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IBN – SINA (Safar 370 / Août 980 – Ramadan 428/ Juin-Juillet 1037). 3ème partie.

ByMohamed Senni

Avr 19, 2013

                         Son époque, sa vie, son œuvre et esquisse de sa pensée.

                                                                                      Par Mohamed Senni.

 « Dans le monde actuel et parmi trop d’intellectuels ou de militants, on se partage entre adeptes d’une authenticité sans avenir et adeptes d’un modernisme sans racines. Le français traduit mal, en l’espèce, ce qui en arabe vient beaucoup mieux :

                                                                          أنصارُ المَصِيرِ بِلا  أَ صِيلٍ وأَ نْصَارُ الَأصِيلِ بِلَا مَصِيرٍ                                                                                                                                                  

                       Jacques Berque in « Les efforts d’innovation dans l’Islam moderne ».L’Islam, la philosophie et les sciences. Les Presses de l’Unesco. (1401 / 1981).

            03.Son œuvre.

         Si son œuvre a pu être circonscrite de manière très poussée, ce fut surtout grâce à l’intérêt suscité par les fêtes du  millénaire de sa naissance qui ont drainé des spécialistes mondiaux qui passèrent au peigne fin les  bases scientifiques de son prodigieux apport, les nombreux aspects de sa doctrine et surtout le travail titanesque, étalé sur vingt ans, portant sur l’édition complète, au Caire, de son ouvrage-clé : le Shifā’.

Retourner sur les fêtes de ce millénaire d’Ibn Sina peut beaucoup aider à cerner, certainement de manière très approximative, l’apport exceptionnel de celui qui fut tout simplement un génie qui a non seulement marqué l’Asie, le pourtour méditerranéen mais même la pensée universelle en général. Aussi consacrerons-nous quelques lignes à ces festivités.

Ibn Sina est réclamé par les Turcs, les Arabes et les Persans. Les premiers nommés lui consacrèrent, en 1937, la célébration du neuf-centième anniversaire de sa mort. Les Arabes organisèrent un congrès, du 20 au 28 mars 1952, à Baghdâd, enfin les Iraniens organisèrent le leur, à Téhéran, du 21 au 30 avril 1954. Mais ils n’étaient pas les seuls à penser à cette commémoration.

En janvier-février 1951, six conférences, sur Ibn Sina, furent données à Cambridge (Angleterre).

En mars 1951, à Paris, La Radiodiffusion française a organisé une série de causeries diffusées en arabe. La première a été donnée par le Docteur Taha Hussein et la dernière par Louis Massignon.

En 1954, au Caire,  fut terminé et édité  le Shifâ’ sous l’égide du Comité d’Avicenne.

Du 17 au 19 mars 1956, ce fut Calcutta qui organisa ses festivités.

Tous les recueils de l’ensemble de ces manifestations existent.

On a sérieusement répertorié quelque 277 livres, opuscules, traités, lettres, entre édités et manuscrits, écrits par Ibn Sina en plus de quelques titres uniques (apparemment perdus)  dont nous avons déjà parlé. Un rapide aperçu nous donne : « 44 en médecine, 34 en psychologie, 32 en métaphysique, 32 en mystique, 26 en physique, 24 en philosophie générale, 23 en logique, 15 en mathématiques, musique et astronomie,  11 en morale et économie, 7 en chimie, magie et onirocritique, 5 exégèses de courtes sourates et une de simples versets, 3 en linguistique, 1 en poésie, 5 traitant de diverses matières et 14 lettres ». Cerner fidèlement sa pensée relève de la prétention d’autant plus qu’il reconnaît lui-même qu’il n’était parvenu à assimiler la métaphysique d’Aristote qu’après quarante lectures! D’autre part, Ibn Sina appartient à une sphère géographique qui a gardé un vif intérêt pour la culture grecque après le passage,  quelque treize siècles auparavant, d’Alexandre le Grand (qui fut élève d’Aristote), sphère ayant donc des prédispositions pour assimiler ce que les écoles arabes allaient déverser dans ce domaine.

          04. Clichés de quelques œuvres maîtresses

                     4.1    Al Kânûn fî Tibb.   القانون في الطب 

Cette encyclopédie médicale se compose de cinq livres ayant, dans l’ordre, pour thèmes : principes généraux, liste alphabétique des simples, maladies (1) et (2) et remèdes composés. Ce livre est couramment vendu chez nous comme l’est d’ailleurs « Kitab Al-Shifā’.

