Il y a comme une démission morale d’une société qui, autrefois, cultivait la tolérance et la quiétude. Seuls face au climat d’insécurité et à l’incivisme, les services de sécurité et les citoyens vivent, impuissants, une situation kafkaïenne.
Les trois semaines du mois de Ramadhan ont suffi pour démontrer, encore une fois, que les voyous ont la mainmise sur la société algérienne. Le verdict est sans appel. Le sit-in observé, mardi, par les habitants de Belouizdad (Alger) pour exiger le rétablissement de l’ordre montre à quel point l’absence de l’État pourrait affecter profondément les citoyens, touchés dans leur chair. Et si les batailles rangées ont pris le dessus sur le contrôle des cités sans le moindre cadre de vie, il est clair que les actes de vandalisme qui suivent expriment également le laxisme des institutions, à commencer par la justice qui ne s’est jamais autosaisie après des drames.
L’attaque perpétrée contre une clinique médicale à Khemis El-Khechna, un édifice sanitaire par excellence, renseigne à bien des égards jusqu’où peuvent aller les gangs qui prennent, désormais, le contrôle de la situation.
Laquelle situation échappe totalement aux élus locaux, aux commis de l’État, à la justice, aux agents de l’ordre qui craignent la révocation s’ils interviennent avec toute la force de la loi pour interpeller des individus armés, mais aussi aux sages des douars, des villages, des quartiers et des cités. Ce cas de figure était précédé par l’agression d’une infirmière à l’hôpital de Blida et d’un médecin-anesthésiste au CHU Mustapha-Pacha d’Alger.
Les gangs s’en prennent même aux services de sécurité !
Le moment devient grave dès que les gangs ne se limitent guère aux attaques, aux agressions et autres délits qualifiés, sous d’autres cieux, de crimes. Les malfaiteurs s’en prennent davantage aux services de sécurité.
C’est le cas d’un groupe d’individus à Koléa qui s’est attaqué avec un fusil à harpon à des policiers. C’est également le cas d’un groupe de braqueurs arrêtés, hier, à Santa-Cruz (Oran) et qui se sont attaqués aux gendarmes avec des sabres au moment de leur arrestation.
C’est le cas aussi d’automobilistes, animés d’un incivisme caractérisé, qui descendent de leur voiture pour se faire justice dans les points de contrôle de police de la route ou encore lors de leur verbalisation pour non-respect du code de la route.
Démission de l’État
Si le chiffre de 970 arrestations opérées à Alger, lors de la première quinzaine du mois de Ramadhan, ne suffit pas, il est évident que l’État a démissionné au même titre que la société tout entière. La mort d’un adolescent de 14 ans à ex-Belcourt, une victime non concernée par la logique des gangs, ne semble pas suffire aux institutions de l’État pour reconsidérer la qualification du crime et du délit. Ailleurs, une agression, suivie d’un vol, est doublement qualifiée. Chaque acte cumule la liste des inculpations et chaque acte est jugé à part, suivi d’une condamnation à part. En Algérie, le second acte est souvent qualifié de circonstances aggravantes. Sans plus. La peine est, certes, alourdie, mais demeure insuffisante. C’est comme si un viol commis est relégué en seconde position s’il était précédé d’une agression.
Mais dans un pays où le repris de justice calcule la période durant laquelle il devra commettre un acte passible de prison et sollicite souvent de la justice son emprisonnement, on pourrait s’attendre au pire.
Notamment ceux qui bénéficient de grâce lors des fêtes nationales et religieuses et qui n’ont rien à perdre. à partir de là, le quotidien des Algériens est limité aux affres et à l’impact de ce nouveau “terrorisme” qui semble s’inscrire dans la durée.
Qui osera bouger le petit doigt ?
Quand on révèle l’implication de 3 000 à 4 000 mineurs dans la criminalité et qu’on ne bouge pas le petit doigt au Parlement, au Sénat, dans les tribunaux et dans les ministères, il y a de quoi s’interroger sur les motifs réels d’une telle démission absolue devant l’incivisme, l’insécurité et la dégradation du cadre de vie. Du reste, les Algériens, surtout les honnêtes citoyens, rasent les murs, matin et soir, et prient Dieu pour qu’ils soient épargnés “par défaut” de ce cataclysme sociétal.
Par : Farid Belgacem
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