«LE DEY, TOUJOURS A ALGER?»

L’actualité internationale aura été sans conteste marquée cette semaine par le bras-de-fer entre la France et la Turquie, à propos du génocide arménien qui se serait déroulé durant la première Guerre Mondiale, à l’ère de l’Empire Ottoman.

Le vote de l’Assemblée Nationale Française d’une loi qui pénalise la négation du génocide aura provoqué un tollé au sein de la classe politique turque toutes tendances confondues.

Le Premier Ministre Turc aura été virulent comme il ne l’a jamais été, allant jusqu’à bouleverser les réserves protocolaires en accusant le père de Sarko de «tortionnaire» en Algérie.  Le père s’invite au débat et infirme sur toute la presse de l’hexagone qui lui ouvre ses pages et ses plateaux et affirme «n’avoir jamais mis les pieds en Algérie». Erdogan persiste et signe et ce n’est plus le père tout seul, mais aussi l’oncle. Nous aussi, on persiste : nagybócsai Sárközy Pál Istvan Ernő alias Pal Sarkosy était bien en Algérie en 1943 et précisément à Sidi-Bel-Abbès, à la Légion Etrangère! Il ne fut démobilisé –déclaré inapte – qu’en 1948 !

Voilà que le débat se déplace en Algérie, mais sans l’Algérie:

Le maire d’Ankara organise des festivités à la mémoire des victimes algériennes du génocide, fait chanter KASSAMAN et observer une minute de silence à la mémoire des victimes du Génocide en Algérie, sur la place publique de la capitale et inaugure une stèle commémorative! Ce que n’a pas fait le Maire d’Alger !

La classe politique en France ne demeure pas en reste et chacun y vient de son point de vue: Tantôt pour renier tantôt pour marquer sa désapprobation de cette loi, à l’image de Juppé qui –désavouant son Président – la considère comme «une connerie sans nom» alors qu’Aznavour remercie vivement N. Sarkozy.

Yves  LACOSTE, lui aussi s’invite et s’adonne  à l’arithmétique: «On a parlé d’une centaine de milliers tués en 1945, ce qui est déjà énorme, mais qui ne correspond pas du tout à 15% de la population algérienne, sinon cela aurait fait 1 million de morts», a-t-il argué. Tuer 45 000 personnes en un jour n’est-il pas une œuvre génocidaire? Visiblement non pour M. Lacoste qui met en avant le volume réduit de la population algérienne à l’époque coloniale. «En 1830, la population de l’Algérie était sans doute aux alentours de 3 millions d’habitants. En 1870, on en dénombre 2,5 millions»,

Sans rater l’occasion de lancer des piques à Bugeaud, il considère que des famines ont été causées par «les incendies des terres et les épidémies. Ces incendies ont été l’oeuvre du tristement célèbre maréchal Bugeaud qui a mené,  une politique de la terre brûlée qui a pris des formes de génocide dans l’ouest de l’Algérie». Il a cependant oublié de parler du fameux chef de bataillon, Lucien de Montagnac, qui s’était illustré par sa brutalité à l’égard des populations locales. Ce chef militaire avait écrit en 1943 ceci : «Selon moi, toutes les populations qui n’acceptent pas nos conditions doivent être rasées, tout doit être pris, saccagé, sans distinction d’âge ni de sexe : l’herbe ne doit plus pousser où l’armée française a mis le pied.» Sans commentaire. Et les essais nucléaires de Reggane avec des cobayes humains et Algériens. ?

Mais c’est Dominique Devillepin qui assène magistralement le coup de boutoir au Président Français : «au-delà de la question turque aujourd’hui, il faut poser la question des lois mémorielles dans notre pays, c’est une erreur ! On ne légifère pas sur la mémoire. Et chaque fois qu’on veut le faire, on fige les choses, on complique les relations avec certains États et on empêche même des évolutions naturelles de se faire”.

“Il suffit d’appliquer à nous-mêmes ce que nous faisons sur d’autres terrains, est-ce que nous serions heureux que le Parlement algérien légifère sur la mémoire?”