« Elle connut  une première édition du texte en arabe à Rome en 1593, fut traduite en latin au XIIème siècle et imprimée à  Milan en 1473,  Padoue en 1476, Venise 1482 et 1591 et Junta en 1708. Des fragments de la traduction latine furent édités sept fois à Venise entre 1433 et 1608, deux fois à Lyon en 1498 et 1523, deux fois à Paris en 1532 et 1555 et une fois à Bonn en 1560. »

« Clinicien remarquable, il a décrit avec précision la méningite aiguë, les fièvres éruptives, la pleurésie, l’apoplexie (arrêt brusque et plus ou moins complet des fonctions cérébrales, avec perte de la connaissance et du mouvement volontaire, sans que la respiration et la circulation soient suspendues) et donné de nombreux conseils thérapeutiques, observations psychologiques, pharmacologie (étude des médicaments et de leur emploi), déontologie (ensemble des règles et des devoirs professionnels du médecin), sémiologie (étude des signes de la maladie), pharmacopée (confection des remèdes), diététique et anatomie. Il a écrit des recueils sur les médicaments cordiaux (remontants, stimulants), des poèmes sur l’anatomie, la médecine, des manuels sur la conservation de la santé, les conseils médicaux, les conseils d’Hippocrate, les aliments et les médicaments, l’urine, l’écoulement séminal, la dissection des membres, l’embonpoint, l’oxymel, le baume, l’arrêt de la fièvre, la saignée, l’utilité du gingembre, la diarrhée, la mention des  mesures des sirops, le pouls, la chicorée etc ».

             04.2    Kitab Al-Shifā’.  كتاب الشفا

Livre-clé d’Ibn Sina, il aborde  quatre grands thèmes : la logique, la physique, les mathématiques et la métaphysique. Sa première traduction en latin a été éditée à Venise en 1508. Le De Anima  (kitab En-Nafs) et La métaphysique, faisant partie de ce livre, ont profondément marqué la pensée philosophique au Moyen Age.

           04.3    Les Directives et les remarques (الإشارات والتنبيهات).

Ce livre se compose de deux parties : une de logique contenant dix Anhaj (voies)  et une partie physique et métaphysique comprenant dix Anmat (chapitres).

           04.4    Hayy ibn Yakzan. حي بن يقظان

Ce récit fut critiqué par Suhrawardi (539-632 / 1144 -1235), grande figure de la philosophie illuminative contre lequel il composa lui-même le récit de «l’Exil occidental ». Or la subtilité d’Ibn Sina arrivait à un degré insoupçonné. Dans son récit qu’on peut traduire par « Vivant fils de Veilleur », la surprise tient à l’usage de la physiognomonie (الفـَـرَاسَـة) science qui a pour objet la connaissance du caractère d’une personne d’après la physionomie et dont l’objet et l’emploi en logique ont été précisés par Aristote.

            04.5 Kitab al-Insaf (Livre de l’équité). كتاب الإنصاف

Dans ce livre, Ibn Sina divise les savants en deux : les orientaux et les occidentaux qui discutent ensemble. Ibn Sina les départage équitablement chaque fois qu’il y a entre eux opposition réelle. Ecrit en  vingt volumes, il englobe 28000 questions. La partie consacrée à la Hikma al-Ilāhiyya (la philosophie du Trône) a disparu lors du pillage en 425 / 1035 par le Sultan Mas’ûd Ibn Mahmoud (998 /1040).

         05. La pensée d’Ibn Sina et les remous qu’elle a provoqués.

Son itinéraire mouvementé, la société dans laquelle il a vécu, la volonté créatrice existant à tous les niveaux de cette société, l’œuvre dont nous venons de donner un rapide aperçu et qui a suscité un intérêt très marqué à l’échelle mondiale auprès des institutions les plus autorisées à travers les divers apports de leurs plus éminents représentants dont la moindre des tâches a été de mettre définitivement un terme à des appréciations volontairement voulues négatives par des spécialistes occidentaux célèbres, à travers les âges,  traduisent que l’homme avait une pensée hors du commun.

Il  a été unanimement reconnu que «  son rôle, dans la philosophie musulmane, est capital en ce sens qu’il en a réalisé la somme, ordonné ses différentes sections,  codifié les principes et précisé les concepts et la terminologie. A ce titre il a été prouvé qu’il a utilisé 800 termes propres avec le même sens dans 2500 phrases. Ayant développé et approfondi les idées de ses prédécesseurs, il a élaboré un système devenu par la suite une source incontournable. Pour des raisons de compatibilité avec l’orthodoxie musulmane, il se rapproche de Plotin ». Ce qui le fera sévèrement attaquer par Ibn Rochd.

