Chronique du Jeudi: “ON NOUS A RENDU TOUS SCHIZOPHRÈNES !”

Djillali Cherrid
1951 – 2018

ON NOUS A RENDU TOUS SCHIZOPHRÈNES ! Par Djillali cherid

 

J’ai eu la faiblesse de faire une rétrospective des différents commentaires que les Lecteurs de BAI ont accumulés depuis sa création en fonction des différents articles publiés.

Il en ressort des avis divers, parfois contradictoires, souvent complémentaires, avec une tendance vers la différence notoire des points de vue des autochtones par rapport à ceux de la « diaspora » Ceci peut s’expliquer par la « déconnexion » de nos concitoyens vivant en exil et leur intégration dans le milieu d’adoption.

Mais la convergence « instinctive » de l’ensemble des lecteurs se manifeste dès lors qu’on aborde le « mode de vie » algérien. A l’unanimité, c’est l’autocritique à outrance, voire carrément du « masochisme »

Le sujet ferait aisément le bonheur d’un psychologue clinicien en mal d’inspiration pour un sujet de thèse.

En effet, il est difficilement compréhensible de voir « l’Algérien » connu par son narcissisme génétique se vouer insidieusement à une séance publique de masochisme.

Et pourtant, on le constate à chaque commentaire ! Des extraits ? « Nous sommes sales » « Nous jetons les poubelles à travers les balcons » « on ne travaille pas » « on est corrompu » etc….

Mais de l’autre côté, il (l’algérien) ne peut s’empêcher de s’exclamer à chaque fois qu’il a du « nif », qu’il est « héroïque » qu’il est le « nombril du monde » autant que l’Égyptien est « le fils » de la « mère des mondes »

Alors, comment peut-on allier les deux antagonismes ? La Schizophrénie fait-elle désormais partie de nos us et coutumes ?

Cette aisance à cumuler deux traits de personnalité contradictoires – narcissisme et masochisme – traduit la tendance généralisée vers le nihilisme.

Ceci est mis en exergue par plusieurs « facettes » que porte l’Algérien :

Son comportement en tant qu’acteur d’une scène, est complètement l’opposé de celui qu’il extériorise quand il agit en tant que simple anonyme :

Derrière le « guichet » (poste, impôt, APC, …..) il est le maître du monde ! Ceux en face ne sont que des « énergumènes » « mal éduqués » et des « ploucs »

Quand il est face au guichet (même s’il vient d’un autre : imaginons un agent de l’APC qui se présente à la poste pour encaisser) Il devient le dénonciateur de la bureaucratie incarnée par celui qui est derrière le guichet ; oubliant son comportement égal sinon pire, derrière son propre guichet.

Le Citoyen chauffeur considère les piétons comme des primitifs ignorants les rudiments de la civilisation qui consistent à traverser dans les « passages protégés » Une fois sa voiture garée, redevenu piéton, il se met à insulter ces « chauffards » qui ne respectent plus rien !

Les exemples sont légion.

Mais une maladie diagnostiquée ne veut point dire qu’elle peut être traitée. Il faut d’abord isoler le « virus » qui l’a inoculé pour pouvoir faire des recherches et trouver l’antidote. Alors, quel virus est responsable de cette dichotomie devenue presque héréditaire chez l’Algérien ?

Car – et c’est le plus grave – l’exercice de deux traits contradictoires – narcissisme aigu et masochisme – entraîne des dégâts collatéraux tout aussi gravissimes. On peut en citer la prolifération des maladies chroniques tels l’ulcère, le diabète, l’hypertension, les AVC et les dépressions. Pire, même les maladies organiques incurables (cancer du sein et l’estomac) peuvent trouver leurs origines dans l’exercice de cette dichotomie.

Humblement, et en tant que cobaye, j’ai tenté un auto-diagnostic à travers une introspection de ma propre personnalité qui réjouissez-vous, n’est pas différente de celle décrite ci-dessus.

Je conclue donc que pour :

– Le narcissisme : Il trouve son origine dans la lecture de l’Histoire qu’on a bien voulu faire pour nous et ce, depuis 1962. On retiendra que l’Algérien a fait la plus grande révolution du Monde, contre l’une des plus grandes Puissances du Monde de l’époque, et que cela suffit ! Cela va nous nourrir pour tout le restant de l’humanité.

Nous inspirant de cela, on s’est mis à faire les choses grandioses : Dans les années 70-80 nous étions les Champions du Non Alignement, et l’ère des constructions de la « plus grande aciérie » le « plus grand stade » la « plus grande raffinerie » etc….

Dans les années 80-90, nous devenons les champions de l’ouverture démocratique, du champ audiovisuel et du pluralisme politique (Rappelez-vous les 64 partis !)

Actuellement, c’est au tour du projet du siècle (autoroute Est-Ouest) et la « plus grande mosquée du Monde » (actualité politique et réconciliation obligent)

On vit sur cela. C’est notre pain quotidien arrosé de pétrole.

– Le Masochisme : Là, c’est plus compliqué. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce symptôme est né du mauvais exercice du premier. En effet, un narcissisme vécu sans conviction intime ne peut qu’être rejeté par le subconscient de tout un chacun.

L’image que le pouvoir a sciemment donnée au citoyen s’est avérée fausse. Quand ce pauvre citoyen découvre qu’il a été « berné » il assimile mal et réagit. Il réagit à travers sa propre « dévalorisation » Moi, le « nombril du Monde ?” Alors que je n’ai même pas ma liberté ! »

Cela a commencé par les blagues que l’Algérien crée pour se « ridiculiser » ensuite par l’autocritique acerbe sur ses comportements. Mais d’où viennent ces comportements ?

Ils sont les effets de l’exercice d’un pouvoir à sens unique. Cet exercice de pouvoir depuis l’indépendance, a généré des « abcès » fatidiques : la bureaucratie, la corruption, l’injustice, l’absence de liberté……

C’est tout cela qui est à l’origine de se déversement de fiel à travers les commentaires qui sont régulièrement publiés par BAI, amis également par tous les sites de la Toile.

Le pouvoir, atteint lui-même de “Psychopathologie obsessionnelle compulsive”, nous a tous transformé en Schizophrènes.

Le remède : Irrémédiablement une Démocratie ni spécifique, ni exclusive, mais tout simplement authentique, que recherche désespérément chaque citoyen assoiffé de liberté, affamé de bonheur et asphyxié par l’absence de développement.

C’est la seule thérapie contre cette schizophrénie collective.

Chronique parue le 17/12/2010 par Djillali Cherrid.
Republiée le 08/11/2018