusqu’à sa mort.

Quand Charles X décida  d’attaquer Alger, plus de  trois années  après le coup d’éventail, ses chefs militaires ne trouvèrent pas mieux que de se baser sur les investigations du général Boutin et trouvèrent, tout indiqué , le lieu propice pour le débarquement : Sidi-Fredj (Sidi-Ferruch) dont le mausolée sera rasé à la fin du XIXème siècle.

Le 25 mai 1830, 768 navires-dont tous les noms existent- avec à leurs bords 70 450 hommes dont 37 331 soldats, avec toute la logistique nécessaire quittaient le port de Toulon pour débarquer le  14  juin suivant à Sidi-Ferruch. Face à 92 000 hommes auxquels le Bey, redoutant qu’ils ne se retournassent contre lui, n’alloua que deux cartouches au lieu de cent qu’ils réclamaient, les Français mirent moins de 20 jours pour faire tomber Fort l’Empereur et mettre ainsi fin à 313 années de colonialisme ottoman.

Le trésor de la Régence.

  Selon Mohamed, fils de l’Emir dans son livre (تحفة الزائر ), l’état de recensement des biens pris dans le palais du Dey, après la chute de Fort l’Empereur, se monte à 48 680 575 francs. Dans celui établi par la Commission Française des Finances, on note 7 212 kilogrammes d’or à 3 434 francs le kilo, 108 704 kilogrammes d’argent à 220 francs le kilo soit un montant de 48 683 000 francs – pour un peu plus de 115 tonnes – pour ces deux seuls métaux précieux auxquels on  ajoute 3 000 000 en laines et denrées diverses et 4 000 000 en pièces d’artillerie de bronze soit un total de 55 684 527 francs , état où n’apparaît pas ce que de nombreuses mains françaises indélicates ont subtilisé et surtout ce qu’a rapporté le pillage d’Alger. (Charles André Julien  a noté dans son « Histoire de l’Algérie contemporaine, tome 1, éditions P.U.F. » que la presse métropolitaine s’en saisit et citait » nommément l’intendant Deniée et le payeur général Firino qui, ruinés avant l’expédition, purent, à leur retour, payer toutes leurs dettes et faire des dépenses somptuaires. A Deniée qui expliquait sa fortune par l’héritage de cinq à six millions, reçu opportunément d’un oncle de sa femme, le compositeur Rossini (1792-1868) à qui l’on doit « L’Italienne à Alger », répliquait: » je ne savais pas que le Dey d’Alger fût l’oncle de votre femme »).   Ce total serait multiplié par trois et même plus qu’il n’étonnerait personne! Charles X qui a, face à des difficultés internes, ordonné la conquête de la Régence a été le premier à réclamer la part du trésor qu’il estimait lui revenir. Lorsqu’il chutera le 27 juillet lors des Trois Glorieuses, tous les royalistes qui firent partie de l’expédition –dont le général De Bourmont- furent rappelés. De Bourmont qui commandait l’expédition prendra le chemin de l’Espagne avec un petit coffre contenant le cœur de son fils mort au combat à Constantine. Que pouvaient contenir ses plus gros coffres et ses cantines?

 Le juif Bacri, qui était l’intime caméléon du Dey Husseïn,  assure que celui – ci ne disposait que de 4 000 000 de francs (rien que çà!) alors que d’autres sources soutiennent qu’il disposait de sommes plus considérables ! Le Dey supplia De Bourmont de lui remettre 30 000 sequins (pièces d’or de Venise) avant son embarquement, le 10 juillet sur la frégate la Jeanne d’Arc  pour Gênes où il possédait des résidences, ce qu’il obtint avec toutes ses pierreries et ses soieries lyonnaises.

Un petit comparatif.

Le fondateur de l’Etat algérien a été le seul responsable, à travers les siècles, à n’avoir  habité ni palais ni maison mais seulement une tente qui ne pouvait rivaliser en faste avec celles de ses compagnons ce qui lui sauva la vie en juin / juillet 1847 alors qu’il se trouvait avec sa Deïra près de Tafersit, dans le Rif. Il lui arriva même de dormir une nuit entière sur le dos de son cheval après la bataille de la Sikkak (Tlemcen). Ajoutons qu’il n’émargea  jamais à Beït el Mel  et que, le vendredi 16 moharrem 1264 / 24 décembre 1847, le tlemcenien Hamadi Sekkal, à la solde de la France, chargé par lui, de vendre ses effets et ceux de ses compagnons sur le quai du port de Ghazaouet, n’a pu en tirer que six mille francs !  Et ils lui furent versés au compte gouttes!