Sa philosophie est un mélange de péripatétisme et de théories orientales. Selon Ibn Sina lui-même, cet aspect de sa doctrine était le plus important; ainsi est-il exposé dans son livre « la philosophie illuminative » aujourd’hui perdu et ne subsistant que par des extraits et des références cités  dans diverses œuvres. Cette philosophie était partagée par un autre persan : Suhrawardi. On sait que c’était « une sorte de panthéisme qui est un système philosophique selon lequel Dieu est identifié au monde c’est-à-dire que tous les deux forment un seul Etre. Ce système, né en Inde, devient une doctrine chez les Grecs dans le stoïcisme et le néoplatonisme. Pour les stoïciens Dieu est l’âme du monde. Il est à la fois pensée et matière »

« Nommé Prince des philosophes, il fut comparé à Aristote. Tout en admettant l’existence de Dieu  et de l’âme, il affirmait l’éternité et le caractère incréé de la matière, cause de la pluralité des choses. Il réfutait le dogme de la résurrection des morts. Enfin, c’est la médecine et la philosophie d’Ibn Sina qui influencèrent profondément la pensée médiévale et furent le tremplin des découvertes de la Renaissance. »

Les attaques de ses adversaires aideront, nous le pensons, a cerner davantage sa pensée.

Les sources suivront la fin de la quatrième et dernière partie.

                                                                                                                                                                                                      A suivre…     

 senni@bel-abbes.info                                                              

                   

4 thoughts on “IBN – SINA (Safar 370 / Août 980 – Ramadan 428/ Juin-Juillet 1037). 3ème partie.”
  1. Bonsoir Karim 10
    L’imam El ghazali ,comme étant l’un des rares a accéder a la distiction de
    Hikmatullah , donc tres pesant dans l’hiéarchie cléricale ,avait non seulement
    séverement critiqué Ibn sina et El farabi ,mais les a aussi condamné commme infideles .la sentance d’héritique étant plus severe que l’infidélité.
    Un siecle plus tard , c’est au tour de Ibn Rochd d’attaquer El ghazali pour sa réfutation des philosophies (sciences ) et lui imputant la résponsabilité du déclin scientifique du monde musulman.

    1. Bonsoir Mr OULED BOUL.
      En effet, cette question concerne l’Histoire «de la philosophie ».Ghazali reconnaissait le statut « scientifique » d’Avicenne, mais s’opposait vivement à ses pensées philosophiques qu’il jugeait par critiques sévères contraires à l’ISLAM.(Comme le problème de l’éternité du monde, Sifât Allah, Zhât et ’immortalité de l’âme et notamment la question de ilm Allah ainsi que la création du monde dans le « temps-Zaman », ….).
      Mais Ghazali n’était pas le seul à critiquer Avicenne il y avait aussi Fakh Razi et d’autres de l’école des « Ash’arit ». Mais les contemporains disent que Ghazali a « tué » la philosophie en orient ! A mon avis c’est aussi une critique sévère. Bcp « compose » Ghazali avec Ibn Taymiyya qui a le plus critiqué Avicenne il est allé jusqu’à émettre des fatwas le condamnant avec les autres philosophes. Cordialement.

  2. Salam.
    D’u point de vue de l’Histoire. Il faudrait retenir Trois repères INCONTOURNABLES dans l’œuvre d’Ibn-Sina bien qu’il y’en a d’autres très bien « lister » par notre ami Mr SENNI qui est à féliciter.
    1 – IBN-SINA était un « vrai Savant » qui s’intéresser à tout (Il travaillait la nuit à ses grands ouvrages, le jour aux affaires de l’État ! ). Le résultat est époustouflant (277 ouvrages, tous écrits en arabe à part une minorité écrite en perse).Malheureusement, la plupart sont perdus comme déjà bien souligné par Mr Senni .Il en reste 68 œuvres ou traités disponibles dans les librairies. Il faut souligner aussi que IBN-SINA mourut en 1037 à Hamadhan, sans FEMME ni ENFANT !
    2- Son livre référence a inspiré plusieurs savants ou scientifiques (si vous voulez) : Et pour vous épargner de « GOOGLISER » les noms. Je vous donne quelques noms : Leonardo da Vinci , James Hutton qui est l’un des pères de la géologie moderne…… Enfin ! Son OUVRAGE est une vraie contre idéologie de L’ISLAMOPHOBIE SAVANTE.
    3 – Le « serment » que font les médecins et pharmaciens n’est pas le serment d’Hippocrate d’origine du IV° siècle A-C, mais traditionnellement prêté par les occidentaux au grec (même s’il en est inspiré. D’ailleurs lui ne croit pas à un seul DIEU ! Et puis ce serment d’Hippocrate interdit explicitement de pratiquer l’avortement (me disait un ami lui-même médecin) !
    Le Manuscrit du « sermon d’Avicenne » qui est un code de déontologie ou d’éthique, existe bel et bien dans la grande Bibliothèque de Berlin. Selon les Historiens les « Occidentaux » ont brouillé les données au moyen âge et ont attribué cet acte de foi écrit et fait par l’imminent savant Abou Ali Ibn Sina (Avicenne) à Hippocrate. De toute façon les Hôpitaux décriés par Messieurs :BERKANI, HAKIM,ADIL… sont régie par des « lois » et non par les principes de la déontologie médicale (Encore le PARADOXE directeurs « H » -Administration & Médecins). Merci.

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