CONNAISSEZ-VOUS SARAH RIVENS ?

Non? Moi non plus, jusqu’à si peu.

C’est une jeune algérienne. Une algéroise plutôt. Une représentante de la jeunesse qui monte. Ouverte sur le monde. Branchée. Connectée. Très à l’aise sur le Net. Qui en use à bon escient. Qui s’y sent dans son élément. Comme une sirène dans un océan bleu.

Ou plutôt Alice au pays des merveilles. Son pays sait faire des miracles. C’est un pays sans État. Qui n’a pas de frontières. Qui n’a pas de dieux. Qui n’a pas de rois. Ni de parlement. Il s’en fou des races, des couleurs, des religions et des nationalités. Il s’en fou des lois. Il s’en fou de la morale. Il crée ses idoles. Il sélectionne ses propres élites sur un seul critère : ce de quoi ils sont capables, sur leur talent. Ils sait les faire sortir du néant. Il sait les rendre riches. À bas bruit. À bas coût. Sans aucun formalisme. Sans aucune sélection. Sans concours. Sans aucun examen préalable. Et, sans intervenir, sans favoriser aucun, il donne la chance à tous et laisse à ses citoyens la liberté d’élire ceux qu’ils considèrent les meilleurs.

Sarah Rivens en est une. À 24 ans, elle a jeté sa bouteille dans l’océan bleu. Et peu de temps après, neuf millions d’individus l’ont recueilli. Elle a ouvert son coeur et ” Captive” a fait mouche. Sans formalité aucune, sans l’aval d’aucun jury, sans la bénédiction d’aucun lobby, sans l’appui d’aucun éditeur, sans frais et sans publicité le monde virtuel l’a imposé au monde réel. Il en a fait une star. Il l’a fait entrer dans le club des grand, dans le monde restreint de la scalabilité.

Sarah Rivens est une étoile naissante qui brille très fort. Plus fort que certains astres auxquels elle fera de l’ombre si elle résiste, si elle persiste, si elle ne perd pas son âme, si elle ne gâche pas sa plume, si elle ne file pas trop vite, si elle ne fera pas que passer comme passent sans laisser des traces les belles étoiles filantes.

Grâce au miracle du Net, Sarah Rivens a fait en un clin d’oeil ce que des vieux archaïques n’ont pas réussi à faire pendant une vie: gagner le Graal, séduire dès les premiers jets de plume 9 000 000 de cœurs. Zaoui doit se sentir ridicule dans ses navets, lui qui a fait toutes les concessions et toutes les compromissions pour seulement 10 000 ou 20 000 lecteurs qui lui reconnaîtraient le talent de l’écrivain respectable qu’il ne cesse de rêver d’être.

Et Khadra, le grand Khadra, qui criait sur tous les toits, jusqu’à l’Everest, jusqu’ l’ivresse, que dans le domaine livresque, de tous les auteurs algériens, maghrébins, arabes et africains, il est le plus merveilleux et le plus lu au monde, le voici donc, Khadra le sublime, détrôné par une minette sortie du chapeau d’un prestidigitateur invisible.

Cette minette aux yeux espiègles et aux doigts de fée est une menace dangereuse. Une sérial killer embusquée. Elle est la petite autrice qui ébranlera les certitudes de nos grands auteurs. Qui les obligera à baisser leurs petites quéquettes. Qui réduira à très petits leurs égos surdimensionnés.

Elle est la spontanéité qui fait face à l’artifice, la jeunesse qui défie la vieillesse, l’avenir qui rit du passé. Ce petit poisson deviendra grand, pourvu que Dieu lui prête vie et pourvu qu’il sache garder comme un trésor le naturel et la spontanéité qui ont fait jusqu’à présent son succès. Un succès qui, hélas, risque d’être éphémère.