L’immense honneur, la plus grande des consécrations pour un chef d’état, qu’il soit monarque ou républicain, ou même despote, c’est un code qui porte son nom et qui le sauve de l’oubli futile des hommes. Et la plus grande consécration pour un ministre c’est une loi qui lui soit attribuée si ce n’est à jamais, du moins pour le plus longtemps possible.
Pour illustrer mon propos, voici quelques quelques exemples des plus notoires :
1- L’histoire ne sait pas grand chose des réalisations du roi Babylonien Hammourabi mais elle retient son nom pour quelques articles gravés sur une stèle de basalte noir qui constituent le code qu’il a promulgué presque deux milles ans avant Jésus-Christ. Toutes les universités au monde en font référence et tous les étudiants connaissent son existence, assurant ainsi au roi une immortalité que peut d’hommes ont reçu.
Il en est de même de l’empereur Napoléon connu dans l’histoire pour ses grandes conquêtes, mais qui assurait lui-même que sa plus grande réalisation, sa plus grande œuvre, sa plus grande fierté, c’est SON code civil qui a permis d’unifier la France et d’en faire une seule nation. Et, depuis 1804, date de la promulgation de cette œuvre législative majeure, l’influence de ce code qui est devenu école, n’a jamais diminué, de sorte que presque la moitié des codes civiles du monde s’en inspirent grandement ou le reprennent totalement ou presque. Deux siècles après, les hommes contestent à Napoléon certains de ses succès et lui reprochent certains défaites militaires, l’accusent d’esclavagisme ou même de génocide, mais personne jamais ils ne conteste l’immensité de son conquête juridique qui, comme le code Hammourabi, appartient à l’histoire, et dans son sillage le nom de son auteur.
2- Quant aux lois j’en choisis parmi parmi tant d’autres qui, il est vrai, n’ont pas d’importance ni pour nous, ni pour la grande Histoire, mais qui sont emblématiques et qui attestent du rôle qu’une moi peut jour pour inscrire sur le marbre le nom de son précurseur : la loi Veil de 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse à laquelle le nom de la ministre Simone Veil est attaché, et la loi Badinter de 1981sur l’abolition de la peine de mort, liée à l’ancien garde des sceaux Robert Badinter et qui fait a jamais le prestige de son nom.
J’ai cherché dans notre arsenal juridique très prolifique un code ou une loi que notre mémoire collective retient et attribue à un chef d’État ou à un de ses exécutants, mais en vain. Il se peut qu’il en existe et que si je n’en trouve pas c’est purement de ma faute, auquel cas je fais amende honorable. Mais ce dont je suis certain, et ce qui est factuel, c’est que jusqu’à présent, et quelque soit le mode par lequel il accède au pouvoir, chaque président qui prend le destin du pays entre ses mains fait de l’abrogation de la constitution ou son amendement une urgence, un souci premier, et de l’abrogation ou de la modification de certaines lois importantes liées très souvent aux derniers publics, un deuxième souci immédiat et non moins important. Il en est ainsi des lois sur la monnaie et le crédits, la loi sur les hydrocarbures, la loi sur l’investissement et les dispositions du code pénal relatives au détournement ou la dilapidation des deniers publics, des peines qu’elles édictent et de délais de prescription qu’elles imposent.
Nous sommes un État souverain. Nous avons par conséquence nos codes et nos lois. Mais ce qui est triste et regrettable c’est que nos codes ne soient que des œuvres de secondes mains, de simples reprises qu’aucun chef ne pouvait s’en attribuer la paternité, sinon le plagiat aurait été flagrant et risible. Et nous avons aussi nos lois. Mais toujours à l’essai, toujours instables, faites pour des conjonctures, parfois pour des intérêts particuliers malveillants, et non pour structurer et stabiliser la société dans ses diverses activités. Ces lois sont toujours des lois chiffrée, des lois SNP (Sans Nom Patronymique connu), que personne ne revendique l’honneur de les avoir proposé car, souvent, il n’y a pas en elles de quoi être fier, pire, que la honte peut y être attaché comme c’est le cas d’une loi sur les hydrocarbures qu’un sinistre ministre avait taillé sur mesure et qui n’a été abandonnée que grâce aux dénonciations de Louisa Hannoun, qui a au moins ce mérite.
C’est peut-être là ( dans l’absence de la dimension qui fait les vrais hommes d’État dont le souci premier est l’intérêt général qui transcende les intérêts particuliers, qui va au-delà du présent et qui travaille pour des générations à venir) que se trouve la cause qui explique que personne de ceux qui ont exercé la très haute responsabilité n’est entré jusqu’à présent dans la grande histoire par la force de la loi, alors que certains y ont entré dans la petite par la force des choses.