Sarkosy lui opte pour la prudence : «Nous  respectons  la conviction des autres. La Turquie doit respecter nos convictions»  Il n’a pourtant pas l’habitude de parler ainsi.

Mais il semblerait que ce qui a provoqué le courroux d’Erdogan, c’est le fait que le problème a déjà été discuté et «négocié» avec Sarkosy et que ce dernier n’a pas tenu ses engagements. C’est ce que vient de dévoiler le vice-Premier ministre turc, Ali Babacan, qui a accusé le président français Nicolas Sarkozy d’avoir manqué à sa promesse selon laquelle le Parlement français ne voterait pas une loi sanctionnant la négation du génocide arménien. Nicolas Sarkozy avait fait cette promesse au président turc Abdullah Gul et au Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a précisé Ali Babacan. «J’ai entendu personnellement cette promesse au cours des rencontres que nous avons eues. Que s’est-il passé la semaine dernière? Où est passée la promesse?»

«(Tenir) une promesse est très important en politique. Lorsqu’une promesse est faite par un homme d’Etat, elle lie l’Etat et le pays», a souligné le vice-Premier ministre turc.

Alors, qu’est-ce qui fait ce revirement ? En France,  la bataille pour les Présidentielles entre la Droite, la Gauche et l’extrême-droite met en exergue toute une panoplie «d’armes» aussi cruelles les unes que les autres! La politique étrangère et l’immigration en constituent l’enjeu primordial. L’opportunisme des uns et la prétention des autres ne s’embarrassent d’aucun scrupule! Qu’importe le vin, pourvu qu’il y ait l’ivresse!

Mais dans ce débat fondamentalement algérien, où est l’Algérie?   Le silence est total!  Juste avant l’adoption de cette loi, Medelci, notre illustre MAE était … en audition devant cette même Assemblée. Il était en train de rendre compte des réformes qui doivent se dérouler en Algérie.  Il a considéré que le passé ne doit en aucun gêner les relations actuelles. Faut-il rappeler que ce passé ne date que de 50 ans, alors que celui de l’Arménie de près d’un siècle?

On se contente de demander des excuses qui ne viendront jamais, parce qu’exprimées à l’occasion de chaque échéance électorale, au lieu de saisir qui de droit : L’ONU ou le TPI

l’Organisation des Nations unies ne reconnaît comme génocide que le massacre des Arméniens de 1915, celui des Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale a été reconnu par la cour de Nuremberg en 1945 et a même servi de point de départ à la définition du terme, ainsi que ceux des Tutsis au Rwanda en 1994 et des Bosniaques de Srebrenica (Bosnie- Herzégovine) en 1995, qui ont été qualifiés de génocide par les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex- Yougoslavie. Mais, rien sur le million et demi de martyrs algériens tués par la France en 132 ans de présence en Algérie, parce qu’ils se révoltaient contre l’occupation pour recouvrer leur liberté. L’instance onusienne n’a certainement rien fait en ce sens, pour n’avoir pas été saisie par qui de droit.

Mais, il se trouve que la France nous a colonisés pendant 132 ans. Il est évident qu’elle nous transmette certaines «valeurs» propres à  son jeu politique et notamment l’instrumentalisation des faits à des fins électoralistes. C’est ce que font et le pouvoir et les partis. La criminalisation des  tortures ? On la sort à chaque échéance électorale.  Cela a été le cas en  2005 et  2010, ce sera le cas en 2012. D’ailleurs, elle a déjà commencé, puisque Belkhadem et notre Ministre des Moudjahidines, saisissant au vol la bouée lancée par la Turquie, profitent  pour en reparler. La saisine de l’ONU ou du TPI ? Personne n’en parle. Triste ! Triste de voir 500 000 voix d’origine arménienne peser contre 1,5 millions de victimes algériennes! Triste de constater le silence, Triste, mais surtout humiliant!

djillali@bel-abbes.info