«LES GRAVES PERVERSIONS D’UN SYSTEME»

Sidi-Bel-Abbès aura été secoué à la veille de l’Aïd, par l’affaire de la Faculté de Médecine. Cet évènement qui n’est ni le premier ni le dernier, ni local mais national (re)met sur le tapis toute l’incohérence d’un système qui paradoxalement perdure par la grâce de ses dysfonctionnements.

Le système est justement là, non pas pour gérer le Pays, mais ses propres dysfonctionnements. Le rôle de Recteur de l’Université n’est pas celui de faire en sorte que l’organisme qu’il a la charge de gérer, s’épanouisse et excelle en qualité, mais simplement de «dédouaner» les doyens et les professeurs qui n’ont rien fait de mal,  mis à part privilégier la progéniture de la nomenklatura locale et celle des argentés au détriment de l’intelligence même indigente. Le Ministre n’a plus le temps d’assumer son rôle de développer les activités de son département parce qu’il le consacre à gérer les dysfonctionnements générés par l’ensemble de structures qui lui dépendent, Le Wali   fait de même avec son exécutif et leurs «bourdes» itératives.

Depuis son indépendance, le Pays aura été contrôlé par une «Holding» où l’ignorance l’emporte sur la compétence, constamment renouvelée, tenant compte de critères stricts liés à l’allégeance, au respect de la discipline interne et à celui de «la hiérarchie»  Chacun ne peut prétendre à plus que ce que lui confère son grade, au titre du partage de la rente.

Il en est ainsi de la répartition des logements où chacun selon son grade dispose de son quota qu’il est libre de distribuer selon ses désidératas. Le ridicule a été poussé jusqu’à «réglementer» un taux de 5% des logements réceptionnés, affectés au pouvoir discrétionnaire des chefs de Daïra. Quid de la justice ?

Les terrains, les licences d’importations, les crédits d’investissements, les marchés de gré à gré …. obéissent à une «logique» implacable que le système a mise  en place pour se pérenniser.

Même les passeports pour le Hadj obéissent à la même règle : les quotas mis à la disposition par le système au profit des hommes qui le servent.

L’université, de par son importance dans la vie du citoyen –étant  l’assurance de l’avenir – revêt un cachet particulier qui la met souvent sous les feux de la rampe. Votre serviteur a déjà eu l’occasion de lui consacrer au moins une chronique, où il a mis en exergue, le seuil culminant atteint par la dépravation et qui consiste en la vente de modules au prix de la chair, pour les étudiantes. Mais elle ne demeure que la partie apparente de l’iceberg, l’arbre qui cache mal la forêt.

Face à ces situations, le citoyen cherche des solutions et les trouvent dans la contestation, seule issue, à la faveur de l’ouverture politique obtenue par la grâce des sacrifices d’octobre 1988.  Mais, la contestation contre les dépravations ne peut générer que des dépravations.

C’est pourquoi, le citoyen scandalisé par tous ces passe-droits, tout le   mépris de ses droits les plus élémentaires, le non respect de sa dignité que ce soit dans les bureaux de poste ou dans les APC, Daïrates et Sonelgaz, conteste non seulement pour ses droits, mais également pour des privilèges.

En effet,  si les étudiants de la Faculté de Médecine ont protesté pour dénoncer une injustice criarde, ceux de la Faculté des sciences eux, revendiquaient une faveur en l’octroi d’une note qu’ils n’ont pas pu avoir par leur travail, allant jusqu’à recourir à la grève de la faim et les tentatives de suicide. S’ils l’ont fait, c’est parce que tout simplement, ils ont constaté qu’ils se trouvaient d’autres étudiants qui pouvaient en bénéficier sans travailler. Et là, intervient le cercle infernal de l’incohérence.

On constate qu’un jeune tente de s’immoler publiquement, parce qu’un crédit d’un Milliard lui a été refusé pour dossier non conforme dans le cadre de l’ANSEJ.  Il le fait, parce que d’abord il sait qu’il y a plein d’autres qui obtiennent des crédits de plusieurs centaines de Milliards, sans qu’ils aient des dossiers conformes et ensuite parce qu’il est presque certain que de la sorte, il va obtenir gain de cause, puisque désormais, tout s’obtient par la contrainte et la contestation.

L’ignorance étant la part du Diable, un État ne peut s’affirmer comme tel, tant qu’il gère le Pays  par des «préférences de classes» et l’ignorance, au détriment d’une gestion par la compétence, pour l’ensemble de la population. Cette gestion faisant apparaître inéluctablement des incohérences, l’Etat se retrouve alors, à gérer ses propres dysfonctionnements, le Peuple lui, à tenter d’en tirer des «dividendes» chacun selon son statut social. Et tant que l’Etat demeure géré de cette manière, il ne peut faire autrement.

Cet état de fait s’est compliqué par la nouvelle donne  géopolitique caractérisée par ce qu’il est pompeusement appelé «printemps arabe»  qui met l’ensemble des régimes similaires au nôtre, dans une situation défensive, nuisible à la longue. Nuisible, parce qu’à force de vouloir éteindre la contestation par la distribution démagogique et populiste mais inéquitable de la rente, l’ensemble du système risque de voir le citoyen tirer sur la corde qui risque de casser. Et là, il n’est plus le temps, de revenir à l’orthodoxie de la gestion, ni à la morale politique qui consistent   –  le seuil le plus faible de la Foi  –  à démissionner quand on faute.

Un auteur dont j’ai oublié le nom a dit quelque chose de remarquable :

« Il y a trois choses qu’il serait contre-nature de confier à l’ignorant :

–          La fortune, il en pâtira ;

–          Le pouvoir, il tyrannisera ;

–          La religion, il nuira. »