Il y a quelques semaines, un quotidien national a fait état de l’importation de la viande pour le mois du Ramadhan. Est-ce vrai ? Les jours à venir nous édifieront. Cette information nous amène à revoir la même opération qui a été réalisée l’année passée. Qu’on en juge. L’Etat avait annoncé qu’il envisageait d’importer 14 000 tonnes de viande ovine. Face à une telle information, appréhendée sans recul, beaucoup de lecteurs furent satisfaits par cet « effort » consenti par le gouvernement. Un quotidien de l’Ouest, à l’instar de ses confrères, annonce la nouvelle à la une en gros caractères. Habitué à ne trouver que des surprises derrière ses gros titres, nous nous sommes dit qu’il y en a une de plus dans cette manière de faire. Et cette surprise était bien là. Qu’on en juge : 14 000 tonnes de viande à écouler durant le mois de Ramadhan concernaient environ trente millions d’Algériens sur les quelque 36 millions que nous sommes. Chacun d’entre nous, à la faveur d’une répartition équitable, pouvait en savourer 15,5 grammes par jour pendant tout le mois sacré !! Fallait-il commenter cela ? Pour dire quoi ci ce n’est tout le mépris et toute la misère morale que l’on nous fait subir ? La décision ne pouvait que réjouir ceux qui avaient des problèmes de cholestérol et …les végétariens. Quant aux autres, ils devaient faire appel à la débrouillardise pendant que les décideurs, eux, étaient intimement convaincus qu’ils avaient veillé au sacro -saint respect de la dignité du citoyen sur laquelle nul n’avait le droit de transiger. Quelques semaines après cette généreuse information, la presse, faisant suite à des déclarations officielles, nous informa qu’en fin de compte, seules 10 000 tonnes de viande allaient être importées du Soudan, puis de l’Inde et que les opérations d’importation allaient être confiées à des importateurs privés après qu’il eût été question d’une distribution par l’Etat. Voilà donc la ration journalière de chaque Algérien passant de 15,5 grammes par jour à 11,11 grammes ! La solution ? Est-il si difficile d’impliquer tous nos compatriotes dans le développement productif de leur Pays ? La réponse nous sera donnée le jour où la presse et la télévision n’aborderont plus le problème de la cherté des produits alimentaires spécifiques à chaque veille ramadanesque même si ces problèmes ont existé et existeront pendant encore longtemps. A voir comment les choses évoluent –bien qu’il faille reconnaître que, sur d’autres plans, des réalisations grandioses ont vu le jour même si elles laissent un arrière goût amer après lecture des étalages de la presse- nous pouvons avancer qu’aucun Algérien ne verra cela de son vivant ou tant qu’on ne jugera plus, dans les hautes sphères, que l’engeance que nous sommes n’est composée que d’attardés. Même si la viande de nos frères soudanais ou celle de nos amis indiens était délicieuse, il eût été plus judicieux de la leur laisser. Car la viande existe en quantité et surtout en qualité en Algérie. Alors un dialogue de sensibilisation avec les éleveurs s’impose et l’Etat ne sortira que grandi s’il est amené à leur faire- provisoirement- des concessions et les citoyens seront comblés. Mais existe-t-il réellement une autorité sage et une volonté ferme pour mener à bien cette utopique opération qui reviendrait peut-être moins chère que des opérations improductives lancées en faveur d’une catégorie de citoyens et qui ont mobilisé l’Unique des semaines durant après les turbulences qu’a connues le pays? A moins que cette importation n’ait suivi les chemins tortueux comme ceux pris par d’autres projets qui ont éclaboussé le pays et terni son image déjà très mise à mal. Mais les puissantes filières informelles qui se sont partagé les monopoles de notre production qui stimule et aiguise les appétits de nos voisins, gérant-entre autres- tout ce qui touche à notre cheptel ovin, n’ont pas manqué de garnir, entre-temps, les tables de nos frères maghrébins de l’Est et de l’Ouest, très friands de la bonne chair de la race d’Ouled Djellal, Sougueur et autres ainsi que des dattes algériennes dont est sevré le peuple et ce en dépit d’un arsenal juridique et de services de sécurité chargés de protéger notre économie. La leçon qui consiste à savoir que la dignité de l’Algérien vaut 11,11 grammes de viande par jour par jour pendant un mois (c’est-à-dire moins d’un gramme par jour sur toute l’année), claironnée par un honteux tapage médiatique, reprise à l’envi par les thuriféraires du « Système » a été entre-temps diversement assimilée et ignominieusement digérée. Mais n’avait-on pas asséné, il y a quelques décennies, à la presse étrangère que « le peuple est à traiter comme un chien. Affamez-le et il vous suivra ».