BEL-ABBES INFO

Le premier journal électronique de la wilaya de Sidi Bel-Abbes

Chronique du jeudi: UGTA : CES SYMBOLES QUI « NEGATIVISENT. »

ByDjillali C.

Fév 25, 2016

En 1986, j’étais en voyage semi-professionnel en Ex-Yougoslavie qui – rappelons-le pour les jeunes –  était un pays Socialiste. Alors qu’on visitait une usine de fabrication de Séchoir et Rasoirs électriques de marque ISKRA (marque autochtone sous licence Brandt) l’idée de demander après un représentant syndical me titilla. J’ai oublié de vous préciser qu’à cette époque j’étais syndicaliste à l’UGTA, Membre d’ATE. Alors que je m’adressais à la personne qu’on m’indiqua, pour lui proposer un débat sur le syndicalisme et un échange d’expérience, celle-ci, un homme de la trentaine, bien bâti à l’image d’un Slave, préféra s’occuper de sa machine pour s’assurer de la bonne finition du produit, avant de me chuchoter : «Bien sûr, avec plaisir. Attendez-moi à 17heures au foyer, j’y serais à la fin du travail!» Et pourtant c’est un Pays Socialiste!
L’UGTA est une organisation syndicale historique. Son vécu est intimement lié à la Guerre de Libération Nationale. Elle a été à l’origine, conçue comme un front qui devait fédérer l’ensemble des travailleurs Algériens, face aux Employeurs totalement «Colons» Elle aura été cette Organisation dite «satellite» du FLN, au même titre que l’UGEMA qui devait représenter quant à elle, les Étudiants. D’ailleurs, les Syndicats qui existaient (cheminots, ouvriers agricoles….) se sont tous fondus  dans l’UGTA. C’est ainsi que le Front de Libération Nationale a pu, dans une stratégie de mobilisation générale touchant l’ensemble des secteurs d’activités, mobiliser le Peuple y compris dans sa partie sportive, à travers l’équipe de Football du FLN, autour d’un seul objectif : mettre fin au colonialisme et récupérer la souveraineté du Peuple
À l’indépendance, l’objectif fondamental assigné tant au Front politique qu’à ses satellites et notamment l’UGTA, n’est plus, le Pays ayant recouvré sa Liberté, le retour à une société fonctionnant selon les normes démocratiques aurait dû être une priorité.
Malheureusement, la corruption du Pouvoir décida autrement. Elle ameuta les guerres fratricides, les règlements de comptes y compris par le recours aux exécutions sommaires, juste pour pouvoir demeurer au Pouvoir. La « stalinisation » du Pays ne tarda guère. Les guéguerres se succèdent interminablement. Pour assurer la disponibilité du nerf de la guerre nécessaire, il sera fait recours à la rente que l’on rendra pérenne. Le pétrole source inestimable et inépuisable, don de la nature, deviendra le pourvoyeur non seulement du tube digestif des gouvernants et leur progéniture, mais également le moyen de se doter des armes nécessaires pour détruire quiconque voudrait s’imaginer des velléités pour disputer le Pouvoir. Ainsi donc, l’UGTA à force de rente, de compromission et de paix sociale, s’érigea en entreprise commerciale, où il est plus fréquent de régler les problèmes de son encadrement que de réfléchir un tant soit peu à ceux nombreux des travailleurs.
L’organisation de la centrale syndicale est similaire à un Holding d’une Multinationale. Jugez-en : Un Secrétaire général entouré d’une armada de collaborateurs à deux niveaux : Le premier est constitué d’un organique et de secrétaires nationaux chargés chacun d’un secteur à l’image des Directeurs centraux d’une entreprise. Le second niveau est constitué de secrétaire de Fédération (une dizaine), qui sont similaires aux directeurs généraux de filiales dans une multinationale. L’ensemble de ses structures sont articulés autour d’organigrammes qui englobent toutes les fonctions d’entreprises, allant des Ressources Humaines aux Finances, passant par les moyens généraux et les appro. Toute cette organisation est bien entendu financée par les Entreprises d’où sont issus les Cadres de l’UGTA. À cela, il faut ajouter les salaires mirobolants et les avantages exorbitants qui comprennent les véhicules de fonction de luxe, les téléphones portables avec crédit illimité, les missions à l’étranger, les cadeaux de fins d’années, les avantages offerts régulièrement par les différentes entreprises du secteur etc… Jusque-là, il ne s’agit que du sommet de la pyramide. Elle s’articule au niveau de chaque Wilaya avec le même schéma, ainsi qu’au niveau Daïra, Commune, entreprise et usine. La quasi-totalité des représentants syndicaux sont de facto en détachement permanent et ne travaillent pas. Soit parce qu’ils n’ont pas envie, soit parce qu’ils sont corrompus par l’employeur qui préfère les dispenser du travail pour qu’ils le laissent tranquille.
Les Pouvoirs successifs se sont unanimement voués à l’instrumentalisation de l’organisation syndicale depuis l’indépendance. Ainsi, le choix de la date du 24 février, date anniversaire de l’UGTA par Boumediene pour annoncer la nationalisation des Hydrocarbures, n’est pas fortuit. Si du côté du Pouvoir, cela permet de donner plus de crédit à l’UGTA, l’Organisation elle-même continuera jusqu’à ce jour, de faire de cet évènement, un fonds de commerce inépuisable.
Un syndicat authentique ne peut exister et contribuer à la lutte des travailleurs, que s’il est indépendant dans ses statuts, indépendant des Partis politiques et surtout indépendant dans ses sources de financement. Un Syndicat ne peut se prévaloir comme tel, que s’il vit de ses propres cotisations.
À défaut, ce sera toujours une organisation satellite, bureaucratique budgétivore, s’alimentant à la rente et œuvrant pour la paresse et le statu quo.
djillali@bel-abbes.info