Qu’attendons-nous pour demander à la France de payer ses dettes contractées en denrées alimentaires quand son peuple crevait de faim? Et quand ferons-nous de même vis-à-vis de nos  » frères » en Dieu Turcs qui nous ont saignés à blanc et qui n’ont pas raté l’occasion de rappeler à Sarkozy les méfaits de la France en Algérie quand il prit position pour la non -admission de leur pays dans l’Union Européenne oubliant, sans doute à cause d’une mémoire devenue curieusement hémiplégique, qu’ils avaient voté deux motions, aux Nations Unies, contre l’Algérie Combattante? Et pourquoi le quartier de la Capitale, Husseïn Dey, ne s’appellerait pas quartier Ben Allal, en l’honneur de ce légendaire compagnon de l’Emir qui combattit ceux à qui Husseïn Dey offrit le pays en leur dressant en prime un canevas sur ses populations ce dont ils ont bien tenu compte?

 

3 thoughts on “LE TRESOR DU DEY HUSSEÏN”
  1. Désolé chers amis lecteurs,Le blocage des commentaires à cet article était du à une mauvaise manipulation.Nous nous sommes permis de rectifier le tir le plus vite possible.Mille excuses.

  2. Salam à mon ami Haj Senni, immense puits du savoir et de la connaissance.
    (Je n’ai pas su comment laisser un commentaire à ton petit article sur la conquète d’Alger et c’est pour celà que tu le trouves dans cette page). Petit, disais-je ? oui, en effet parceque tu as l’habitude (facheuse peut-être) de nous tartiner des articles de plusieurs pages, alors qu’une ou deux pages suffisent parfois à enclencher le débat.
    J’ai trouvé cet article clair et précis dans son analyse ; Tu as écrit en 2 pages ce que Pierre Péan a fait en exactement 271 pages dans son livre  »main basse sur Alger – enquète sur un pillage – juillet 1830 » – chihab éditions, alger, 2005.
    J’ai trouvé ta recommandation très juste concernant la débaptisation du quartier de Hussein-Dey en Ben-Allal.
    Ne t’inquiète pas ; çà viendra un jour ; tu en auras été l’initiateur. Bravo et je t’en félicite.
    Dr Chamyl Boutaleb El-Hassani

  3. Cher monsieur Mohamed Senni,
    (Ma présente intervention se rapporte en fait à votre article sur le « trésor du Dey Hussein » et pour lequel l’administrateur n’a pas ouvert la rubrique réservée aux commentaire).
    C’est à mon tour d’être très honoré par votre contribution très documentée à ce qui était pour moi un simple parallélisme – qui aurait pu s’avérer une spéculation hasardeuse de ma part- établi entre le coup d’éventail d’Alger et l »épopée »belliqueuse de Sarkozy en Libye ( coup d’éventail qui avait inspiré auparavant Pierre Péan en 2005 dans son analyse de l’agression américaine en Irak).
    Ce que vous dites de la position de la Turquie à l’ONU , malgré ses liens historiques dans notre pays,est effectivement et à priori très curieux, si l’on considère que la Turquie avait reçu de la France une cinglante humiliation de la part de celui qui allait prendre la place du nouveau colinisateur dans notre pays.
    Cette attitude qui provoqua un froid politique et diplomatique entre les dirigeants de nos deux pays pourrait s’expliquer par la position adoptée par le président Ismet Iönü et de son successeur Cellal Bayar qui ont choisi de s’aligner , en pleine guerre froide, sur la politique des Etats-Unis pour pouvoir participer au programme d’aide du plan Marshall. Son alignement sur la politique occidentale, lui interdisait politiquement de se prononcer sur des questions fondamentales comme les indépendance des pays africains, jusqu’à ce que le Président Kennedy ait posé la question algérienne au Général de Gaulle au début des années soixante.
    Il me semble que ce serait notre autre grand homme politique et de surcroit grande figure du mouvement national, historien algérien Ahmed Taoufik El Madani, qui lors de son passage en qualité de diplomate en Turquie, ait été l’artisan du rapprochement entre l’Algérie et la Turquie. On pourrait retrouver dans ses écrits, et dont je ne dispose pas, des éléments explicatifs de cette curieuse attitude de l’ancien occupant ottoman.

    Quant à votre article sur l’Emir Abdelkader , je vous fais part de mes félicitations pour le travail admirable très documenté que vous entreprenez pour entretenir et conforter l’image et le symbole du plus grand Résistant de notre histoire, à travers des faits têtus et novateurs, qui faute d’être rappelés et martelés, risquent de laisser le vide à tous ceux qui voudraient s’y engouffrer pour détourner le sens de notre mouvement national.
    Merci pour votre dévouement à ce qui est véritablement une cause nationale face à ce paradoxe post-indépendance qui a voulu que l’on ne parlât plus de la France et de l’ensemble de ses « oeuvres » après 1962, hormis en terme de clichés et de slogans, ce qui présente le risque de nous voir jeter le bébé de l’histoire avec l’eau du bain de l’oubli.
    Avec mes sincères salutations.

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