« Le temps est un vieillard qui a la malice des enfants » ( George Schéhadé)
le temps est farceur et il n’entend tenir compte d’aucune chronologie.Faites lui confiance. La publication sur le site de » Adieu aux cigognes » m’a valu , trois appels de téléphone depuis le Canada. Chose plutôt passée de modendepuis l’ère des e.mails. Un d’entre eux, particulièrement insistant voulait absolument savoir si sous les traits de Khaled le personnage, ne se cachait pas Khaled Z…..
Au bout de quelques minutes, il ne présenta plus cette hypothèse comme une éventualité purement spéculative mais comme une certitude. « Je n’exclus point le problème psychologique de l’erreur » ajouta t-il. Avec le ton docte du professeur qu’il n’avait jamais cessé d’être, même converti en épicier dans ce faux Eldorado. « Mais enfin, avec Smiley dans le décor, on ne peut que conclure à une reconstruction cartésienne du jugement qui étaye mes conclusions; et puis comme le disait Platon, « celui qui se trompe volontairement, ne se trompe en réalité pas. »
Un deuxième miracle arriva. Un autre ami me signala l’apparition d’un livre sur lequel figurait, en préface un hommage de l’auteur adressé à ses anciens enseignants. Algériens et Américains confondus. Son auteur, le docteur Cheref A. qui avait enseigné dans les plus prestigieuses universités américaines et qui est actuellement en
poste à l’université américaine de Naurak (Dubai) reprit langue et nous nous sommes copieusement et pudiquement interrogés sur cette béance du temps, plus de vingt huit ans.
Le destin avait organisé cette rencontre (numérique pour le moment) pour faire savoir que les évidences peuvent être subjectives et me faire connaître son texte hommage à sa mère Moudjahida paru en anglais sous le titre: « The day my mother almost died at the dawn of a free Algeria ». Connaissant ses réserves et ses réticences à l’auto promotion, je prends sur moi de le traduire et de le proposer ici, comme hommage indirect à ma propre mère, amie de la sienne , agent de liaison et responsable de collecte d’argent et bien d’autres choses.
Par le Dr Cheref A.:
« Le jour où ma mère a failli presque mourir à l’aube de l’Algérie indépendante ». Le 5 octobre 1961 est un jour à marquer d’une croix blanche dans ma famille.En cette soirée automnale- ma mère encore connue sous son nom de guerre, Saliha a affronté la mort alors qu’elle convoyait vivres, médicaments , munitions et uniformes aux combattants de la libération. 15 moudjahidins se trouvaient dans un merkaz (refuge) de Ouled Rahou, un douar situé à 16 kilomètres au nord de Mascara. On ne peut que reconstituer la scène entre échange d’informations sur les proches et essayage des uniformes apportés par Saliha. Soudain , des cris et des éclats de voix trouèrent le silence. Des ombres se mouvaient dans l’obscurité et des ordres aboyés. Les moteurs des jeeps faisaient un boucan du diable. Les combattants s’échappèrent péniblement , à travers bois, esquivant la traîtrise du terrain rocailleux et celle des hommes car ils étaient convaincus d’une délation. Des balles de mitrailleuses les visaient et l’une d’entre elles atteignit ma mère à la bouche. Elle s’effondra dans une mare de sang, les oreilles bourdonnantes. Une de ses mains couvrait sa bouche devenue horrible orifice tandis que l’autre implorait de l’aide.La balle avait coupé sa langue, brisé des dents pour se loger dans le côté droit de son cou. Elle y resta 27 ans, 7 mois et 20 jours.
Saliha avait rejoint le combat de son mari, le lieutenant de l’ALN « Si Belkacem Cheref à l’âge de 19 ans ayant juré de se battre jusqu’à son dernier souffle. Comme agent de liaison, elle était chargée de la distribution de tracts et de la collecte d’argent sur la zone de Mascara. Sur la liste du Deuxième bureau, elle n’avait pas rendu visite à ses
enfants et famille depuis 3 ans. L’enfant que j’étais se rappelle de mes visites à mon père au maquis dans ses caches diverses, et son sourire reste à jamais gravé dans ma mémoire.Des années plus tard, ma mère m’expliqua pourquoi la balle n’avait pas été extraite: « Quand la balle me toucha, ma langue enfla et je ne pouvais parler. Mes frères de combat m’exfiltrèrent vers une cache et un médecin qui m’examina déclara que la balle s’était logée près d’une vertèbre et qu’il lui était impossible de l’extraire. Je reçus des antalgiques mais la douleur était insoutenable.
La seule solution était de me transférer à Oran, où dans l’anonymat de cette ville, un chirurgien français, sympathisant de la cause ,tenta de la déloger sans succès à deux reprises, mais déclara que je ne courais plus de risque létal et qu’il valait mieux ne plus forcer le destin. »
Des années après l’indépendance, la douleur lui faisait souffrir le martyre….
Des grands hommes sont morts pour cette indépendance. Mais laissons à Hadja Saliha le dernier mot: « Mon mari est tombé les armes à la main mais Allah m’a fait témoin de ce qui a été fait de son sacrifice. Ils ont ruiné la promesse
faite aux martyrs ». Merci mon ami de m’avoir fait découvrir cette saga familiale, si familière à l’Algérie combattante et si étrangère aux combattants de la vingt cinquième heure et aux révisionnistes!
La foule trahit le peuple!
AL-HANIF
que dieu protégé notre patrie .