Interpelé par deux articles de BAI cette semaine qui ont suscité autant de déprime et de désespoir que de honte et de confusion au plus profond de moi-même.
L’un relatif à l’installation des feux tricolores après plusieurs mois d’attente et de souffrances au sein de la corporation des usagers automobilistes, l’autre plus lancinant osant soulever le couvercle sur une plaie nauséabonde, infecte, purulente au sein même d’une Cité qui se veut belle dans sa façade trompeuse, telle une femme qui n’est belle que du fait de son maquillage. Il s’agit de l’état soudain mis sous les feux de la rampe du « Marché Hasnaoui » après avoir voulu le cacher indéfiniment. « Cachez-moi ce sein que je ne saurais voir ! » ont l’air de dire nos chers élus, à propos de cette structure initialement destinée à rayonner sur le reste de la ville.
Quelles conclusions peut-on tirer de ces deux faits d’actualité de la Cité ?
D’abord concernant les feux tricolores, il faut dire que l’anachronisme et l’absence de réflexion globale caractérise toujours la démarche de l’APC dans la gestion des affaires publiques et notamment les marchés. Comment peut-on décider d’installer des feux tricolores « up to date » avec minuterie dans l’un des carrefours (Maconnais) et se contenter de simples et classiques dans deux autres (Gambetta et Fbg Perrin), alors que le quatrième (Bremer) se voit juste rafistoler. Qui a guidé ce choix ? L’information relayée par mon collègue fait état d’un seul cahier des charges et d’un seul cout ; alors comment peut-on estimer au même cout une installation avec minuterie et nouveaux câblages et feux classiques tout simplement en utilisant les câblages déjà en place ? Il y a comme une dérive quelque part, surtout qu’un membre élu semble être concerné au moins par une des installations. Et dire qu’il a fallu attendre une année pour voir les feux de Maconnais fonctionner une semaine et s’arrêter! Cela s’appelle de la gabegie et de l’absence de contrôle.
Quant à la honte du «marché Hasnaoui» il faut dire qu’à la lecture de l’article de mon collègue, j’ai eu une subite envie d’aller me couper les cheveux. Même si ce coiffeur intrépide tenu de fermer boutique plus tôt à cause de l’insécurité et surtout de l’absence de l’éclairage, est en plus contraint de se munir d’une lampe pour pouvoir fermer boutique avant dix-sept heures, sinon, il ne saurait retrouver ses cadenas dans la pénombre. Mal m’en prit. Au lieu d’une coupe de cheveux dont j’ai d’ailleurs perdu l’envie dès l’entrée dans ce no man’s land, je pris en pleine gueule, copie de la requête introduite par les propriétaires des locaux qui voulaient exercer leur métier, auprès du secrétaire général de l’APC, avec accusé réception, demeurée sans suite depuis 2012 ! Déambuler dans ce coupe-gorge, même en pleine journée vous noue l’estomac, vous harcèle de crampes et vous transforme en « vibreur » à force de frissons et de sueurs froides. La peur vous étreint, en plein centre de la ville. Je n’eus pas le courage de déambuler plus loin, empêché à maintes reprises de rebrousser chemin, par mon « guide » qui voulait absolument tout me montrer. Pourtant, les photos de l’article étaient très illustratives de la situation. Je ne pus m’empêcher de m’arrêter longtemps chez le «bourrelier-sellier » pour voir la magie de ses mains qui cousaient délicatement le fil d’or sur les selles du Haras. La coiffeuse déprime de voir ses clientes dépourvues de son courage et qui hésitent souvent de s’y aventurer, préférant des lieux plus accueillants. « Elles ont peur d’être prises pour celles qui sont plus bas ! » allusion à peine voilée à celles qui s’adonnent au commerce de la chair.
Je n’arrive pas à comprendre qu’un chef de Daira, avec toutes les prérogatives qui lui sont conférées, se limite à avouer son impuissance à apporter – ou au moins proposer – des solutions. Je n’arrive pas à comprendre comment peut-il rester impassible devant un tel spectacle douloureux tant pour les yeux, pour l’odorat que pour le mental.
J’aurais aimé rencontrer le fabricant de djellabas dont l’enseigne orne superbement le fronton de la boutique censée lui être affectée. Pourtant, personne ne l’a jamais vu. Existe-il ? Personne ne le sait. Il parait que la majorité des locaux ont été attribués à des personnes influentes ayant des accointances avec les « distributeurs » de l’époque. Comme j’aurais aimé rencontrer ce boucher, ce vendeur de robes traditionnelles, ce travailleur du cuivre…. Et je me mis à rêver. A rêver me voir déambuler dans une cohue indescriptible de concitoyens et de touristes venus à la recherche d’un souvenir inoubliable de Sidi-Bel-Abbès. Je me vis rêver de voir des étrangers de passage se prendre en photo avec le bourrelier-sellier et avec ses selles astiquées méticuleusement.
Je me mis à rêver de voir le lieu littéralement envahi par la population du matin, jusqu’à tard le soir, juste avant la fermeture de la ligne du tramway. Je me mis à rêver de voir Tlemcen et Constantine rougir de la comparaison avec leurs Souks qui ne sont plus rien à coté du «Marché Hasnaoui» haut lieu de l’artisanat.
Se réveiller pour voir de la crasse à la place des robes traditionnelles, de la boue à la place de l’entrecôte du boucher, de la fumée d’un incendie éternel à la place d’une série de djellabas de toutes les couleurs, de femmes moches et vulgaires qui s’adonnent au commerce de leur corps à la place de belles jeunes filles se coiffant en se regardant narcissiquement dans le miroir d’en face.
Je préfère continuer à rêver. Ne me réveillez surtout pas et faites de même. Vous aurez moins de répugnance et de dégout. C’est dommage pour notre ville qui mérite bien plus que cela. Parce que quand je lis qu’une foret récréative va être réalisée sur les bords de la Mekerra, j’ai envie de sourire, plutôt de rire… jaune ! Décidément, « il ne manque que le Khol à cette femme aveugle ! » Jamais adage n’aura été aussi bien vérifié.
djillali@bel-abbes.info