Qu’est ce donc un intellectuel au sens strict et précis, et quel est l’équivalent de ce vocable dans notre langue arabe, si toutefois il a un équivalent?
En préparation d’une tentative de l’éclaircir, j’avais posé une question qui a intéressé et fait réagir beaucoup d’amis, je les en remercie tous. Certaines réponses étaient proches du sens du mot tel que je le conçois, d’autres ont affirmé qu’il n’a pas d’équivalent en langue arabe, et madame Latefa Abid, lettrée et résidente en Angleterre, a affirmé, elle aussi, que ce concept est étranger à la langue anglaise.
Il est vrai que le mot « intellectuel » est étranger à la langue arabe ainsi qu’à la langue anglaise, et même à la la langue chinoise ou hindou. Pourquoi? Simplement parce qu’il est spécifique à la CULTURE FRANÇAISE et à son histoire. Il a une généalogie, un sens propre, et il est de ces mots que l’on peut dater comme on date au carbone-14 les corps durs. Il y’a certainement dans toutes les langues des mots aux sens qui leurs sont particuliers, au même titre qu’est le mot qui nous intéresse à la langue Française. Il suffit de lire les yeux ouverts et s’en rendre compte.
Ma relation avec ce mot à pour origine un séminaire organisé, il y’a quelques années par la faculté de droit, dans laquelle j’exerce, et qui avait pour objet L’ERREUR JUDICIAIRE. J’étais sollicité pour intervenir sur ce dernier sujet. Chose étrange, pour comprendre une notion purement juridique ( l’erreur judiciaire), la littérature me fut d’un plus grand secours que les classiques du droit. Et en préparant une courte intervention que je voulais précise, j’ai découvert à quel point les deux concepts « erreur judiciaire » et « intellectuel » sont associés, qu’ils sont nés du même événement, le même moment. J’avais alors avancé, en plaisantant à peine, l’idée qu’ils sont nés du même utérus et conclu que ce sont des jumeaux de la langue française. Et que si un jour on penserait à fêter l’anniversaire des mots, ces deux-là auraient le même jour pour date d’anniversaire.
La date officielle de la naissance de nos » jumeaux » c’est l’année 1894, année de l’affaire Dreyfus. La célèbre affaire qui a donné une aura particulière au grand écrivain Émile Zola, « l’INTELLO » qui, par son AURA, son INTELLIGENCE, son VERBE, son COURAGE et son ENGAGEMENT pour une cause juste, devint le premier des « INTELLECTUELS » et donna un titre de noblesse à un mot que l’on utilisait auparavant dans uns sens péjoratif et à usage d’insulte. Tout cela par la magie d’une lettre qu’il publia au journal « l’Aurore », qu’il adressa au président Félix Faure et dans laquelle il dénonça, au péril de sa vie, un conglomérat militaire judéophobe et raciste.
Certains font remonter cette date de naissance à plus loin, à 1762, et revendiquent le titre de premier des intellectuels (en même temps que celui du premier des journalistes d’investigation) au vieux Voltaire, le bourgeois châtelain qui, au crépuscule de l’age (70 ans), découvrit une nouvelle vocation ; celle de la défense des persécutés. Il commença cette nouvelle carrière par l’affaire Calas, une des plus grande injustice de son temps qui se solda par la torture atroce et l’exécution d’un innocent; Jean Calas.
Voltaire, comme Zola, pour DÉNONCER les injustices n’a pas usé de mains, mais de son prodigieux pouvoir intellectuel à qui, il a joint sa notoriété de grand philosophe et homme de lettre, son courage, son engagement, son humanisme, toutes ses qualités de l’intellectuel authentique résumées dans son chef d’œuvre « Traité sur la tolérance », qu’il dédia et utilisa pour réhabiliter Jean Calas.
Comme « intellectuel », « erreur judiciaire » est une notion mal comprise même par les gens du métier. J’essayerai de les traiter en même temps. Mais en commençant d’abord par préciser ce que intellectuel n’est pas.
À suivre.