L’empressement à proclamer la lutte contre la corruption est louable mais insuffisant s’il reste à l’état embryonnaire de déclaration d’intention. Ou de se transformer en thérapie, en « Mur des lamentations » ou agora pour imprécateurs novices ou experts de la harangue. Nous en avons de beaux spécimens dans notre espace! Il permet surtout d’éviter l’épineuse question de l’économie informelle en Algérie et des quelques quarante milliards de dollars soit 19 pour cent du PIB qui circulent en liquide, en cash, en flousse, en « Imahem », en pèze, en tunes, en chkaras ventrues ou menues dans le pays, et qui représentent une manne financière qui échappe aux recettes fiscales. Et qui enrichit les barons du système, un pied dans l’état formel et l’autre dans l’économie qui n’a plus rien de souterrain de part sa magnitude, ses structures et son déploiement dans le temps et l’espace. Et que l’on continue d’ appeler
« informelle » en en niant le caractère systémique et structurel. Ni marginale, ni parasitaire mais bien au cœur du système. La collaboration entre secteurs formel et informel a installé selon le diagnostic de l’économiste Camille Sari une inflation chronique incurable.
Au sujet de la spirale inflationniste, il livre le constat suivant: « Depuis plusieurs années, le gouvernement algérien accorde des augmentations substantielles aux fonctionnaires. Les rappels de salaire versés à ces derniers ont crée un certain regain de la consommation. Or,le rythme de ces augmentations a dépassé de loin les possibilités de l’offre de l’économie algérienne »
Tout est dit ou presque. L’économie algérienne dont le naufrage de sa base industrielle a été programmé conformément aux instruction de FMI et appliqué avec zèle par des technocrates qui se reconnaîtront et des apôtres de la libéralisation (dont le ‘célébrissime’ et ‘Alama’ docteur Mebtoul Aberrahmane) depuis 1980 s’est orientée vers une économie de la demande. Et de la gabegie qui réduit le pays en estomac gargantuesque et insatiable. Or la satisfaction de cette demande en biens de consommation qui grèvent l’équilibre des comptes reste aux mains des nantis du système qui contrôlent les deux types d’économie: la formelle et « l’informelle ».Hadj Moussa et Moussa Hadj! Le ‘BIZNIS’, en échappant à la fiscalité permet de brasser des liquidités astronomiques, de conforter des marchés captifs , y compris de s’introniser place boursière et de se payer le luxe inouï de fixer des taux de change
parallèles. Nous souffrons tous du syndrome de la grenouille (1) et baignons tous dans ce système que nous sommes devenus caution par nos agissements au quotidien. La perversion algérienne fera que celui qui achète des devises au marché noir pour accomplir une Omra ne se sentira à aucun moment ni corrupteur ni corrompu!Ni responsable de la spirale inflationniste qui met à mal les bourses les plus fragiles et érige un mur entre ceux qui peuvent consommer et ceux qui mangent avec les yeux!
De l’aveu même de Réda Hamiani du syndicat patronal, les clients avec l’entregent reconnu qui franchissent les portes des banques n’ont aucun projet industriel de nature à créer des richesses mais demandent prioritairement des autorisations d’importer. Ainsi, l’économie algérienne dont la base industrielle représentait 20 pour cent à l’arrivée de Chadli, s’est convertie en Souk géant,
en bazar de produits de pacotille qui font la croissance chinoise et les parts de marché des constructeurs automobiles. Selon tous les experts indépendants, la part de la base industrielle en Algérie n’excède pas les 4 pour cent!En place de créations de richesses,vous avez le choix entre des moulins à vent, de la parlotte et des prêches du registre laïc et religieux pour » El Hidaya »! L’économie informelle communique avec le marché noir dans un partenariat efficace selon le principe connu des vases communicants. La solution la moins concentrée migrant par osmose vers la plus concentrée si j’ai gardé un quelconque souvenir des cours de chimie. Même des produits dont le prix est soutenu artificiellement (essence et produits alimentaires de première nécessité) franchissent les frontières pour saigner l’économie algérienne .
La traite par Hallabas interposés, en ce qui concerne l’essence n’est qu’un des nombreux avatars d’un système à qui tout échappe et condamne à l’investissement étatique pour éviter des troubles sociaux majeurs.
Nous ferons évidemment le tri pour éviter de mettre dans ce même sac de vipères, le malheureux qui a recours à l’économie informelle pour fuir la mort sociale et le déclassement. Ouyahia, en voie d’éjection avait avoué son impuissance à juguler l’importation et à lutter contre les maffias qui contrôlent tous les secteurs de l’économie algérienne.
Le choc salutaire viendra quand se terminera la malédiction de ‘l’or noir’, quand le dernier puits se tarira et que la vache Sonatrach sera conduite à l’abattoir des illusions perdues et que nous serions contraints de réfléchir sainement sans ‘festi’!. L’addiction à la consommation est toxique et le vrai nationalisme est celui qui mettra fin aux rentes de tout ordre pour le plus grand bénéfice du pays.
Entre impôt confiscatoire et évasion fiscale systémique, la réalité algérienne montre un vrai partenariat entre économie formelle et ‘informelle » pour le plus grand bonheur de nos nouveaux milliardaires. Si riches et si pauvres à la fois!
La foule trahit le peuple!
(1) Des expériences (cruelles au demeurant) ont démontré qu’une grenouille placée dans un liquide brûlant s’en échappait par un acte réflexe naturel. Toutefois, si on portait progressivement le liquide à ébullition par étape, la volonté de la grenouille était inhibée et elle finissait par mourir sans faire la moindre tentative pour se sortir de ce piège mortel. L’Algérien confronté à l’anormalité finira par la trouver ‘normale’!